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Charles Taylor jugé coupable de crimes contre l’humanité

L’ancien président du Liberia a été reconnu coupable hier de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Sierra Leone.


La Croix.com - 26 avril 2012 - François d’Alançon

Quel a été le verdict prononcé contre Charles Taylor ?

« La chambre vous reconnaît coupable d’avoir aidé et encouragé la commission des crimes suivants », a déclaré hier le juge Richard Lussick avant d’énumérer 11 chefs d’accusation, dont « viol » , « meurtre » et « actes inhumains » , lors d’une audience à Leidschendam, près de La Haye, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Le juge avait annoncé peu auparavant que Charles Taylor était « pénalement responsable » de « crimes contre l’humanité et de crimes de guerre » commis entre 1996 et 2002 durant la guerre en Sierra Leone. La peine sera prononcée le 30 mai et l’ex-président la purgera dans une prison en Grande-Bretagne.

Quel est le tribunal qui l’a condamné et comment le procès s’est-il déroulé ?

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a été créé par le gouvernement du Sierra Leone et les Nations unies en 2002, sur la base de la résolution 1315 du Conseil de sécurité de l’ONU   (14 août 2000), pour juger les principaux responsables de violations du droit humanitaire international et de certains crimes prévus par le droit sierra-léonais, commis sur le territoire de la Sierra Leone, depuis le 30 novembre 1996. Cette juridiction mixte est financée par des contributions volontaires de gouvernements, en particulier du Canada, des Pays-Bas, du Nigeria, du Royaume-Uni et des États-Unis.

Le procès de l’ancien président du Liberia (1997-2003), arrêté en 2006 au Nigeria, s’est ouvert le 4 juin 2007 et s’est achevé le 11 mars 2011. Le Conseil de sécurité des Nations unies l’avait délocalisé à La Haye, craignant que la présence de Charles Taylor à Freetown ne soit « une menace pour la paix » . Le délibéré aura duré près d’un an. Le même tribunal a déjà condamné à Freetown huit accusés pour des crimes commis en Sierra Leone à des peines allant de quinze à cinquante-deux ans de prison.

D’autres chefs d’État ont-ils été récemment poursuivis par la justice pénale internationale ?

Plusieurs chefs d’État ont été récemment poursuivis par des juridictions pénales internationales. Laurent Gbagbo, ex-président de Côte d’Ivoire, arrêté en avril 2011, a été transféré et écroué à La Haye le 30 novembre 2011, en vertu d’un mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI  ), une juridiction permanente, créée en 1998. La CPI   a lancé deux mandats d’arrêt contre Omar El Bechir, président soudanais, le premier, en mars 2009, pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre au Darfour » , et le second, en juillet 2010, pour « génocide » .

Par ailleurs, Slobodan Milosevic, président yougoslave de 1997 à 2000, a été inculpé en mai 1999 par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY, un tribunal ad hoc, créé en 1993 par le Conseil de sécurité) et transféré à La Haye en juin 2001. Il est mort dans sa cellule en mars 2006 avant la fin de son procès. Milan Milutinovic, président de la Serbie de 1997 à 2002, inculpé en mai 1999 pour « crimes de guerre et contre l’humanité » commis lors du conflit au Kosovo (1998-1999), s’est rendu à ce même tribunal en janvier 2003. Après deux ans de procès, cet ancien allié de Milosevic a été acquitté en février 2009.

Enfin, Khieu Samphan, ancien chef de l’État du Kampuchea démocratique, arrêté en 2007, a été inculpé pour « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » . Il comparaît depuis novembre 2011 à Phnom Penh devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), une juridiction mixte parrainée par l’ONU  , chargée de juger les crimes les plus graves commis sous les Khmers rouges (1975-1979).


Libération - 26 avril 2012 -

Charles Taylor, coupable de crimes contre l’humanité

L’ancien président du Liberia Charles Taylor a été reconnu coupable jeudi de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Sierra Leone entre 1996 et 2002, devenant le premier ex-chef d’Etat condamné par la justice internationale depuis le procès de Nuremberg.

La condamnation de Charles Taylor, qui sera fixé sur sa peine le 30 mai, a été saluée par la communauté internationale et de nombreuses ONG qui y voient une « décision historique » dans la lutte contre l’impunité.

Président du Liberia de 1997 à 2003, Charles Taylor, 64 ans, a été reconnu coupable d’avoir « aidé et encouragé » une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone, dans le but d’exploiter ses diamants, lors d’une guerre civile ayant fait 120 000 morts entre 1991 et 2001.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) qui siégeait à Leidschendam, près de La Haye, où le procès avait été délocalisé pour raisons de sécurité, entendra le 16 mai les observations des parties sur la peine qui sera infligée à l’ex-chef d’Etat et purgée en Grande-Bretagne. Le TSSL ne prononce pas de peine de prison à vie mais fixe un certain nombre d’années de prison.

Réactions internationales

Ce jugement est le premier rendu par la justice pénale internationale contre un ancien chef d’Etat depuis celui prononcé en 1946 par le tribunal militaire international de Nuremberg contre Karl Dönitz, commandant en chef de la marine allemande, qui avait succédé à Adolf Hitler à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il avait été condamné à dix ans de prison pour crimes de guerre.

L’accusation a également salué le jugement qui « apporte une certaine justice à toutes les victimes qui par milliers ont payé un prix terrible pour les crimes de Taylor », selon la procureure Brenda Hollis.

Les Etats-Unis ont qualifié le jugement de « message fort » envoyé aux criminels de guerre qui « doivent rendre des comptes », l’Union européenne y voyant « une décision historique dans la lutte contre l’impunité » dont l’impact « dépasse largement la Sierra Leone ».

« Ce jugement a une portée universelle : qu’un ancien dictateur soit ainsi reconnu coupable de tels crimes constitue un précédent historique que la France salue », a déclaré le ministre des Affaires étrangère Alain Juppé.

Pour son homologue britannique William Hague, ce jugement « montre que la portée de la loi internationale est grande et sans limite dans le temps et que les chefs d’Etat ne peuvent se cacher derrière l’immunité ».

Selon Elise Keppler, responsable pour Human Rights Watch (HWR) des questions de justice internationale, « la condamnation de M. Taylor envoie un puissant message selon lequel même ceux qui occupent les postes les plus élevés peuvent être tenus de rendre des comptes pour les crimes graves » qu’ils auront commis. »

Cris de joie à Freetown

L’avocat de Charles Taylor, Courtenay Griffiths, a affirmé de son côté que les preuves permettant d’établir la culpabilité de son client avaient été « achetées » par le bureau du procureur et dénoncé un procès « dicté par certains impératifs politiques ».

L’avocat, assurant que M. Taylor avait accueilli le verdict avec « stoïcisme », a indiqué qu’il allait discuter avec son équipe d’un éventuel appel.

Les troupes de M. Taylor avaient combattu aux côtés des rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF), auquel l’ex-président fournissait armes et munitions en échange de diamants.

L’ancien président, vêtu d’un élégant costume bleu foncé, d’une chemise blanche et d’une cravate rouge, a pris de nombreuses notes sur un carnet durant la lecture du jugement qui a duré plus de deux heures. Il avait plaidé non coupable.

Les juges ont estimé qu’il avait eu « une influence significative sur le commandement du RUF ». « Cependant, cette influence significative ne signifie pas qu’il avait le commandement ou le contrôle effectif », ont-ils souligné.

A Monrovia, la capitale du Liberia, dans un bar où étaient rassemblés une quarantaine de partisans de Taylor, le verdict a été accueilli dans un lourd silence. « Vous ne pouvez pas punir quelqu’un pour un crime sur lequel il n’avait pas de contrôle direct », a affirmé l’un d’eux.

Le verdict a été accueilli par des cris de joie à Freetown, la capitale de Sierra Leone, où l’audience était retransmise en direct au siège du TSSL.

Le procès de M. Taylor, arrêté en 2006 au Nigeria et qui avait plaidé non coupable, s’était ouvert le 4 juin 2007 et achevé le 11 mars 2011.

Le TSSL a déjà condamné à Freetown huit accusés pour des crimes commis en Sierra Leone à des peines allant de 15 à 52 ans de prison.

(AFP)


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 26 avril 2012

 

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