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A la crèche, les stéréotypes genrés se portent bien

Un rapport préconise un « pacte éducatif pour l’enfance » pour améliorer l’égalité entre les filles et les garçons dès la naissance.


Libération - 28 mars 2013 - par Quentin Girard -

Comment diminuer la perpétuation des stéréotypes entre les garçons et les filles dès la petite enfance ? C’est l’enjeu d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis ce jeudi matin à la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.

Pour les deux auteurs, les inspecteurs généraux Brigitte Grésy et Philippe Georges, à la crèche, « les pratiques, sous couvert de neutralité, confortent les stéréotypes ». Si, dans la théorie, « il n’y aucune mention du caractère sexué des enfants dans les documents des collectivités territoriales et une affirmation de neutralité de la part des professionnelles », ils remarquent que des déséquilibres se créent malgré tout dans de nombreuses activités de ces lieux d’accueil.

Poupée contre Lego

Les observations menées donnent souvent des résultats déjà connus : les filles sont moins stimulées et moins encouragées dans les activités collectives, leurs apparences et leurs émotions au contraire sont l’objet de plus d’attention de la part des adultes. Elles participent également moins à des jeux qui favorisent le déplacement et la logique mathématique, comme la construction, les cubes, le sable ou l’escalade.

Les vêtements

Pour les auteurs, les vêtements et leurs couleurs jouent aussi un rôle dans la construction des rôles sociaux. Ils rappellent que « le bleu ne correspond à la couleur des garçons que depuis la fin des années 70 » et jugent que « c’est l’avénement de la poupée Barbie en 1959 qui a contribué à ancrer de son côté, la dictature du rose dans les esprits ». Ils regrettent également que « les vêtements féminins pour les très jeunes enfants, comme les robes et les jupes, sont peu propices à l’apprentissage de la marche, voire de l’exploration à quatre pattes ».

Les questions de représentation

Le prince charmant et la princesse endormie ont la vie dure. Sur 78% des couvertures des livres pour enfants figure un personnage masculin, il y a deux fois plus d’histoire de héros avec des garçons et mêmes les animaux s’y mettent, où là, « cette asymétrie s’établit alors dans un rapport de 1 à 10 ».

Dans la publicité, les auteurs remarquent que « dans toutes les mises en scène d’une relation forte entre un père et son bébé, le sexe de celui-ci, quand il est indiqué, est toujours masculin ».

Le personnel encadrant

L’une des questions est aussi la place des hommes dans l’univers de la petite enfance. Ils représentent en moyenne 1% des effectifs, notamment, pour les auteurs, parce que les métiers sont trop conçus sur la base du « paradigme de l’amour maternel ». La rémunération et la valorisation de ces professions sont aussi des freins.

Pour tenter de remédier à ces questions, Brigitte Grésy et Philippe Georges proposent « cinq axes et quinze recommandations ». La principale proposition est de mettre en place un « pacte éducatif pour l’enfance » nommé PASS-AGE (mais le nom est déjà pris par le conseil général du Bas-Rhin). Cela consisterait à « inscrire dans les orientations de la formation continue du personnel de la petite enfance la proposition de formations relatives à la socialisation différenciée des petites filles et des petits garçons » et à « promouvoir des engagements contractuels avec les professionnels du jouet, des livres pour enfants, des vêtements ». Un DVD de sensibilisation pourrait être distribué dans toutes les crèches.

Par ailleurs, ils souhaitent une dizaine d’expérimentation dans des crèches-pilotes, dès 2013, citant en exemple celle de Bourdarias, à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Sensibiliser les parents, notamment les pères, est aussi une priorité. Lors de la remise de ce rapport, Najat Vallaud-Belkacem n’a pas pris d’engagements mais a indiqué que « beaucoup d’idées lui plaisent ». « Pour citer Einstein, il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé, a-t-elle ajouté. Ou un stéréotype ! »

Si les auteurs insistent sur l’importance d’agir dès le plus jeune âge pour éviter un « gâchis de talent et d’inventivité », ils sont également conscients des limites de l’Etat. Avant la maternelle, « 63% des enfants "échappent" à l’influence d’une action publique ». Ils rappellent « que la période préscolaire est nichée au sein d’autres systèmes de socialisation que sont au premier chef les parents mais aussi les médias et la société entière ».

De plus, pour le personnel encadrant, cette question ne semble pas être une priorité. En Ile-de-France, une formation volontaire intitulée « pour une éducation non sexiste » a été retirée au bout de trois ans faute d’inscription.

Si ce rapport est suivi dans les grandes lignes par le gouvernement, il devrait causer la colère de l’opposition qui dénonce régulièrement l’envahissement selon eux de la théorie du genre dans l’Education nationale.

.: Rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance :.

VOIR EN LIGNE : Libération
Publié sur OSI Bouaké le dimanche 31 mars 2013

 

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