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L’agriculture verte connaît une croissance très rapide


Nairobi, 27 avr (IPS) - Isolda Agazzi - L’agriculture biologique utilisant les méthodes de culture naturelles au lieu des engrais et des pesticides a connu des succès importants dans les pays africains - non seulement parmi les agriculteurs, mais aussi chez les consommateurs.

L’Afrique a besoin de tripler sa productivité agricole d’ici à 2050 afin de suivre le rythme de la croissance démographique. Selon un rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture écrit par 400 chercheurs, les petits fermiers et l’agriculture biologique constituent la meilleure façon d’assurer la sécurité alimentaire du continent.

Le rapport poursuit que l’agriculture à grande échelle pourrait aider, pourvu qu’elle n’appauvrisse pas les sols et qu’elle ne contribue pas aux changements climatiques. En outre, le commerce doit devenir l’exception et non la règle.

Environ 52 pays étaient d’accord et ont adopté en 2008 le rapport appelé l’Evaluation internationale des connaissances agricoles, de la science et de la technologie pour le développement (IAASTD).

Il est difficile de dire le niveau exact de la sécurité alimentaire d’un pays, a déclaré Hans Herren, coprésident de l’IAASTD, mais si un pays pouvait assurer au moins 50 pour cent des calories dont sa population a besoin, il vivrait dans l’aisance.

Herren, agronome suisse et ancien directeur du Centre international de la physiologie des insectes et de l’écologie (ICEPE), participait à une table ronde organisée à Nairobi par ’Media 21 Global Journalism Network’ et qui a pris fin le 16 avril.

L’ICEPE est un institut de recherche basé à Mbita, au Kenya, qui étudie les insectes puisqu’ils "entraînent souvent la perte de toutes les cultures et détruisent environ la moitié de tous les produits vivriers récoltés et stockés".

L’IAASTD semble être largement oubliée, probablement parce qu’elle appelle à un changement radical de paradigme dans l’agriculture. Le rapport soutient que le monde a besoin d’une nouvelle "révolution verte", mais complètement différente de celle d’Asie, opérée il y a 40 ans, qui a augmenté la productivité agricole avec la mécanisation, les pesticides et les engrais.

Cette piste s’est avérée non durable. "L’agriculture est responsable de 32 pour cent des émissions à effet de serre", a fait remarquer Herren. "Aujourd’hui, avec les changements climatiques et l’appauvrissement et l’érosion des sols, nous ne pouvons pas continuer à travailler comme d’habitude. Nous avons besoin de nous tourner vers l’agriculture biologique durable".

Eustace Kiarii, directeur général du Réseau d’agriculture biologique du Kenya (KAON), ajoute : "Nous devons changer le modèle agricole industriel guidé par l’exportation et reposant sur le libre-échange des grandes fermes au lieu de développer des marchés locaux, nationaux et régionaux durables". KAON est l’organe national de coordination pour les activités d’agriculture biologique.

Dans un pays où 99 pour cent des fermiers possèdent entre un quart et deux hectares de terre et sont incapables d’acheter des pesticides et des engrais, l’agriculture biologique semble être la porte de sortie.

Le professeur Zeyaur Khan, un chercheur indien de l’ICEPE, est de cet avis. Pour accroître la productivité agricole, il a développé la "technologie push-pull", une technique pour lutter contre les insectes nuisibles. Une plante appelée desmodium "pousse" la mauvaise herbe striga et les foreurs de tiges hors du champ où ils sont "attirés" (neutralisés) par le napier, une herbe.

Kahn explique : "La révolution verte en Afrique passera par l’adoption de technologies à faible coût comme push-pull qui exploitent la science élémentaire et appliquée. Ces technologies règleront la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des petits fermiers sans nécessiter des ressources supplémentaires pour des semences hybrides, la protection des cultures et l’amélioration des sols".

Mais d’autres voient autrement. L’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), une organisation non gouvernementale financée par les fondations Rockefeller et Bill Gates, fait la promotion des engrais et des semences pour produire rapidement plus de vivres.

"Mais si la production alimentaire augmente trop rapidement, dans deux ans, nous aurons trop de vivres et les prix baisseront", a affirmé Herren. "Nous avons besoin du contraire : pour que les agriculteurs obtiennent un revenu suffisant, les prix des produits agricoles doivent augmenter".

Kahn estime que les fermiers doivent gagner au moins deux dollars par jour pour rester dans l’agriculture – un revenu réalisable à travers la technique "push-pull".

Joan Kagwanja de l’AGRA a confirmé que son organisation "veut accroître l’utilisation des engrais en Afrique". Elle précise : "Sur ce continent, les fermiers utilisent huit kilogrammes d’engrais par hectare, contre 300 à 500 kg par hectare en Europe et en Amérique du nord. C’est toujours très faible".

Font-ils également la promotion des organismes génétiquement modifiés (OGM) ? "Je ne peux pas répondre par oui ou par non. Nous ne faisons pas la promotion de l’utilisation des OGM, mais de la technologie fondée sur la preuve. Nous appuyons la recherche pour augmenter la productivité. Nous ne sommes pas opposés aux OGM et nous aiderions les pays ou organisations qui demandent de l’aide dans ce domaine", a-t-elle répondu.

Mais Nick Nuttall, le porte-parole du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) à Nairobi, a mis en garde contre une "approche selon laquelle une seule taille convient à tous dans l’agriculture". "L’on n’a pas à choisir entre la petite et la grande agriculture. Certes, l’agriculture durable ou biologique emploie plus de personnes que l’agriculture intensive.

"Dans le passé, l’agriculture biologique était considérée comme un luxe, non pas comme quelque chose pour les petits agriculteurs. Mais la productivité a augmenté : en Afrique de l’est, les rendements ont augmenté de 128 pour cent. L’agriculture biologique permet une meilleure rétention de l’eau et améliore la fertilité du sol. Nous devons être intelligents et ne pas déverser beaucoup de produits chimiques sur les sols fragiles d’Afrique".

Su Kahumbu, fondatrice de ’Green Dream Ltd’ qui promeut l’agriculture biologique, ajoute : "La demande pour les produits biologiques à Nairobi augmente. Elle permet un meilleur revenu pour les agriculteurs. Toutefois, le défi est d’ajouter de la valeur aux produits en les transformant en jus de fruits ou en confitures, par exemple".

Est-ce que son organisation cible le marché étranger ? "Notre responsabilité première c’est de nourrir la population du Kenya. L’exportation peut venir plus tard", a-t-elle répondu.

La décision des chefs d’Etat africains en 2000 d’allouer 10 pour cent du produit intérieur brut à l’agriculture n’a été mise en œuvre que par quatre pays, dit Herren.

"Cette question concerne la gouvernance, ici et de l’autre côté de l’océan". Il pense que le principal problème est que le monde occidental dépense un milliard de dollars par jour pour subventionner l’agriculture.


Publié sur OSI Bouaké le vendredi 7 mai 2010

 

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