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Procès Thomas Lubanga : un témoin raconte que Ntaganda tuait des enfants soldats


RACHEL IRWIN, REPORTER AUPRES DE L’IWPR A LA HAYE. Kinshasa, 17/07/2009 (LP/MCN, via mediacongo.net)

Une spécialiste de protection de l’enfance a déclaré à la Cour pénale internationale cette semaine que le fugitif de la CPI   Bosco Ntaganda avait exécuté une jeune recrue qui tentait de s’échapper.

Christine Peduto, qui travaillait pour la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), témoignait au procès de Thomas Lubanga accusé du recrutement et de la conscription d’enfants dans la province de l’Ituri en RDC. Ntaganda fait face à des accusations similaires mais est toujours en liberté en RDC où il a été intégré à l’armée nationale. Peduto a indiqué qu’elle avait interviewé un enfant qui avait assisté à une « exécution sommaire » menée par Ntaganda.

D’autres enfants, a-t-elle ajouté, ont fait des récits similaires. Le témoin supervisait le bureau de protection de l’enfance de la MONUC à Bunia, et travaillait avec diverses ONG pour aider les enfants soldats démobilisés. Peduto s’était rendue chez Lubanga dans la ville de Bunia le 30 mai 2003 pour discuter de la question de l’enrôlement forcé et des tactiques employées par sa milice, l’Union des patriotes Congolais (UPC). « Contrairement à la réaction des autres groupes armés que j’avais rencontrés avant, il n’y avait aucun signe [de la part de Lubanga] d’une quelconque volonté de coopérer, » a déclaré Peduto. « Il n’y avait aucun signe d’ouverture d’esprit ni de volonté de discuter véritablement de la question. »

Peduto arriva à Bunia en mai 2003, juste après que l’armée ougandaise soit partie et que l’UPC ait pris le contrôle.

Peduto affirme que, à partir de 2004, 220 anciens soldats de moins de quinze ans avaient été traités par le bureau de la MONUC à Bunia, 167 d’entre eux ayant été à un moment donné associés avec l’UPC. « Pour être parfaitement clair, ces chiffres ne signifient pas qu’il y avait plus d’enfant au sein de l’UPC que dans les autres groupes, » a-t-elle ajouté. « Nous avions juste un meilleur accès aux [enfants soldats au sein de] l’UPC parce que nous étions à Bunia. »

Peduto a déclaré que les employés de la MONUC essayaient de déterminer l’âge d’un enfant en fonction des informations obtenues de l’enfant, des entretiens avec les travailleurs sociaux, et dans une moindre mesure de l’apparence de l’enfant. Il n’y avait, cependant, aucun moyen de vérifier précisément l’âge d’une jeune recrue. « Les cartes ou documents d’identité ne sont pas très courants au Congo, » a déclaré Peduto « Je n’ai jamais vu un enfant avec une carte d’identité en Ituri. »

« Le comportement de l’enfant a-t-il influencé votre évaluation de son âge ? » a demandé le Procureur Julieta Solano McCausland.

« Et bien, lorsque vous évaluez un enfant, vous ne vous basez seulement sur ce qu’il dit mais aussi sur sa manière d’agir, » a répondu Peduto. « J’ai vu des cas de petits enfants qui commençaient à pleurer dans mon bureau. La plupart des enfants de 18 ans ne feraient pas ça. »

Elle a relaté un incident au cours duquel deux très jeunes enfants avaient été emmenés dans son bureau, et au moment où elle avait commencé à les interroger, ils avaient fondu en larmes. Il avaient si peur, a-t-elle dit. « Je me revois tenant la main du plus jeune enfant pour traverser la rue avec lui. Il était si petit... ils [venaient de] l’UPC. » Peduto a déclaré qu’elle avait interrogé de nombreux enfants soldats, et que presque toutes les filles avaient été violées par les commandants ou d’autres soldats de l’UPC.

Il n’était pas inhabituel pour les filles de tomber enceintes, a-t-elle dit, et de nombreuses autres s’étaient faites avorter ou avaient fait des fausses couches en raison des mauvaises conditions dans les camps d’entraînement. Celles qui gardaient leurs bébés étaient souvent rejetées par l’UPC, a-t-elle expliqué, étant donné qu’elles n’étaient plus considérées utiles. Peduto a indiqué que la victime de viol la plus jeune qu’elle ait interviewé était âgée d’environ 12 ans.

« Certaines des jeunes filles décrivaient cela comme un mariage, » a-t-elle expliqué. « Elle parlaient de leur première relation légitime. C’est la manière dont elles voyaient cela ». Les filles commencèrent seulement à réaliser ce qui se passait avoir été données à plusieurs commandants, a expliqué Peduto.« Elles se sont alors rendues compte qu’il ne s’agissait pas d’une relation légitime avec le premier officier, » a-t-elle dit. « L’état [psychologique et physique] des jeunes filles était assez terrible, assez catastrophique. »

Peduto a reconnu que tous les enfants soldats souffraient de traumatismes graves et durables. Même les enfants qui avaient au départ rejoint l’UPC pour se venger de la mort des membres de leur famille n’étaient pas fiers de leurs actes, a-t-elle dit. « Ils n’ont pas décrit leur expérience comme une victoire, » a-t-elle poursuivi. « Peut-être qu’ils étaient partis pour chercher à se venger, mais ils n’ont certainement pas trouvé la paix. »


Publié sur OSI Bouaké le samedi 18 juillet 2009

 

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