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Côte d’Ivoire : Procès du Probo Koala, douze accusés mais Trafigura absent


Norbert Navarro pour RFI, le 29/09/2008 Le procès des déchets toxiques du Probo Koala s’ouvre ce 29 septembre à Abidjan. En août 2006, ce cargo, affrété par le groupe britannique Trafigura, avait déchargé sur place plus de 500 tonnes d’un mélange toxique. Une société ivoirienne, Tommy, avait ensuite déversé à l’air libre ces produits pestilentiels et dangereux. 17 personnes en sont mortes et des milliers d’autres ont été intoxiquées. Certains sites de déversement des déchets toxiques

Douze accusés

Ce pourrait être le procès des « douze salopards ». Dans le bidonville de Vridi « Zimbabwe », sur le port d’Abidjan, Hortense Guidam Lobo a la dent dure contre les douze accusés du procès du Probo Koala : « si nous les tenions, nous les tuerions », fulmine la présidente des victimes des déchets toxiques de Vridi III.

Les douze hommes sur la sellette aujourd’hui se trouvent face à la cour d’assises d’Abidjan qui n’a pas siégé depuis six ans, en raison du conflit inter-ivoirien. Parmi eux, Salomon Ugborugbo. Ce nigérian de 39 ans était le directeur général de la société Tommy qui avait accepté le marché de retraitement des déchets toxiques du Probo Koala, outrepassant l’agrément que sa société venait d’obtenir fraîchement pour retraiter des huiles de vidanges. Après avoir pompé les cuves du cargo, ses camions citernes comptaient, sans autre forme de procès, les déverser dans la décharge d’Akouédo.

Mais très vite, les responsables de cette décharge publique comprirent le caractère nocif de cette cargaison qui dégageait une odeur pestilentielle et refusèrent d’en recevoir davantage. Commença, alors, une nuit de cauchemar durant laquelle les camions-citernes déversèrent leurs chargements çà et là, dans des caniveaux, des ravins ou des cuves, vendant même une partie de ces huiles frelatées hautement toxiques à des boulangeries pour alimenter les fours à pain !

Les douze qui se retrouvent ce lundi dans le box sont accusés d’empoisonnement, de complicité d’empoisonnement, d’infraction à la loi protégeant la santé publique ou d’infraction au code de l’environnement. Pour cela, Salomon Ugborugbo risque la prison à vie.

Trafigura absent

Dans le box, pas un seul membre, en revanche, du groupe britannique Trafigura qui avait pourtant affrété le Probo Koala. Ce « major » de l’armement maritime a conclu en effet avec les pouvoirs publics ivoiriens un accord pour solde de tout compte. Trafigura a versé 100 milliards de francs CFA, soit 152 millions d’euros, en échange de l’abandon des poursuites.

Le procès devrait durer un peu moins de deux semaines et les accusés seront jugés par un jury de neuf personnes : trois magistrats et six jurés populaires tirés au sort, parmi lesquels une femme.

Des victimes par milliers

Les victimes, elles, ont été en partie indemnisées. Les familles des 17 morts reconnus dans l’affaire du Probo Koala ont toutes reçu en tout 1 milliard de francs CFA, soit un peu plus d’un million et demi d’euros, soit encore un centième de ce que Trafigura a versé en échange de l’abandon des poursuites.

Il y a aussi les victimes économiques, les entreprises qui ont subi un préjudice du fait de la catastrophe. Celles-ci également ont toutes été indemnisées.

Les autres victimes, dites « sanitaires », n’ont en revanche pas toutes été indemnisées. Or elles sont nombreuses, puisqu’on reconnaît officiellement plus de 90 000 victimes du Probo Koala en Côte d’Ivoire. C’est pour elles que les associations de victimes font des pieds et des mains pour obtenir justice. Mais ces associations sont tellement nombreuses qu’ elles se neutralisent les unes les autres et deviennent inefficaces.

Des déchets à l’air libre

Deux ans après les faits, la dépollution est toujours incomplète. Polluée par les déchets toxiques du Probo Koala, la terre du ravin proche du village de Djibi, banlieue d’Abidjan est, depuis l’affaire, stockée dans des sacs exposés à tous vents, entourés de barbelés faciles à franchir. Mieux vaut avoir un mouchoir sur soi pour approcher.

C’est un groupe français, Seché environnement, qui avait été chargé de dépolluer la quinzaine de sites. En août 2006, les chauffeurs des camions-citernes de l’entreprise Tommy avaient choisi ces sites au hasard pour déverser leur pestilentielle cargaison. Après pompage, les liquides ont été confinés dans des citernes et les boues dans des fûts.

Reste la terre polluée qui attend toujours d’être enlevée. En attendant, les riverains, résignés, prennent leur mal en patience. La vie continue à Djibi, à l’ombre d’un monticule de sacs qui empestent après la pluie.


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 29 septembre 2008

 

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