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Les trithérapies, nouvelle arme contre la transmission du VIH Sida.

Les patients traités seraient moins contagieux, selon les scientifiques réunis à Mexico.


C’est une session, comme il y en a des centaines à la Conférence internationale sur le sida   de Mexico. Son thème : la « Prévention positive ». L’assistance est nourrie. Hier matin, une communication très attendue. Son auteur ? Le Pr Bernard Hirschel, qui dirige le service des maladies infectieuses à l’hôpital de Genève, en Suisse. Depuis quelques mois, ce médecin, connu et respecté, a osé briser un tabou. Et dire tout haut ce que tous les cliniciens constatent, à savoir que l’on est, peut-être, face à un tournant : avec le succès des trithérapies, non seulement le sida   est devenu une maladie chronique, mais, dans certaines conditions, le sida   devient de moins en moins une maladie transmissible.

En effet, quand une personne est traitée, sa charge virale, c’est-à-dire le nombre de particules virales circulant dans le sang, est proche de zéro. Si proche que l’on dit qu’elle est indétectable. Certes, on peut encore trouver des traces en quantité infime dans la salive, voire dans le sperme, mais il y en a si peu que les risques que ces traces virales soient transmissibles sont infimes, explique le Pr Hirschel.

« Désarçonné ».Si son constat se confirme, c’est toute la problématique de la transmission qui en ressort bouleversée. Ne va-t-il pas apparaître sur la planète sida   une nouvelle figure, celle du séropositif sous traitement, atteint certes d’une maladie avec ses effets secondaires et ses lourdeurs, mais une maladie qu’il ne transmet plus. « Cela n’a rien de nouveau, on le sait depuis quatre ou cinq ans, nous raconte Bernard Hirschel. Mais de là à le dire… C’est difficile, car cela revient à remettre en cause le modèle de la maladie contagieuse, et du tout-préservatif sur lequel repose la prévention. »

Au début, le Pr Hirschel a hésité, comme tous ses collègues. Et chaque fois qu’un séropositif - sous traitement et avec une charge virale indétectable - lui demandait s’il avait un risque de transmettre le virus, il répondait : « Il y a toujours un risque. » « Peu après, poursuit-il, j’ai été désarçonné par un procès qui a eu lieu en Suisse, où l’on poursuivait un séropositif qui avait eu une relation sexuelle non protégée. La personne n’avait pas été contaminée, mais c’était sur le principe de la mise en danger de la vie d’autrui. Et l’inculpé répondait qu’il était sous traitement, qu’il n’y avait aucun risque. S’il avait mis un préservatif, on ne l’aurait pas poursuivi. La situation devenait absurde. Enfin, l’autre élément qui m’a décidé à parler était ce que j’entendais dans ma consultation : pour un séropositif, se croire contaminant est une charge très très lourde à porter. »

Le Pr Hirschel a travaillé. Regardé les chiffres, accumulé les données. Lors de cette session à Mexico, il en a dressé le bilan. Nul ne le conteste désormais, quand la personne est traitée, le risque de transmission est devenu marginal. Ainsi ce travail sur 393 couples séro-discordants à Madrid, en Espagne, c’est-à-dire un couple où l’un est séropositif, l’autre pas. Ils ont une vie sexuelle sans préservatif : en dix ans dans ce groupe, il n’y a eu aucune contamination. Même résultat dans des études sur des couples en Ouganda, mais aussi au Rwanda. « Si on modélise, on arrive à ce constat », a même développé, à Mexico, Bernard Hirschel.

« Pour une relation sexuelle, le risque d’être infecté par le VIH   est de 1 pour 30 000 avec un préservatif dans l’hypothèse où celui-ci craque. Et il est de 1 pour 100 000 si la personne séropositive est sous traitement [dans une relation sans préservatif, ndlr]. Il n’y a pas de doute : aujourd’hui, le traitement est la meilleure des préventions. » Des propos qui détonnent. Et dérangent. « On est peut-être face à une évolution décisive », reconnaît le professeur Jean François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida  . « Ce sont encore des hypothèses, mais si le VIH   devient une maladie infectieuse qui n’est plus, dans certaines conditions, transmissible, cela modifie radicalement la donne. »

« Touché ».Evidemment, tout reste à consolider. Et les études sur la non-transmissibilité chez une personne traitée se sont surtout penchées sur les couples hétérosexuels. De même se pose la question des autres maladies sexuelles transmissibles : lorsqu’elles sont présentes, elles rendent une personne séropositive plus contaminante. Et puis, on sait que la personne est surtout contaminante dans les tout premiers mois après son infection. « Il n’empêche, le bouleversement est là, mais on n’a pas encore tout saisi des conséquences », confirme Bruno Spire, président de Aides, qui a développé cette question en séance plénière. « En tout cas, Hirschel a touché juste. D’ailleurs, quand il a commencé à en parler, dans toutes nos réunions à Aides, on ne faisait qu’en discuter. C’est que la question de la transmission est centrale dans la vie d’un séropo. C’est la première douleur des personnes touchées. Peuvent-elles contaminer ? Ont-elles contaminé ? Si cette question devient secondaire, oui, c’est toute leur vie qui change. Et l’épidémie aussi. »

Mexico - Eric Favereau - Liberation


Publié sur OSI Bouaké le samedi 9 août 2008

 

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