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Le gouvernement ivoirien appelé à mettre un terme à l’agitation dans l’Ouest


Abidjan - 28 avril 2013 - IRIN - Après les récentes attaques qui ont fait plus d’une douzaine de morts dans l’ouest du pays, en proie à l’instabilité, les autorités ont annoncé de nouvelles mesures de sécurité. Les observateurs estiment cependant que la réponse ne doit pas être seulement militaire.

Au moins 14 personnes, civiles et militaires, sont mortes dans la dernière série d’attaques armées, en mars. La région a été le théâtre d’affrontements parmi les plus violents du conflit postélectoral de 2010-2011. En 2012, au moins dix civils et sept Casques bleus ont été tués. Quelques semaines plus tard, des hommes armés ont attaqué et incendié le dernier camp de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) de la région, qui hébergeait 5 000 personnes.

Début 2012, la Côte d’Ivoire comptait 186 000 PDIP. La plupart se trouvaient dans l’ouest du pays. À la fin de l’année, 45 000 personnes étaient toujours déplacées.

Les rivalités ethniques et les conflits fonciers, envenimés par les dissensions politiques, ont transformé l’ouest de la Côte d’Ivoire en poudrière. La méfiance et l’inimitié ont souvent dégénéré en actes de violence. Selon les observateurs, il faut redoubler d’efforts pour réconcilier les communautés, restaurer la confiance et répondre aux revendications.

« Le gouvernement doit bien comprendre ce problème et apporter une solution durable », a dit à IRIN Francis Niangoran, enseignant de sociologie à l’Institut d’enseignement Sainte-Marie d’Abidjan. « Les organisations humanitaires sont confrontées à des déplacements de population répétés. Elles organisent leur retour et distribuent de l’aide — c’est un cercle vicieux. »

En visite dans l’ouest à la suite des attaques, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Hamed Bakayoko a annoncé un plan de sécurité d’urgence pour renforcer les effectifs militaires, mettre sur pied des brigades d’attaque et les équiper de radios modernes et construire un poste de police supplémentaire.

« Lorsque vous voyagez dans la région, vous pouvez remarquer que les soldats sont mal équipés. Ils n’ont même pas de radios. Le réseau téléphonique n’est pas fiable et ils ne peuvent pas utiliser leurs téléphones portables », a observé Séraphin Zégnan, qui a fui la région de Petit Guiglo, dans l’ouest du pays, pour se réfugier à Abidjan, la capitale commerciale, après une attaque en 2012.

Le chef de l’armée Soumaila Bakayoko, lui aussi en visite après les attaques, a déclaré qu’une base militaire permanente allait être mise sur pied dans la région. En 2012, le gouvernement a formé une force de 600 hommes pour rétablir la sécurité dans l’Ouest. Cette force bénéficie de l’appui de la mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire et de la mission des Nations Unies au Libéria, le pays voisin.

« Le gouvernement a la volonté de mettre un terme à l’instabilité dans l’Ouest, mais il semble manquer de capacité militaire pour y parvenir. L’Ouest est une zone difficile à sécuriser et des troupes mieux entraînées et mieux équipées sont nécessaires », a dit Rodrigue Koné, du Centre de recherche et d’action pour la paix (CERAP), une organisation ivoirienne.

D’autres sont également sceptiques concernant les efforts militaires.

« Passer d’un plan de sécurité à un plan de sécurité d’urgence est davantage une façon de jouer sur les mots qu’une réelle volonté de résoudre le problème. Cela prouve que le gouvernement est incapable de maîtriser la situation. Il ne sait pas où ni comment s’attaquer au problème », a dit M. Niangoran.

Les ministères de l’Intérieur et de la Défense n’ont pas souhaité s’exprimer.

Une question de confiance

Alexandre Neth Willy, secrétaire général de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO), a dit à IRIN que l’utilisation de drones demandée récemment par l’ambassadeur des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Bamba Youssoufou, « ne suffira pas à résoudre le problème. Les confrontations, les récriminations et la haine sont plus profondes [dans l’ouest] que dans le reste du pays. »

« Il faut restaurer la confiance entre les habitants et entre ces derniers et l’armée. »

« Aujourd’hui, la majorité des habitants de l’Ouest considèrent l’armée comme une milice du gouvernement », a dit M. Koné, du CERAP. « Ils n’ont pas surmonté les évènements de la crise postélectorale et l’armée n’a pas réussi à gagner leur confiance. »

Selon M. Koné, le gouvernement devrait s’efforcer de mettre sur pied une armée avec une perspective nationale après les profondes divisions causées par les troubles postélectoraux.

Qui sont ces hommes armés ?

Selon les habitants de la région — qui couvre 73 000 km2 et compte près de sept millions d’habitants, soit un tiers de la population du pays — outre les hommes armés qui attaquent depuis le Libéria voisin, plusieurs groupes armés basés dans les forêts opèrent dans la région.

Ces milices ont combattu pour l’actuel président Alassane Ouattara lors du récent conflit violent contre Laurent Gbagbo, son ancien opposant à l’élection, disent-ils.

« Le plus connu de ces groupes armés est dirigé par Amadé Ourémi, un Burkinabé qui, avec ses 1 000 hommes, étend sa zone d’opérations sans aucune réaction de la part des autorités », a dit Fabien Dotonin, administrateur dans le district de Duékoué, dans l’ouest du pays.

« À Abidjan, les autorités menacent de les déloger. Mais lorsqu’elles arrivent dans l’Ouest, elles évitent avec soin de parler des problèmes causés par M. Ourémi ou même de le rencontrer. C’est pourtant un cas typique où une solution faciliterait grandement un apaisement de la crise sécuritaire », a-t-il ajouté.

Le 4 avril, le premier ministre Daniel Kablan Duncan a dit que tous les combattants occupant les forêts nationales allaient être expulsés par l’armée. Jusqu’à présent, aucune action n’a cependant été entreprise.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 3 mai 2013

 

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