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États-Unis : Des opérations chirurgicales nocives pratiquées sur des enfants intersexués


HRW - Chicago, le 25 juillet 2017 – Des médecins aux États-Unis continuent d’effectuer sur des enfants intersexués des opérations chirurgicales non indispensables d’un point de vue médical et pouvant leur causer des dommages permanents, ont déclaré Human Rights Watch et interACT dans un rapport publié aujourd’hui. Bien que ces procédures fassent l’objet de controverses depuis des décennies, ces médecins effectuent des interventions chirurgicales sur les gonades, les organes sexuels internes et les organes génitaux d’enfants qui sont trop jeunes pour participer à la prise de décision, alors même que ces opérations pourraient être sans danger remises à plus tard.

Ce rapport de 160 pages, intitulé « "I Want to Be Like Nature Made Me" : Medically Unnecessary Surgeries on Intersex Children in the US »(« ‘Je veux être comme la nature m’a fait(e)’ : Des opérations chirurgicales non indispensables sont pratiquées sur des enfants intersexués aux États-Unis »), examine les dommages physiques et psychologiques causés par des interventions chirurgicales non indispensables médicalement effectuées sur des personnes intersexuées, nées avec des chromosomes, des gonades, ou des organes sexuels ou génitaux qui sont différents de ceux considérés comme socialement typiques pour des garçons ou des filles. Le rapport évoque la controverse suscitée par ces opérations au sein de la communauté médicale et les pressions exercées sur les parents pour qu’ils optent pour la chirurgie.

Autrefois appelées « hermaphrodites » (terme désormais considéré comme péjoratif et rétrograde), les personnes intersexuées ne sont pas une rareté, mais elles sont dans une large mesure incomprises. Se basant sur une théorie médicale popularisée dans les années 1960, des médecins pratiquent des opérations chirurgicales sur des enfants intersexués – souvent dès la petite enfance – dans le but affirmé de faciliter leur croissance en tant qu’individus « normaux. » Mais les résultats sont souvent catastrophiques, les avantages supposés de ces interventions sont essentiellement non prouvés, et il existe rarement de considérations médicales urgentes exigeant une intervention immédiate et irréversible.

« Les dégâts causés par des opérations chirurgicales non indispensables d’un point de vue médical sur des enfants intersexués sont à la fois physiques et psychologiques », a déclaré Kimberly Zieselman, directrice exécutive de l’organisation interACT qui est une femme intersexuée. « Bien que depuis des décennies, des représentants de patients attirent l’attention de la communauté médicale sur les dommages causés par ces interventions, de nombreux médecins continuent de présenter aux parents ces actes chirurgicaux comme étant de bonnes options. »

(Sous-titres via cc) – Des médecins aux États-Unis effectuent sur des enfants intersexués des opérations chirurgicales non indispensables d’un point de vue médical et pouvant leur causer des dommages à long terme. Témoignages recueillis par HRW qui appelle à un changement des pratiques à cet égard.

Environ 1,7 % des bébés viennent au monde différents de ce qu’on appelle typiquement un garçon ou une fille. Les chromosomes, les gonades, les organes sexuels internes ou externes de ces enfants diffèrent de ce qui est généralement attendu. Certaines caractéristiques d’un individu intersexué – telles que des organes génitaux externes atypiques – sont apparentes dès la naissance. Mais d’autres – telles que les gonades ou les chromosomes qui ne correspondent pas au sexe déterminé – peuvent se manifester plus tard dans la vie, dans certains cas à la puberté. Un enfant peut être élevé comme un garçon ou une fille sans chirurgie. En revanche, les interventions chirurgicales sur les organes génitaux ou sur les gonades d’enfants intersexués qui sont trop jeunes pour pouvoir déclarer leur identité de genre, comportent le risque de leur attribuer chirurgicalement un sexe qui ne correspond pas à la réalité.

Une ablation chirurgicale des gonades peut équivaloir à une stérilisation sans l’accord du patient, et ensuite entraîner la nécessité d’une thérapie de substitution hormonale pouvant durer toute la vie. Les opérations visant à modifier la taille ou l’apparence des organes génitaux d’un enfant l’exposent aux risques de devenir incontinent, de garder des cicatrices, de perdre toute sensation et de souffrir d’un traumatisme psychologique. Ces opérations sont irréversibles, les nerfs qui sont sectionnés ne peuvent pas repousser et les tissus cicatriciels peuvent limiter les options en vue de futures interventions chirurgicales.

Les protocoles médicaux ont évolué – avec en particulier un recours de plus en plus fréquent à des équipes multi-disciplinaires qui travaillent sur des cas de « différences dans le développement sexuel ». La plupart des praticiens reconnaissent désormais que les parents puissent légitimement préférer que l’intégrité corporelle de leur enfant soit préservée. Un médecin qui travaille dans une de ces équipes a déclaré à Human Rights Watch : « Nous entendons des patients devenus adultes nous dire qu’ils estiment avoir été maltraités et mutilés, et c’est un argument très puissant. »

Toutefois, ce champ d’activité demeure handicapé par des normes médicales inégales, inadéquates et fragmentaires – et par de profonds désaccords entre praticiens sur les meilleurs moyens de respecter et de protéger les droits de leurs patients intersexués. Alors que certaines interventions chirurgicales sur des enfants intersexués sont incontestablement nécessaires d’un point de vue médical, certains chirurgiens aux États-Unis effectuent des actes de chirurgie esthétique risqués et non indispensables d’un point de vue médical sur des enfants intersexués, souvent avant même qu’ils sachent parler.

« La communauté médicale a fait des progrès en matière de soins aux personnes intersexuées au cours des dernières décennies, mais les interventions chirurgicales non médicalement nécessaires mais irréversibles sur des enfants ou des bébés demeurent une pratique courante », a déclaré Kyle Knight, chercheur à Human Rights Watch et auteur du rapport. « Les pressions pour que l’individu se coule dans les normes et vive une vie ‘normale’ sont réelles mais il n’existe aucune preuve que la chirurgie remplisse la promesse de rendre cela plus facile et, à l’inverse, il y a de nombreuses preuves que cela peut causer des dommages irréversibles et permanents. »

Ces dernières années, les organes des Nations Unies chargés des droits humains ont de plus en plus souvent condamné les pays du monde pour n’avoir pas interdit les interventions chirurgicales non indispensables sur les enfants intersexués. Dans un rapport publié en 2013, le Rapporteur spécial de l’ONU   sur la torture a relevé que « les enfants nés avec des caractéristiques sexuelles atypiques font souvent l’objet d’une détermination de leur sexe qui est irréversible, de stérilisation involontaire, d’actes chirurgicaux non consentis visant à normaliser leurs organes génitaux … d’où résultent une infertilité permanent et irréversible et de grandes souffrances psychologiques. »

En juillet 2017, trois anciens ministres américains de la Santé ont exprimé par écrit leur conviction qu’« il n’y a pas suffisamment de preuves que grandir avec des organes génitaux atypiques mène à la détresse psychosociale », et qu’« alors qu’il y a peu de preuves qu’une génitoplastie esthétique sur de très jeunes enfants soit nécessaire pour réduire les dommages psychologiques, des preuves existent en revanche que cette chirurgie peut elle-même causer des dégâts physiques graves et irréversibles, ainsi qu’une détresse émotionnelle ».

Le rapport est basé sur des entretiens approfondis menés par un chercheur de Human Rights Watch, Kyle Knight, et le Dr. Suegee Tamar-Mattis, médecin et consultant auprès de Human Rights Watch, avec 30 adultes intersexués, 2 enfants intersexués, 17 parents d’enfants intersexués et 21 praticiens dont des gynécologues, des endocrinologues, des urologues, des psychologues et d’autres prestataires de soins psychologiques qui travaillent avec des personnes intersexuées. Le rapport contient également une vaste revue de la littérature consacrée à ces sujets et présente les données chiffrées disponibles sur les interventions chirurgicales.

Plusieurs médecins ont affirmé à Human Rights Watch que bien qu’ils se sentissent de plus en plus gênés de recommander aux parents d’opter pour ces interventions chirurgicales, des opérations continuaient d’être pratiquées dans leurs cliniques. Des parents ont affirmé qu’ils ressentaient toujours des pressions de la part des médecins pour qu’ils choisissent ces interventions.

« Les pédiatres sont en position de force. Et si ce sont les parents qui ont peur, c’est le problème qui doit être résolu. Le problème n’est pas vraiment ’si vous faites l’opération – cela n’a pas de sens, cela ne résout rien’ », a déclaré à Human Rights Watch un endocrinologue qui est également professeur de médecine. « Quand nous essayons de placer de force des personnes dans des situations conformes aux normes culturelles, aux normes hétérosexuelles, il y a de fortes chances que nous fassions de graves erreurs et que nous causions des torts irréparables », a déclaré un gynécologue membre d’une équipe qui travaille sur des cas de « différences dans le développement sexuel. »

Les parents d’un enfant de 8 ans né avec des organes génitaux atypiques ont déclaré : « Les médecins nous ont dit qu’il était important d’effectuer l’opération sans tarder car ce serait traumatisant pour notre enfant de grandir avec une différence physique visible. Mais qu’est-ce qui est le plus traumatisant ? Ce genre d’opération ou grandir légèrement différent ? »

Ces parents, ainsi que d’autres, ont affirmé à Human Rights Watch que la ressource la plus utile dans leurs efforts pour élever leurs enfants intersexués avait été de rencontrer d’autres parents et des adultes intersexués par l’intermédiaire de groupes de soutien.

L’expérience des personnes qui ont subi l’opération chirurgicale, ainsi que les principes d’éthique médicale, laissent penser que faute de données post-opératoires précises établissant que les avantages médicaux de certaines interventions chirurgicales particulières sur des bébés et de jeunes enfants surpassent les inconvénients potentiels, ces interventions ne devraient pas avoir lieu, ont affirmé interACT et Human Rights Watch. À présent et bien que ces actes chirurgicaux soient effectués depuis des décennies, ces preuves n’existent tout simplement pas.

Le gouvernement et les organismes médicaux américains devraient mettre fin à toutes les opérations chirurgicales visant à modifier les gonades, les organes génitaux ou les organes sexuels internes des enfants nés avec des caractéristiques sexuelles atypiques qui sont trop jeunes pour participer au processus de décision, lorsque ces interventions à la fois présentent un risque de dommages significatif et peuvent être sans danger reportées, ont ajouté Human Rights Watch et interACT.

« Les parents d’enfants intersexués sont souvent effrayés et déconcertés quand ils cherchent les meilleurs moyens de protéger leurs enfants des sentiments de honte », a conclu Kimberly Zieselman. « Et c’est un réel soulagement pour eux que de rencontrer d’autres personnes qui ont les mêmes caractéristiques intersexuées que leurs enfants et de voir qu’elles ont grandi heureuses et en bonne santé. »


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 25 juillet 2017

 

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