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Liberia : La malnutrition aiguë, un « problème social »


Monrovia, 24 novembre 2009 (IRIN) - A Monrovia, la capitale libérienne, la malnutrition aiguë est due non seulement à la pauvreté et au manque d’installations sanitaires et de services de santé adaptés, mais aussi à des facteurs tels que le grand nombre de grossesses chez les adolescentes et les dégâts provoqués par la guerre sur le tissu social, disent des nutritionnistes, qui décrivent cette maladie comme un « problème social ».

« Le grand nombre [d’enfants] souffrant de malnutrition aiguë est en partie une conséquence de la guerre », a dit James Fireman, qui gère le centre nutritionnel ambulatoire de Pipeline, soutenu par Action contre la faim (ACF), dans la banlieue nord de Monrovia. Le centre est dirigé par ANDP, une ONG (organisation non gouvernementale) libérienne.

« Les familles ont été brisées, des filles violées et leurs parents tués », a-t-il dit. « Si vous n’avez pas de famille qui puisse vous transmettre les pratiques de soins, comment apprendrez-vous à élever un enfant ? »

D’après M. Fireman, les communautés ne sont plus aussi définies qu’avant. « Les gens ont tout perdu, et après la guerre, ils sont devenus plus individualistes. Le Liberia est aujourd’hui un pays de déplacés et de réfugiés ».

Trop jeunes

Le Liberia présente l’un des plus forts taux de grossesses chez les adolescentes : une fille âgée de 15 à 19 ans sur trois a déjà eu un enfant, tandis que près d’un enfant né d’une mère de cette classe d’âge sur sept meurt avant d’atteindre l’âge d’un an, d’après la dernière enquête démographique sur la santé au Liberia (datée de 2007).

« Les grossesses des adolescentes constituent une crise silencieuse ici, au Liberia », a dit à IRIN Nena Terrell, porte-parole de l’USAID   (l’Agence américaine pour le développement international). « Les gens ne s’en inquiètent pas suffisamment ».

Au Liberia, la tradition veut que les femmes plus âgées apprennent aux jeunes générations comment élever un enfant, mais de nombreuses familles ont été séparées par la guerre, et cette transmission de savoir-faire a donc été interrompue, a dit Audrey Gibeaux, responsable des pratiques de soins à ACF.

« Les mères adolescentes ne sont pas prêtes, ne veulent pas ou ne sont pas capables de s’occuper de leur bébé », a dit à IRIN Roselyn Toe, infirmière et assistante en nutrition au centre ACF de Pipeline. Les mères adolescentes arrêtent souvent l’école pour donner naissance à leur enfant, mais veulent reprendre leurs études dès que possible, a-t-elle dit, ce qui implique qu’elles ne peuvent pas pratiquer l’allaitement exclusif.

De nombreuses mères adolescentes à qui IRIN a parlé ont dit qu’elles donnaient de l’eau à leur bébé durant les premiers mois, une pratique potentiellement mortelle dans un pays où seulement une personne sur trois a accès à l’eau potable.

D’après les Nations Unies, la diarrhée est le deuxième facteur de mortalité infantile au Liberia, après le paludisme.

Veenah Sefa, 22 ans, a amené à Pipeline le bébé de sa sour, âgé de 17 mois. L’enfant était malade et perdait du poids.

La mère du bébé « n’est qu’une jeune fille » et est retournée à l’école, a dit Mme Sefa. Elle a dit que le bébé buvait de l’eau depuis l’âge de quelques mois. Le nourrisson semblait souffrir de malnutrition aiguë sévère et risquait d’être hospitalisé dans un centre de nutrition pour enfants nécessitant des soins d’urgence, a expliqué M. Fireman, d’ACF.

La malnutrition aiguë provoque 20 pour cent des décès de nourrissons au Liberia, d’après le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). A Monrovia, le taux de malnutrition aiguë est de 6,2 pour cent, d’après l’enquête démographique sur la santé ; ce chiffre, inférieur au seuil d’intervention de 10 pour cent auquel se réfèrent de nombreux donateurs, correspond à 5 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et 20 000 souffrant de malnutrition aiguë modérée.

Le programme d’ACF est soutenu par le service d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et par l’entreprise privée Carluccio’s.

Le centre de Pipeline est l’un des cinq centres de malnutrition aiguë d’ACF dans le pays, qui prennent actuellement en charge 1 311 enfants. Les équipes d’ACF se rendent dans les communautés pour examiner les enfants et faire bénéficier aux enfants souffrant de malnutrition aiguë de programmes qui leur permettent de recevoir des aliments, de l’huile et du sucre enrichis.

Les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère sont hospitalisés dans un centre de nutrition thérapeutique dans le quartier de VOA, dans l’ouest de Monrovia.

Mamie Masako, 19 ans, a amené au centre de VOA son bébé de 16 mois, qui souffre de malnutrition. Tout en donnant au nourrisson une préparation spécialement conçue pour les enfants malnutris, fournie par l’UNICEF, elle a dit à IRIN qu’elle continuait à aller à l’école, pendant que sa mère s’occupait du bébé.

Avant que les jeunes mères ne quittent le centre, elles apprennent à préparer des aliments de sevrage spéciaux à base de plantains, de graines de sésame, d’huile de palme et de farine de riz.

Sur un autre lit du centre de nutrition de VOA, Keema Sama, 16 ans, nourrit son bébé, Elijah, âgé de quatre mois. Mme Sama a arrêté l’école en septième classe pour donner naissance à son enfant. « Je veux retourner à l’école mais je ne sais pas qui peut s’occuper de mon bébé - dès qu’il marchera j’y retournerai. »

Mais d’ici là, Mme Sama sera peut-être à nouveau enceinte, a dit Mme Toe, l’infirmière.


Publié sur OSI Bouaké le mardi 24 novembre 2009

 

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