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Côte d’Ivoire : Les soins payants entravent la lutte contre la malnutrition


Man, 23 décembre 2009 (IRIN) - En Côte d’Ivoire, le fait que les soins de santé soient payants constitue un obstacle à la lutte contre la malnutrition dans l’ouest, d’après des responsables de la santé et des travailleurs humanitaires.

Dans l’ouest et le nord du pays, les taux de malnutrition aiguë s’élèvent respectivement à 3,6 et 5,4 pour cent, tandis que la malnutrition chronique dépasse 40 pour cent en moyenne dans les deux régions, d’après les résultats préliminaires d’une étude nutritionnelle réalisée en 2009 par le ministère de la Santé, avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

La région des 18 Montagnes, dans l’ouest, présente le taux de malnutrition aiguë sévère le plus élevé du pays : 4,5 pour cent.

Le dépérissement constitue la principale caractéristique de la malnutrition aiguë. Il résulte d’une perte de poids rapide récente, de la malnutrition ou de l’incapacité à prendre du poids au cours d’une période relativement courte. La malnutrition aiguë sévère est la forme de malnutrition la plus dangereuse et, si elle n’est pas traitée, elle peut entraîner la mort.

La malnutrition chronique correspond à un retard de croissance, qui résulte d’une alimentation inadéquate pendant une période plus longue.

Christophe Konan, qui gère un centre de nutrition thérapeutique à l’hôpital de Danané, à 80 kilomètres de la capitale régionale, Man, a dit à IRIN que le nombre de patients malnutris était passé de 4 250 en 2007 à 1 215 à ce jour en 2009, tandis que le nombre de patients souffrant de malnutrition sévère était passé de 390 en 2007 à 338 en 2009 (à la date du 10 décembre).

« La chute du nombre de consultations est probablement moins liée à un recul de la malnutrition qu’à l’introduction des soins payants », a dit M. Konan. Les soins payants ont été introduits en mars 2009, six mois après le départ de l’ONG (organisation non gouvernementale) Médecins sans frontières (MSF  ), qui a créé le centre nutritionnel de l’hôpital.

Le haut niveau de pauvreté, la prévalence du kwashiorkor - une forme de malnutrition qui se manifeste principalement par des odèmes - et le haut niveau d’insécurité contribuent à expliquer le taux de malnutrition aiguë sévère dans la région des 18 Montagnes, d’après les autorités de santé.

Selon le système de recouvrement des coûts de l’hôpital, chaque famille doit payer 5 000 francs CFA (10,80 dollars) par enfant nécessitant une alimentation thérapeutique intensive.

« Les gens sont peu disposés à payer. et nous ne pouvons plus aller de village en village pour rechercher de nouveaux cas », a dit M. Konan à IRIN.

Les médecins ne refusent pas les patients qui ne peuvent pas payer, mais ils insistent pour qu’ils trouvent l’argent pendant leur séjour, a-t-il dit.

Marina Bwa, mère d’un petit garçon de deux ans, a parcouru 45 kilomètres en stop pour emmener au centre son fils, qui souffre de kwashiorkor et reçoit actuellement une alimentation intensive. « Comment est-ce que je vais pouvoir payer 5 000 francs CFA ? Comment est-ce possible ? », a-t-elle demandé à IRIN.

De nombreuses femmes qui viennent au centre ne peuvent pas payer, a dit M. Konan. « Sur les six nouveaux cas que nous avons actuellement, deux ne pouvaient pas payer. Il est difficile de maintenir ces activités. MSF   voulait que nous proposions le traitement gratuitement, mais pour cela il nous faudrait plus d’argent. »

Quand IRIN s’est rendu à l’hôpital, les lits étaient vides dans la plupart des chambres. Le service de maternité accueillait seulement une femme. « On observe en général une chute du nombre de patients au moment des récoltes », a dit Paul Kouhon, le directeur de l’hôpital de Danané.

Mais d’après MSF  , ce sont aussi les frais de santé qui dissuadent les gens de se rendre à l’hôpital. Juste avant que MSF   ne se retire de la Côte d’Ivoire en 2008, Nathalie Cartier, ex-chef de mission, a dit dans un communiqué : « Si l’on ne veut pas se retrouver avec des hôpitaux vides, il est fondamental que les autorités sanitaires et les bailleurs internationaux fournissent les subsides nécessaires pour que les structures de soins fonctionnent et soient gratuites pour la population ».

La lutte dans le nord

Dans les cliniques et hôpitaux publics du nord, les frais à payer ont été supprimés pour le traitement d’un nombre limité d’enfants souffrant de malnutrition sévère, suite à un taux de malnutrition aiguë alarmant, estimé à 18 pour cent dans la région par une enquête de 2008, d’après des ONG.

Depuis cette date, la malnutrition aiguë a diminué de 55 pour cent, pour atteindre 7,2 pour cent.

Cette baisse est principalement due à un effort collectif du ministère de la Santé, des agences des Nations Unies et des ONG, visant à favoriser les suppléments alimentaires et offrir des services de nutrition thérapeutique gratuits aux enfants en situation de malnutrition critique, a indiqué l’enquête.

Un mois avant de mener l’enquête nutritionnelle, le Programme national de nutrition (PNN), l’UNICEF et le PAM avaient traité 18 458 enfants souffrant de malnutrition aiguë dans le nord.

Aujourd’hui, dans les régions du nord, la nutrition est davantage considérée comme une partie intégrante des services de santé, a dit Raffaella Gentilini, coordinatrice de la nutrition pour l’ONG Action contre la faim.

Dans certaines parties du nord du pays, les travailleurs de santé ne surveillaient pas la croissance des bébés, a-t-elle souligné. « Aujourd’hui, c’est différent. Les travailleurs de santé et les volontaires de santé communautaires savent que [la malnutrition] est une maladie, et ils sont vigilants. »

Les experts en nutrition se montrent méfiants vis-à-vis des comparaisons directes des chiffres de 2008 et 2009, car en 2008, l’étude avait porté sur le nord dans son ensemble, tandis que l’enquête de 2009 a analysé cinq régions du nord séparément, et a été étendue à trois régions de l’ouest : Moyen Cavally, Bas Sassandra et 18 Montagnes.

Le système de santé publique, qui se détériore dans l’ensemble du pays depuis des années, est particulièrement faible dans le nord et l’ouest, où le gouvernement reprend progressivement l’administration, après des années de contrôle par des groupes rebelles, d’après des observateurs.


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 13 janvier 2010

 

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