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Une jeune fille de 18 ans, porteuse du VIH depuis sa naissance, est en rémission

Le cas de cette française née avec le VIH et qui semble hors de danger, a été dévoilé ce lundi. Les raisons de sa rémission échappent en grande partie aux chercheurs


Le Monde.fr avec AFP | 20.07.2015

Une Française de 18 ans, infectée par le virus du sida   (VIH  ) pendant la grossesse de sa mère, est en rémission après avoir été sous traitement antirétroviral jusqu’à l’âge de 6 ans, un traitement stoppé par la suite, selon une étude publiée lundi 20 juillet

Ce premier cas mondial montre qu’« une rémission prolongée après un traitement précoce peut être obtenue chez un enfant infecté par le VIH   depuis la naissance », selon l’étude française présentée par le Dr Asier Saez-Cirion de l’Institut Pasteur, à la 8e conférence sur la pathogenèse du VIH à Vancouver.

Le concept de rémission à long terme après la prise d’antirétroviraux, soulignant l’importance d’un traitement précoce pour contrôler l’infection par le VIH  , avait déjà été mis en évidence par l’étude ANRS Visconti publiée en 2013. L’observation présentée lundi a été réalisée sur une enfant née en 1996 « infectée en fin de grossesse ou à l’accouchement alors que sa mère avait une charge virale [quantité de virus présents dans le sang] non contrôlée ».

L’enfant a été immédiatement traitée par l’antirétroviral zidovudine pendant six semaines et diagnostiquée porteuse du VIH   « un mois après sa naissance », selon les travaux menés par l’Institut Pasteur, l’Inserm et l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP). « Deux mois plus tard, et suite à l’arrêt programmé du traitement prophylactique, elle présentait une charge virale très élevée, conduisant à la mise en route d’un traitement associant quatre antirétroviraux » pendant les six premières années de sa vie, a mentionné le Dr Saez-Cirion.

« Une rémission à long terme est possible chez l’enfant »

L’enfant a ensuite été perdue de vue par le corps médical, et sa famille a décidé d’interrompre la prise des antirétroviraux. Revue un an plus tard par l’équipe médicale, la petite fille « avait une charge virale indétectable (moins de 50 copies d’ARN-VIH   par ml de sang) » et il a été alors décidé de ne pas reprendre le traitement, a noté l’étude.

Maintenant âgée d’un peu plus de 18 ans, cette jeune femme présente toujours une charge virale indétectable sans avoir jamais repris d’antirétroviraux. « Son nombre de lymphocytes [cellules responsables de la mémoire immunitaire contre les maladies] CD4 est resté stable tout au long de ces années », ont relevé les scientifiques. La jeune femme « ne présente aucun des facteurs génétiques connus pour être associés à un contrôle naturel de l’infection », a relevé le Dr Asier Saez-Cirion en assurant que « c’est le fait d’avoir reçu très tôt après sa contamination une combinaison d’antirétroviraux qui lui permet d’être en rémission virologique depuis si longtemps ».

Une mise sous traitement le plus tôt possible après la naissance

L’étude apporte « la preuve du concept qu’une rémission à long terme est, comme chez l’adulte, possible chez l’enfant ». Le Dr Saez-Cirion recommande toutefois de ne pas stopper un traitement antirétroviral en dehors d’essais cliniques, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte. Il s’appuie, pour cette recommandation, sur le cas d’un nourrisson infecté par le VIH   aux Etats-Unis et traité précocement « dont la rémission n’avait été que de vingt-sept mois après l’arrêt du traitement antirétroviral ».

Si le cas de la jeune femme « est un fait clinique majeur qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche », il est cependant à souligner que « cette rémission ne doit toutefois pas être assimilée à une guérison », a estimé le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, groupement de chercheurs de toutes disciplines sur le sida   et les hépatites virales.

« Cette jeune femme reste infectée par le VIH   et il est impossible de prédire l’évolution de son état de santé », a-t-il ajouté. Toutefois, ce cas permet de plaider « en faveur d’une mise sous traitement antirétroviral de tous les enfants nés de mères séropositives le plus tôt possible après la naissance ».


Sida : une jeune femme en « complète rémission »

Libération - 20 juillet 2015 - Eric Favereau -

Elle a 19 ans, ne veut surtout pas apparaître, ni que l’on donne son nom ni le moindre élément de sa vie. Pourtant, elle vit, dans son corps, une situation exceptionnelle, voire unique au monde. Elle est née séropositive, infectée par le virus du sida  . Or, depuis maintenant près de treize ans, alors qu’elle ne suit plus aucun traitement, elle va bien, très bien. Et on ne décèle plus la moindre trace de virus qui circule dans son sang. « Indétectable », comme disent les virologues. Certes, le virus n’a pas totalement disparu, car en cherchant bien dans certaines cellules, on peut en trouver quelques traces. Mais c’est tout. « Elle est en complète rémission », lâche le virologue de l’Institut Pasteur, le Dr Asier Sáez-Cirión. Et à Vancouver, alors que vient de s’ouvrir le congrès international sur le VIH  , regroupant plus de 5  000 participants, son histoire clinique a été présentée lundi soir pour la première fois.

« C’est un cas rarissime, explique le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida   et les hépatites (ANRS). En 2013, il y avait eu la présentation de ce que l’on avait appelé le bébé du Mississippi. Une histoire apparemment similaire, mais l’année dernière, on avait appris que le virus chez cet enfant se remettait à se répliquer. A présent donc, c’est le seul cas connu, mais il se peut qu’il y en ait d’autres qui passent inaperçus », tempère-t-il.

QUADRITHÉRAPIE

L’histoire de cette jeune fille est, en tout cas, banale, presque classique de ces années sida  . Sa mère est malade, infectée depuis quelques années par le VIH  . Nous sommes en 1996  : un protocole pour tenter d’éviter la transmission du virus de la mère à l’enfant est mis en place pendant la grossesse. Durant celle-ci – et ensuite pendant trois mois après la naissance –, la future mère puis l’enfant reçoivent le médicament le plus utilisé alors, l’AZT (azidothymidine). Au bout de trois mois, on arrête la prescription  : dans deux cas sur trois, l’enfant est indemne. Malheureusement dans notre histoire, ce n’est pas le cas. A six mois, le virus réapparaît, et se montre actif.

Elle est donc aussitôt mise sous traitement, et comme nous étions fin 1996, elle a la chance de recevoir une trithérapie, puis une quadrithérapie. Et cela marche  : chez elle, le virus devient « indétectable », ce qui signifie que pas la moindre particule virale n’est décelable dans le sang. Son traitement se poursuit. Pendant plusieurs années. C’est un traitement à vie.

D’AUTRES TYPES DE RÉMISSION

Cette histoire unique peut être mise en parallèle avec deux autres types de patients, suivis eux aussi depuis longtemps par des cohortes internationales. Ce sont des groupes de patients qui vivent avec le virus sans problème, comme si leurs organismes avaient réussi à s’adapter. Puis, il y a un autre groupe. Ce sont des personnes qui ont été contaminées mais traitées très précocement. Pour des raisons variées, elles ont arrêté leur traitement. Et là, comme un miracle, l’organisme contrôle le virus.

« Tout concourt à penser que c’est donc l’instauration très précoce du traitement qui a préservé leur système immunitaire », explique le professeur Delfraissy, ajoutant  : « Mais ces situations sont différentes de celle de la jeune fille d’aujourd’hui. Car avec elle, il s’agit d’une contamination dès la naissance. »


Combat

Libération - 20 juillet 2015 - par David Carzon -

Elle est née en 1996. Comme un symbole. C’est à la fois la date de naissance de la jeune femme en complète rémission du VIH   dont nous racontons l’histoire. C’est aussi cette année-là que la conférence de la Société internationale sur le sida   de Vancouver présentait les premières études montrant l’efficacité de nouveaux traitements. Qui allaient apporter l’espoir, tant attendu par les malades, qu’on pouvait ne plus mourir du sida  . Alors que le rapport de l’Onusida   dessine la possibilité d’une génération sans sida   d’ici quinze ans, on pourrait croire que le combat est gagné. C’est loin d’être le cas. Les raisons de cette rémission restent hors de notre compréhension, tout comme nous ne savons pas comment des malades infectés contrôlent la progression du virus ou pourquoi chez d’autres traités précocement, la charge virale n’est pas détectable. Et forcément, pour que la science parvienne au Graal du vaccin tout en proposant un traitement à chacun, elle aura besoin d’argent. On estime qu’il faudra mettre 30 milliards par an pour tenir l’objectif. Nous sommes prévenus.

Et ce combat et ces engagements n’ont de sens que si la prévention ne connaît aucun relâchement. En France, on dénombre encore entre 5 000 et 6 000 personnes contaminées chaque année, et près de 50 000 ne savent pas qu’elles sont porteuses du virus. La prochaine autorisation de la mise sur le marché d’un médicament préventif à prendre avant et après chaque rapport sexuel à risque pourrait aider à faire enfin baisser ces chiffres. Mais toutes ces bonnes nouvelles sont susceptibles de créer un paradoxe : à faire baisser la peur de la contamination, on favorise une forme de démobilisation à la fois collective et individuelle. Or, c’est maintenant qu’il ne faut rien lâcher.

Par David Carzon


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 21 juillet 2015

 

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