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« En Suède, un séropositif peut être condamné juste parce qu’il n’a pas informé sa partenaire »


Libération - 21/07/2010 - Interview par Marie Piquemal

Déborah Glejser, porte-parole de l’association Groupe sida   Genève, se bat contre la criminalisation de la transmission du virus du sida  .

Alors que se tient à Vienne en Autriche, la 18 e conférence internationale sur le sida  , Deborah Glejser, porte-parole de l’association Groupe sida Genève, rappelle que de nombreux pays restreignent encore l’accès sur leur territoire aux personnes séropositives, tandis que d’autres se dotent de lois incriminant la transmission du virus.

Combien de pays ont adopté des lois pénales spécifiques incriminant la transmission du VIH   ?

Une cinquantaine. Mais le plus inquiétant, c’est que leur nombre augmente. En dix ans, vingt pays d’Afrique ont adopté des lois criminalisant la transmission du virus. C’est énorme. D’où notre surprise il y a quelques minutes en découvrant qu’un rapport de l’administration Obama préconise la suppression sur le sol américain de toutes les lois criminalisant la transmission du virus. C’est une excellente nouvelle, un signe fort, qui pourrait inverser la tendance.

Que prévoient ces législations ? Quelles sanctions ?

Des peines de prison le plus souvent. Les juges considèrent souvent la transmission du sida   comme une condamnation à mort. Mais les conditions d’application varient selon les pays. En Suisse par exemple, un séropositif qui a un rapport sexuel sans préservatif est passible d’une peine de prison même s’il n’y a pas eu contamination. En Suède, cela va encore plus loin, vous pouvez être poursuivi même si vous étiez protégé. Le simple fait de ne pas avoir informé votre partenaire est condamnable !

La loi est aussi particulièrement sévère au Canada et dans certains Etats américains où l’on condamne à tour de bras. Ce qui pose de réels problèmes, notamment en matière de respect des droits humains les plus élémentaires. Certaines personnes se retrouvent condamnées alors qu’elles ne se savaient pas elles-mêmes séropositives.

Punir la transmission du virus permet-il de réduire le nombre de contamination ?

Non, on sait pertinemment que ce n’est pas efficace. L’organisation mondiale de la Santé (OMS  ) et l’Onusida   se sont prononcés à plusieurs reprises contre ces mesures répressives, inefficaces et même contre-productives. En condamnant ceux qui transmettent le virus, on fait porter tout le poids de la prévention sur les épaules de la personne séropositive au lieu d’appeler chacun à prendre ses responsabilités, le seul moyen d’enrayer l’épidémie.

Quant aux pays pauvres, comme le Mozambique qui a adopté une loi répressive, il serait plus judicieux de mettre les moyens dans la prévention du sida   que dans des procès !

Au delà de cette question de la criminalisation, certains pays refusent encore l’entrée sur leur territoire aux personnes séropositives...

Selon le dernier décompte de l’Onusida  , 66 pays maintiennent des restrictions à l’entrée sur leur territoire aux personnes séropositives. Certains pays exigent un test de dépistage avant d’accorder un visa, d’autres imposent un examen à l’arrivée dans le pays, ou se contentent d’une déclaration sur l’honneur... Dans tous les cas, ces restrictions ne se justifient pas d’un point de vue de la santé publique. Qu’un pays refuse l’entrée d’une personne contagieuse, souffrant de la tuberculose par exemple, c’est tout à fait normal et compréhensible. Mais le sida   n’est pas une maladie contagieuse !

Aucune loi internationale ne permet d’interdire de telles restrictions ?

Non, le seul moyen c’est la pression internationale... Et ça fonctionne. Récemment, et c’est une grande victoire pour les militants, les Etats-Unis et la Chine ont levé leurs barrières. En Chine, c’est clairement les Jeux Olympiques, puis l’exposition universelle qui ont joué, obligeant les autorités à assouplir leurs règles.

La levée des restrictions aux Etats-Unis est une avancée très importante. Il y a encore peu, un Français porteur du VIH   qui devait se rendre aux Etats-Unis pour le travail ne pouvait pas, obligé de se justifier auprès de son employeur. Dernière victoire : La Namibie qui a levé son interdiction il y a quinze jours à peine.

Pour en savoir plus : Le blog « Fil rouge » de l’association groupe sida   Genève,


Publié sur OSI Bouaké le jeudi 22 juillet 2010

 

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