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Accès à l’éducation en Afrique : Accélérer les progrès pour atteindre les objectifs d’ici 2015


Dakar, 18 décembre 2007 (IRIN)

A en croire les critiques, les bailleurs de fonds, réunis dernièrement à l’occasion d’une rencontre de haut niveau, ne se sont pas concrètement engagés à consacrer des fonds à l’amélioration de l’éducation, particulièrement dans les pays pauvres, instables et ravagés par la guerre ; il est dès lors fort peu probable, selon eux, que le monde atteigne, d’ici à 2015, les objectifs ambitieux, fixés en matière d’éducation.

« Je ne peux pas être très optimiste », a déclaré Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), lors d’une conférence de presse, tenue le 13 décembre à Dakar, capitale du Sénégal, au terme de la rencontre de trois jours du Groupe de haut niveau sur l’éducation pour tous, qui réunissait ministres de l’Education, bailleurs de fonds et partenaires de développement.

Tandis que les pays en voie de développement ont convenu d’allouer 10 pour cent de leurs budgets respectifs à l’éducation, les pays donateurs n’ont pas accepté de consacrer un pourcentage déterminé de leurs budgets à l’aide à l’éducation, s’engageant en revanche « à s’efforcer de maintenir et d’augmenter le montant des subventions consacrées à l’éducation » et à donner la priorité aux pays à faible revenu, instables et frappés par les conflits ou les crises d’urgence.

« Evidemment, nous sommes extrêmement déçus de n’avoir pas obtenu d’engagement sur une somme déterminée », a déploré Nicholas Burnett, rédacteur en chef de l’édition 2008 du Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous ; selon le rapport, il faudrait consacrer chaque année 11 milliards de dollars supplémentaires d’aide externe à l’éducation pour atteindre les objectifs fixés dans les temps.

« Les engagements et autres promesses [faites par les bailleurs dans le passé] n’ont pas été tenus », a indiqué Samou Salimata, qui supervise le programme mondial sur l’éducation pour tous au Burkina Faso, le pays le moins développé du monde, d’après le dernier rapport des Nations Unies sur le développement humain. « Aucune mesure n’a été prise ici afin que cela [ne se reproduise pas] », a-t-elle révélé à IRIN à l’extérieur de la salle de délibérations.

Atteindre les objectifs relatifs à l’éducation pour tous

Au Forum mondial de l’éducation de l’an 2000, 164 pays ont convenu de participer au mouvement « Education pour tous » (EPT), destiné à apporter d’importantes améliorations au secteur de l’éducation, d’ici à l’an 2015. Ce mouvement est axé sur six objectifs, dont deux ont été adoptés par la suite parmi les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD  ) : améliorer l’éducation des jeunes enfants, assurer l’éducation primaire pour tous, pourvoir aux besoins éducatifs des jeunes et des adultes, augmenter de 50 pour cent le taux d’alphabétisme chez les adultes, éliminer le déséquilibre entre les sexes dans les écoles primaires et secondaires, et améliorer la qualité de l’éducation.

S’il est vrai que d’importants progrès ont été réalisés depuis lors, ces progrès ne sont pas assez rapides. Selon le Rapport mondial de suivi, si les tendances actuelles se maintiennent, au moins 25 pays n’atteindront aucun de ces objectifs. Sur les 113 pays qui n’ont pas atteint l’objectif de parité des sexes, initialement fixé pour 2005 dans le cadre du programme, seuls 18 ont une chance de l’atteindre d’ici à l’an 2015. En outre, la plupart des pays ont peu avancé en matière de réduction de l’analphabétisme chez les adultes, selon le rapport.

D’après un autre rapport, publié le 11 décembre par la Campagne mondiale pour l’éducation, un groupe de pression international, les objectifs de l’EPT « ne seront pas atteints d’ici 2115, et encore moins dans les sept prochaines années et demie ». Les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et l’Italie, qui ne consacrent pas leur « digne part » de fonds, étaient qualifiés de « pays riches les plus avares » dans le rapport.

La dynamique

A mi-chemin vers la date butoir, la rencontre de Dakar était perçue par beaucoup comme une occasion de changer le cours des événements et de propulser le monde vers l’avant en matière d’objectifs éducatifs. Le Groupe de haut niveau se réunit chaque année pour accélérer le mouvement vers la réalisation des objectifs de l’EPT, et mobiliser des ressources.

Cette année, le groupe s’est mis d’accord sur une série de mesures déterminées, destinées à rendre l’éducation accessible aux groupes exclus, à former et recruter des instituteurs et à mettre en place des programmes de nutrition et de santé dans les écoles.

Pour les détracteurs, toutefois, ces mesures positives n’auront sans doute pas de conséquences majeures.

La rencontre devait réunir les ministres de l’Education des quatre coins du monde ; pourtant aucun ne venait d’Amérique du Nord ni d’Europe, dont les pays ont préféré envoyer des représentants moins haut placés.

« Si l’on parvient aujourd’hui à conclure un excellent accord, mais qu’aucun leader mondial n’est là pour le signer, [cet accord] a-t-il vraiment de l’importance ? », a demandé la Campagne mondiale pour l’éducation, une coalition qui regroupe Save the Children, Oxfam, ActionAid, Education International ainsi que d’autres organisations non-gouvernementales (ONG), et plusieurs syndicats d’enseignants et groupes de la société civile basés un peu partout dans le monde. « Une fois encore, le Groupe de haut niveau a raté l’occasion de mobiliser une volonté politique ô combien nécessaire », a estimé le groupe dans une déclaration.

Les progrès

Malgré tout, les deux rapports publiés dernièrement font état de progrès considérables réalisés dans le secteur de l’éducation depuis 2000, et notamment d’un bond de 36 pour cent du nombre d’inscriptions à l’école primaire en Afrique subsaharienne et d’une hausse annuelle de cinq pour cent des dépenses domestiques consacrées à l’éducation en Afrique et en Asie du Sud. Par ailleurs, 14 pays ont aboli les frais de scolarité primaire entre 2000 et 2006 et de nombreux pays ont adopté des stratégies nationales dont on attend prochainement les résultats.

En outre, les pays les plus éloignés du but sont ceux qui progressent le plus vite, et à un rythme plus rapide que dans les années 1990. L’Initiative accélérée de la Banque mondiale a permis de soutenir les pays en voie de développement qui ont fait preuve d’un véritable engagement en faveur de l’éducation primaire pour tous.

Néanmoins, aujourd’hui encore, 774 millions d’adultes ne savent ni lire ni écrire, et il devrait y avoir 18 millions d’enseignants supplémentaires ; quant aux jeunes enfants, premier objectif de l’EPT, ils ont été complètement négligés, et la qualité de l’éducation laisse encore à désirer.

« La question n’est pas "y a-t-il du progrès ?", mais "à quel rythme progresse-t-on ?" », selon M. Burnett, du Rapport mondial de suivi, qui occupe également le poste d’assistant directeur général de l’UNESCO pour l’éducation. L’Education pour tous d’ici à 2015 est un objectif atteignable, selon lui, « mais il ne sera pas atteint si les progrès plutôt encourageants réalisés à l’heure actuelle ne sont pas accélérés davantage ».

En 2000, les institutions et les pays donateurs ont promis de veiller à ce que « le manque de ressources n’empêche pas les pays véritablement engagés en faveur de l’éducation élémentaire d’atteindre cet objectif ». « Les bailleurs doivent concrétiser leurs promesses. [.] Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer », dit aujourd’hui M. Matsuura, directeur général de l’UNESCO.


Publié sur OSI Bouaké le mardi 18 décembre 2007

 

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