Accueil >>  VIH/Sida >>  Conférences >>  AIDS 2010 à Vienne

Les salles d’injection de drogues en débat


La Croix - Pierre Bienvault - 27 Juillet 2010 - Les villes de Paris et Marseille ont engagé une réflexion sur l’installation de « salles de consommation supervisées » pour les usagers de drogues. Des associations sont favorables à cet outil de réduction des risques auquel le gouvernement reste hostile

Verra-t-on un jour des « salles de shoot » en France ? Tel est en tout cas le souhait des principales associations anti-sida   ou de celles agissant dans le domaine de la toxicomanie.

Ces associations se félicitent d’une récente expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) favorable à cet outil supplémentaire de réduction de risques chez les usagers de drogues injectables, principalement d’héroïne. Elles suivent aussi avec intérêt les initiatives des villes de Paris et Marseille, qui étudient dans quelles conditions pourraient être mis en place ces « centres de consommation supervisés ».

La semaine dernière à Vienne (Autriche), lors de la conférence internationale sur le sida  , Roselyne Bachelot n’a pas fermé la porte sur le sujet, annonçant une « concertation » avec les collectivités locales. Mais la position de la ministre de la santé est minoritaire au sein du gouvernement qui reste opposé à la légalisation des « salles de shoot ».

« Il est hors de question de modifier la loi pour autoriser ce type de dispositif. Cette position, validée par le cabinet du premier ministre, est celle du gouvernement », affirme Étienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt).

Des centres pour des injections plus « sûre et hygiénique »

Pour comprendre ce débat, il convient de rappeler que la France s’est engagée durant les années 1990 dans une politique de réduction des risques chez les usagers de drogues. Celle-ci repose d’abord sur des programmes d’échanges de seringues permettant la mise à disposition de matériel d’injection propre et stérile.

L’autre pilier est constitué par les traitements de substitution, qui délivrent des médicaments (méthadone ou buprénorphine) ayant une activité pharmacologique similaire à celle de l’héroïne pour permettre à ses usagers de gérer les effets du manque et de stabiliser, puis diminuer leur consommation. Ces deux outils ont permis de faire baisser de manière importante le nombre d’infections par les virus du sida   (VIH  ) et de l’hépatite C (VHC).

Aujourd’hui, de nombreuses associations, des médecins et quelques élus locaux estiment nécessaire d’aller plus loin en développant des salles de consommation ou d’injection supervisées : des structures où il serait possible de venir s’injecter des produits, de façon plus « sûre et hygiénique » sous le contrôle d’un personnel sanitaire qualifié. « Il est important de préciser que l’usager viendrait avec son produit. Il n’est pas question que celui-ci soit fourni sur place », explique Pierre Chappard, co-président d’Act Up et chef de projet à l’association Asud (auto-support des usagers de drogues).

« Ces centres permettraient de mettre à disposition du matériel stérile, mais aussi d’apprendre les “bons” gestes pour une injection ou un “sniff” afin de limiter au maximum les risques d’infection, en particulier par le VHC qui est un virus très contaminant », souligne Bruno Spire, président de l’association Aides. « Cela pourrait être très utile pour des personnes en précarité qui consomment à la va-vite dans la rue, sous des portes cochères ou des halls d’immeuble dans des conditions d’hygiène déplorables », ajoute-il.

« une porte d’entrée vers le soin »

Actuellement, des centres d’injection existent dans huit pays : Australie, Allemagne, Canada, Espagne, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suisse. Des travaux y ont clairement démontré, selon l’Inserm, que ces centres permettent une diminution des abcès et autres maladies liées à l’injection, ainsi qu’une baisse des comportements à risque de transmission du VIH   et du VHC. Toutefois, du fait de difficultés méthodologiques, il n’existe pas d’études montrant un effet sur l’incidence du sida   ou de l’hépatite C.

« C’est gênant. On nous dit que ces centres limiteraient le nombre d’infections à VIH   ou à VHC. Mais il n’existe aucune donnée en ce sens », indique Étienne Apaire, en ajoutant que la situation de la France est différente de celle des pays d’implantation des centres. « Chez nous, la consommation d’héroïne a fortement baissé au cours des dernières années, dit-il. À titre de comparaison, on a recensé 100 overdoses mortelles en France en 2007, contre 1 400 en Allemagne ou 2 000 en Grande-Bretagne. »

Pour Étienne Apaire, la priorité est « de faire de la prévention et de sortir les usagers de la drogue, pas d’accompagner les gens dans leur dépendance sans qu’on voie le bout de celle-ci ». Les opposants à ces centres estiment aussi qu’ils constitueraient un premier pas vers une dépénalisation des drogues illicites et pourraient encourager la consommation plutôt de la freiner. Ce qui, selon l’Inserm, n’est pas démontré dans les études.

« À Paris, environ 30 % des usagers de drogue n’ont aucun contact avec le système de santé, indique Pierre Chappard. Les centres pourraient constituer une porte d’entrée vers le soin. À Vancouver, l’année où a été installée la salle d’injection, on a constaté une augmentation de 32 % des demandes de sevrage. » Le débat ne fait que commencer.


VOIR EN LIGNE : La Croix
Publié sur OSI Bouaké le vendredi 30 juillet 2010

 

DANS LA MEME RUBRIQUE