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Côte d’ivoire : La prolifération des armes, source de violence dans le nord


Dakar, 15 novembre 2007 (IRIN)

Alors que les politiciens ivoiriens et la communauté internationale se plaignent de l’absence de progrès dans le processus de désarmement et dans la mise en ouvre des autres points de l’accord de paix, les citoyens ordinaires sont de plus en plus confrontés à la violence dans leurs activités quotidiennes.

Au cours d’un incident survenu en octobre, sept hommes masqués et armés chacun de deux fusils AK-47 ont braqué des camions de marchandises dans la région du nord-ouest du pays.

« Ils ont tiré des coups de feu en l’air et nous ont fait descendre des camions », a expliqué à IRIN une commerçante d’Odienne, la capitale régionale. « Ils avaient en tout 14 Kalachnikovs ».

Alors que des citoyens sans défense sont confrontés à des criminels armés de fusils AK et parfois de lance-roquettes, très peu d’armes ont été restituées dans le cadre du processus de désarmement stipulé dans l’accord de paix signé il y a plus de huit mois.

Craignant pour sa vie, cette commerçante n’a pas voulu révéler son identité. Chaque semaine, elle se rend à Gbelegban, une ville de l’ouest du pays, où elle s’approvisionne en poisson fumé et en viande qu’elle revend ensuite à Odienne.

De telles attaques sont de plus en plus fréquentes dans la région d’Odienne, ont confié à IRIN plusieurs habitants et travailleurs humanitaires. Des rapports du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) font régulièrement état de graves violences dans le pays, notamment d’attaques de domicile par des hommes armés, de braquages sur les autoroutes et de viols.

« Cela devient de plus en plus inquiétant », a indiqué Marc Sibiri, responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) à Odienne, à propos des récentes attaques survenues dans la région. « On n’a pas vu ce niveau de violence depuis la [rébellion] », a-t-il affirmé, en allusion au mouvement insurrectionnel de 2002 qui a vu la partition de la Côte d’Ivoire entre une région nord aux mains des rebelles, et une région sud contrôlée par les forces gouvernementales.

Récemment, deux camions transportant des vivres pour le compte du PAM ont été attaqués par des hommes armés ; ce qui fait dire à M. Sibiri qu’il sera de plus en plus difficile pour le PAM de trouver des chauffeurs prêts à prendre des risques.

Selon des sources des Nations Unies et les témoignages d’habitants d’Odienne, certains assaillants - toujours masqués et armés de fusils AK-47 - seraient des ex-rebelles frustrés.

« Il leur faut vivre d’une manière ou d’une autre », a expliqué un représentant des Nations Unies, qui a souhaité garder l’anonymat.

Comment désarmer et démobiliser les ex-rebelles - appelés « Forces Nouvelles » - et les milices progouvernementales ? C’est l’un des plus importants points du processus de paix en Côte d’Ivoire. Mais pour les observateurs, plusieurs facteurs expliquent cette situation de non droit.

« Le désarmement pourrait permettre de mettre fin à ce genre de situation », a déclaré Daniel Balint-Kurti, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Chatham House, une cellule de réflexion basée à Londres. « Mais cette situation est plus le résultat du nombre impressionnant d’armes en circulation dans le pays, d’une grande pauvreté et frustration des habitants et d’une absence d’Etat de droit ».

Et l’absence d’Etat de droit est un sujet que les commerçants d’Odienne ont récemment évoqué chez le responsable des Forces Nouvelles (FN) de la région qui, en dépit de la réinstallation progressive des représentants administratifs locaux, reste l’autorité de référence.

« Le préfet et le sous-préfet sont là », a confié à IRIN Amidou Kourouma, le maire d’Odienne. « Mais ils n’ont pas encore le pouvoir administratif. On doit alors négocier avec les Forces Nouvelles ».

Un groupe de commerçantes a récemment rencontré le commandant des FN à Odienne, que l’on surnomme Ben Laden.

« Nous lui avons demandé de faire quelque chose, parce que nous en avons marre », a-t-elle ajouté, « Les routes ici - c’est incroyable. Cela nous fait trop mal au cour. On a du mal à gagner de l’argent et ces gens viennent nous arracher le peu que nous avons ».

Selon elle, des commerçantes et des habitants d’Odienne envisagent d’organiser une marche pour protester contre la violence, mais certaines sont contre cette idée.

« Certaines craignent de se faire tuer par les assaillants si nous manifestons ».

Dans un récent rapport, un groupe d’experts des Nations Unies a indiqué que le nombre d’armes non répertoriées en Côte d’Ivoire constituait « un sujet de préoccupation » et a qualifié le trafic d’armes illégal dans la région de « phénomène inquiétant ».

Compte tenu du nombre important d’armes fonctionnelles dont la disparition a été constatée après les cérémonies symboliques de « Flamme de la paix » au cours desquelles elles auraient pourtant dû être détruites, et étant donné les menaces qu’elles représentent, le groupe d’experts a considéré qu’il serait souhaitable d’élucider les circonstances dans lesquelles ces armes ont disparu.


Publié sur OSI Bouaké le jeudi 15 novembre 2007

 

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