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Découverte de séropositivité maternelle à l’accouchement : Comment traiter l’enfant ?

PTME - Situations extrèmes (2/2)


VIH  .org - Transcriptase 146 - 11/08/11 - Par Roland Tubiana, Hôpital de la Pitié-Salpétrière (Paris)

Est-il encore temps, en cas de dépistage maternel positif au moment de l’accouchement, de réduire le taux de transmission du VIH   en traitant le nouveau né ? Et quel est le type de régime antirétroviral le plus efficace ? La présentation orale, en late-breaker à la CROI 2011, de l’étude HPTN 040/PACTG 1043 faisait le point.

Cet article fait partie du numéro 146 de la revue Transcriptases, qui doit être publié prochainement.

Cette étude randomisée ouverte [1] comparait trois schémas de traitement post-exposition administrés aux nouveaux nés dans les 48 heures suivant la naissance. Réalisée au Brésil, en Argentine, en Afrique du sud et aux Etats Unis, elle a concerné 1 745 mères et 1 731 enfants évaluables. L’étude comportait trois bras dans lesquels les nouveaux nés recevaient  :

  • soit zidovudine (AZT) pendant 6 semaines (n=577) ;
  • soit AZT pendant 6 semaine + 3 doses de névirapine (NVP) la première semaine (n=577) ;
  • soit AZT pendant 6 semaines + nelfinavir (NFV) et lamivudine (3TC) les 2 premières semaines (n=577).

Le taux de transmission intra partum (pendant l’accouchement) dans chaque bras - critère principal d’évaluation - est évalué à 3 mois chez ces enfants négatifs pour le VIH   par PCR-ADN à la naissance et nourris au lait artificiel. Plusieurs résultats sont intéressants, malgré l’archaïsme du traitement par antiprotéase (le nelfinavir) et la durée sans doute trop longue de la prophylaxie AZT. Agées de 26 ans, les mères avaient en moyenne 463 CD4/mm3, et une charge virale à 4,17 log copies/ml à l’accouchement. 36 % ont accouché par césarienne et 41 % ont reçu l’AZT pendant l’accouchement. Le taux de prématurité (moins de 36 semaines d’aménorrhée, SA) est de 10 %, et 3,6 % des enfants sont considérés comme perdus de vue.

Taux de transmission

Le taux global de transmission in utero observé (5,7 %) était attendu pour des femmes non traitées. Quant au taux global de transmission intrapartum (3,2 %), il est significativement plus élevé pour le bras monothérapie AZT (4,9 %  ; IC95 3,3-7,2) que pour la bithérapie (2,2 % ; IC95 1,2-4,0) et la trithérapie (2,5 % ; IC95 1,4-4,3) ; p=0,045 pour chaque comparaison. A trois mois, le taux global de transmission (8,5 %) reste significativement plus élevé dans le bras monothérapie AZT par rapport aux multithérapies regroupées (AZT/NVP et AZT/3TC/NFV) (p= 0,034).

En terme de toxicité chez les enfants, on ne trouve pas de différence en terme d’anémie, de thrombopénie, de cytolyse hépatique, mais un taux de neutropénie supérieur (p<0.0001) dans le bras trithérapie qui contient deux analogues nucléosidiques (AZT/3TC).

En analyse multivariée, les deux facteurs favorisant la TME du VIH   per partum sont la charge virale de la mère (RR 2,09 par log) et le type de traitement de l’enfant (RR 0,41 ; IC95 0,19 - 0,82 pour AZT/NVP, et RR 0,48 ; IC95 0,19 - 0,99) pour AZT/3TC/NFV par rapport au traitement par AZT seul.

Conclusion  : les multithérapies sont supérieures à la monothérapie AZT pour la prévention de la TME intrapartum du VIH   lorsque la mère n’a reçu aucun traitement pendant la grossesse. La simplicité du régime et la moindre toxicité plaident en faveur de l’association AZT/NVP par rapport à l’association triple AZT/3TC/NFV.

Cette grande étude en termes de nombre de couples mère / enfant amène plusieurs remarques.

Stratégies de dépistages

1) La découverte de l’infection pendant le travail n’est pas rare et confirme que la première étape de la PTME   est le dépistage le plus précoce possible chez les femmes en âge de procréer. Dans de nombreuses régions du monde, le taux de consultations prénatales est encore trop faible  ;

2) Même si les taux de transmission sont élevés en l’absence de diagnostic (5,7 % de transmissions in utero) cette étude confirme ­l’intérêt de dépister les mères pendant l’accouchement et de traiter les nouveaux nés par des antirétro­viraux dès la naissance. En effet, le taux attendu de transmission per partum sans traitement est d’environ 10 % pour 3,2 % rapporté ici.

3) Ceci valide l’indication du test rapide de dépistage du VIH   au cours de l’accouchement, notamment si le conjoint vit avec le VIH  , ou en cas de prises de risques pendant la grossesse 5. Cela permet de traiter immédiatement l’enfant, ce qui est fondamental.

Les multithérapies font mieux que l’AZT seul

4) Cet essai montre la supériorité en termes de prévention de la transmission intra-partum d’une multithérapie du nouveau né par rapport à la classique prophylaxie par monothérapie d’AZT, en vigueur depuis l’essai ACTG 076 de 1994. Ceci correspond aux données de la cohorte française ANRS/EPF, qui ont montré l’intérêt du renforcement du traitement préventif avec au moins deux ARV   chez le nouveau-né, si la mère n’avait pas reçu de traitement pendant la grossesse, et rejoint les recommandations françaises [2].

Peu de formulations adaptées au nouveau-né

5) Utiliser des molécules connues pour leur toxicité (AZT et AZT/3TC) ou d’utilisation difficile comme le NFV chez des nouveaux-nés semble paradoxal. Pourtant, la connaissance sur l’usage des ARV   en période néonatale est encore extrêmement réduite, limitée à AZT, 3TC, NVP, NFV. Et si l’expérience continue à s’accumuler autour de l’utilisation du lopinavir/ritonavir (LPV/r) qui semblait une bonne alternative chez le nouveau-né, la gravité potentielle du surdosage de cette molécule ou de ses excipients nécessite une vigilance accrue lors de son administration. De même, l’absence de données suffisantes fait que son utilisation n’est pas recommandée chez le nouveau-né prématuré et/ou hypotrophe  ; et ce d’autant qu’une toxicité cardiaque probable du LPV/r a été décrite chez deux jumeaux prématurés  [3]. Des alertes confirmées par la Food and Drug Administration et par plusieurs cas présentés à la CROI 2011 [4].

Le fossé entre le panel d’ARV   disponibles chez l’adulte et chez l’enfant, par manque de présentations galéniques adaptées, se creuse plus encore chez le nouveau né et le prématuré. Ceci augmente l’intérêt de cette étude qui semblait au départ inadaptée sur le choix des molécules testées.

On retiendra donc, outre la meilleure efficacité des multithérapies, la moindre toxicité hématologique (neutropénie) dans cette indication de l’association AZT/NVP par rapport à AZT/3TC/NFV, sans doute en raison de l’association des deux nucléosidiques.


[1] Nielsen-Saines K et al., «  Phase III Randomized Trial of the Safety and efficacy of 3 Neonatal ARV Regimens for Prevention of intrapartum HIV-1 Transmission : NICHD HPTN O40/ PACTG 1043  », CROI 2011, Abstract # 124LB

[2] Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH, recommandations du groupe d’experts, Rapport 2010 sous la direction du Pr Patrick Yeni, La Documentation française

[3] McArthur MA et al., «  Twin preterm neonates with cardiac toxicity related to lopinavir/ritonavir therapy  », Pediatr Infect Dis J, 2009 ;28:1127-9

[4] Boxwell D et al., «  Néonatal Toxicity of Kaletra oral solution :LPV, Ethanol, or propylene Glycol  », CROI 2011, Abstract # 708


VOIR EN LIGNE : VIH.org
Publié sur OSI Bouaké le lundi 29 août 2011

 

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