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De « terrifiantes » lois sur le VIH/SIDA risquent d’entraver la lutte

Autre évidence enfin constatée : la criminalisation des séropositifs ne permet pas de lutter contre la propogation du virus


Mexico, 8 août 2008 (Plusnews)

Pour tenter de ralentir la propagation du virus, de plus en plus de pays africains adoptent des législations qui criminalisent l’exposition et la transmission du VIH  . Mais ces lois pourraient faire plus de mal que de bien, ont prévenu des intervenants à la XVII Conférence internationale sur le sida  , au Mexique.

« L’Afrique s’est jetée dans ce large spasme frénétique de criminalisation du VIH   », a dit Edwin Cameron, magistrat sud-africain, lors d’une session de cette conférence, qui réunit quelque 22 000 délégués du 3 au 8 août à Mexico, la capitale Mexicaine.

Les lois qui font de la transmission du VIH   un délit ne sont pas nouvelles dans les pays développés. En Suisse, un homme a été condamné à une peine de prison cette année pour avoir infecté sa partenaire, même s’il n’était pas au courant lui-même de son statut VIH  . Récemment, une court du Texas, aux Etats-Unis, a condamné un homme vivant avec le VIH   à 35 ans d’emprisonnement pour avoir craché sur un officier de police, bien que les chances que le policier ait été exposé au virus soient virtuellement nulles.

Aujourd’hui, des gouvernements africains, particulièrement en Afrique de l’Ouest, prennent le train en marche.

Il y a quatre ans, les participants à un atelier régional à N’Djamena, au Tchad, originaires de 18 pays, ont adopté un modèle de législation sur le VIH  /SIDA   pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. Mais la loi qui est sorti de cette rencontre n’a rien d’un « modèle », le Cameroun ayant même décrit certaines de ses dispositions de « franchement terrifiantes ».

D’après Richard Pearshouse, directeur de recherche et politique pour le Réseau canadien de législation sur le VIH  /SIDA  , le modèle s’appuyant sur une large définition de la transmission volontaire du VIH   pourrait être utilisé afin de poursuivre des femmes séropositives pour avoir transmis le virus à leur enfant au cours de la grossesse.

La loi contient aussi des dispositions pour le test obligatoire du VIH   dans le cas des personnes accusées de viol, et pour régler des différents conjugaux ; elle donne le pouvoir aux travailleurs sanitaires de révéler le statut d’un patient à son conjoint ou partenaire sexuel, et elle exige des personnes vivant avec le VIH   de révéler leur statut à leur partenaire le plus tôt possible, ou dans un délai de six semaines, après avoir reçu leur résultat.

Facteur d’inquiétude, au moins sept pays en Afrique de l’Ouest et centrale ont déjà utilisé ce modèle comme fondement de leur législation nationale sur le VIH  , tandis que six autres sont actuellement en train de définir des lois similaires.

Certains pays ont choisi d’adopter le « modèle » de loi mot pour mot, tandis que d’autres ont tenté de la simplifier, rendant leur législation « profondément inamicale et régressive vis-à-vis des droits de l’homme », a estimé M. Pearshouse.

L’Afrique australe, où le fardeau de l’épidémie est le plus lourd, possède un arsenal de lois sur le VIH   plus ou moins efficaces, mais peu de pays ont, jusqu’à maintenant, introduit des législations qui criminalisent la transmission.

Néanmoins, Michaela Clayton, directrice exécutive de l’AIDS and rights alliance of Southern Africa, a expliqué qu’au Malawi, une loi contenant de nombreuses dispositions pour criminaliser la transmission, y compris de la mère à l’enfant, fait actuellement l’objet de débats. Si elle est déclarée coupable selon cette loi, une personne séropositive pourrait risquer jusqu’à 14 années d’emprisonnement. Le Mozambique envisage de voter une loi similaire.

« De mauvaises lois peuvent propager le virus »

Les intervenants se sont accordés à dire que l’infection intentionnelle et malveillante d’une autre personne était un crime, mais ils ont averti des difficultés à délimiter la frontière entre la transmission criminelle ou non.

Julian Hows, du Global network of people living with HIV, a exhorté les participants à prendre en considération les effets des lois qui criminalisent les personnes séropositives. Il a estimé qu’elles créaient « la peur et la confusion » et donnaient aux gens vivant avec le virus l’impression d’être des criminels.

« Une loi [criminalisant les personnes vivant avec le virus] est tout simplement un mauvais outil pour gérer la transmission du VIH   », a commenté M. Cameron. « Partout où elle a été essayée, elle s’est avérée contre-productive et appliquée de manière injuste ».

Au lieu de prévenir la propagation du VIH  , la criminalisation alimente la stigmatisation et décourage les gens d’aller se faire dépister, de révéler leur statut à leur partenaire ou d’accéder aux traitements.

La criminalisation est souvent présentée comme un moyen de protéger les femmes face à l’infection, mais Mme Clayton a souligné que dans la mesure où les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à aller se faire dépister, c’était elles qui étaient le plus susceptibles de se faire arrêter et poursuivre. Elle a également prévenu que les lois engendreraient la méfiance entre les personnes vivant avec le VIH   et les soignants.

« Exactement comme des préservatifs défectueux ou des matériels médicaux non sécurisés, de mauvaises lois peuvent propager le virus », a dit M. Cameron.

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Publié sur OSI Bouaké le samedi 9 août 2008

 

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