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L’ abstinence : une proposition "irréaliste" de lutte contre le sida

ICASA 2005 : session avec Wole Soyinka et Winnie Mandela


LEMONDE.FR l’abstinence sexuelle n’est pas la solution adaptée à la pandémie du sida  , ont martelé les participants la 14e Conférence sur le sida   en Afrique. Présenté comme une approche réductrice et dangereuse, cette politique de prévention exclue la promotion des préservatifs et présente un danger réel pour un continent qui regroupe deux tiers des personnes infectées dans le monde, selon ces détracteurs. Plus de 60 organisations, parmi lesquelles Action Aid, Médecins sans frontières (MSF  ), ont signé une déclaration en ce sens, diffusée à l’occasion de la Conférence internationale sur le sida   et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique (Cisma) qui s’est terminé le 9 décembre à Abuja (Nigeria).

"Sous la pression du programme américain PEPFAR   [Plan d’aide d’urgence du président pour le VIH  -sida  ], certains pays africains ont commencé à adopter des stratégies prônant "l’abstinence et la fidélité" comme les meilleurs moyens de lutter contre l’épidémie de VIH  -sida  ", affirme ce texte. Cette stratégie se fait "au détriment de la promotion universelle du préservatif qui reste aujourd’hui le moyen le plus efficace de protection contre la transmission du VIH  ", ajoute le texte, initié par le Mouvement panafricain d’accès aux soins (PATAM).

La déclaration souligne en outre que l’administration du président américain George W. Bush a "plus que doublé depuis 2000 les fonds destinés aux campagnes pour l’abstinence et la fidélité". Selon le PATAM, les associations faisant la promotion du préservatif, les distribuant, conduisant des programmes de planning familial ou d’accès à des seringues jetables, ne peuvent bénéficier du PEPFAR  . "Dans cette philosophie américaine, l’utilisation du préservatif est réservé aux prostituées, aux chauffeurs routiers et... aux séropositifs", s’insurge Sharonann Lynch, de l’ONG américaine Health Global access project (GAP).

Pour Jodi Jacobson, directrice de l’ONG américaine Centre pour la santé et l’égalité des sexes, "on sait que cette stratégie n’a pas fonctionné aux Etats Unis, mais nous l’exportons tout de même, alors que l’on sait que 80% des nouvelles contaminations sont dues à des rapports sexuels non protégés". "Cela s’explique parce que la base politique de George Bush [...] impose la promotion de l’abstinence pour des raisons idéologiques et religieuses", explique-t-elle estimant que certains Africains, notamment les nouveaux chrétiens, se font les alibis de cette politique parce qu’ils en bénéficient financièrement.

UN CHOIX "RESPONSABLE"

L’héroïne de la lutte anti-apartheid Winnie Madikizela-Mandela a crée la surprise, en prenant la défense de cette option : "Nous commençons à dire, en tant que mères en Afrique du Sud : il existe un remède au sida   après tout. C’est un remède très simple, il s’appelle abstinence", a lancé jeudi l’ex-épouse de Nelson Mandela, provoquant un mélange d’applaudissements et de réactions indignées.

L’écrivain nigérian Wole Soyinka a ironisé sur ceux qui prônent "l’abstinence, l’abstinence, l’abstinence" comme solution-miracle face à la pandémie. "Le sexe fait partie de la vie", a souligné le Prix Nobel de littérature, avant d’évoquer "l’appel de la chair, l’une de ces forces irrésistibles qui font tourner le monde". "Parfois, certains disent "attendez d’être mariés et vous aurez un partenaire pour la vie". Nous savons tous très bien que c’est un scénario très rare", a-t-il noté, plaidant pour la "responsabilité individuelle", qui inclut "la capacité de savoir quand vous devez prendre des mesures préventives".

Dans les allées du centre international de conférence d’Abuja, une poignée de manifestants portaient des panneaux sur lesquels ont pouvait lire : "L’abstinence est la réponse, pas les préservatifs". Nombre de religieux ont mêlé leur voix au débat, le plus souvent de manière modérée, à l’image de Michael Kelly, jésuite basé en Zambie, qui a prôné, dans un texte, "un choix responsable qui permette à chaque individu d’adopter le comportement le moins risqué possible".

L’Ouganda, souvent présenté comme l’une des success story de la lutte contre le sida  , est le pays où cette politique américaine a gagné le plus de terrain. "Depuis que l’administration Bush est arrivée au pouvoir, tout à changé. L’argent va vers les groupes religieux qui mettent en avant la virginité mais maudissent le préservatif", indique Béatrice Were, militante ougandaise travaillant avec Action Aid.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 9 décembre 2005

 

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