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Accès gratuit aux soins : la Sierra Leone montre la voie


La Croix - 4 Mai 2010 - Luc Latnprière, Pierre Salignon, Annick Jeantet et Geneviève Garrigos [1]

Le 27 avril dernier, la Sierra Leone a officiellement lancé sa nouvelle politique d’accès gratuit aux soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. C’est une date symbolique, l’anniversaire de l’indépendance du pays, qu’a choisie le gouvernement pour éliminer l’une des principales barrières privant les personnes vulnérables et démunies de services de santé de base. Cette décision doit contribuer à réduire considérablement les taux de mortalité maternelle et infantile, qui sont parmi les plus élevés au monde : plus d’un accouchement sur 100 se solde par le décès de la mère. Alors que 70 % de la population survit avec moins d’un dollar par jour, l’obligation de payer pour recevoir des soins représente un obstacle tout simplement infranchissable pour la plupart des Sierra-Léonais. Cette nouvelle politique représente donc une étape décisive leur permettant d’exercer véritablement leur droit à la santé. Mais décréter la gratuité ne suffit pas pour en faire une réalité sur le terrain. En 2002 déjà, la Sierra Leone avait annoncé la gratuité des soins de santé pour les mères et les enfants. Dans les faits, faute de ressources budgétaires suffisantes et de mécanismes pour lutter contre la corruption et utiliser efficacement les fonds alloués, l’annonce était restée sans lendemain... Le Niger vit depuis 2006 une mésaventure du même type : annoncée précipitamment et avec un budget insuffisant, son initiative de gratuité des césariennes et des soins infantiles s’est traduite par une détérioration de la qualité des soins fournis, alors qu’il s’agit d’un effort remarquable pour augmenter le nombre de patients traités. Car le passage à la gratuité des soins entraîne une forte augmentation du nombre de patients dans les hôpitaux et peut avoir un effet néfaste sur la qualité des services dispensés si aucune mesure d’accompagnement n’est prise pour répondre à cette demande. Il est ainsi indispensable de mobiliser des ressources financières sur le long terme et d’adopter des réformes structurelles du système de santé. Il faut notamment accroître de manière significative le nombre de personnels soignants dans les centres de santé, renforcer le circuit d’approvisionnement des médicaments et mettre en place des mécanismes de compensation financière pour les structures sanitaires appliquant la gratuité. L’enjeu est important. Les ministres de la santé de la région ont actuellement les yeux rivés sur la Sierra Leone. Plus d’une quinzaine d’États, principalement en Afrique subsaharienne, ont fait le choix au cours des cinq dernières années d’adopter des politiques de gratuité des soins. Dernier exemple en date, le Burkina Faso qui s’est dit favorable à la levée de tous les obstacles financiers aux soins obstétricaux d’urgence. Le gouvernement sierra-léonais a estimé à 91 millions de dollars (69 millions d’euros) le coût de la mise en oeuvre de sa politique pour l’année 2010, dont 20 millions de dollars (15 millions d’euros) restent à mobiliser. L’appui technique et financier des bailleurs de fonds internationaux sera déterminant pour sa réussite, à l’instar du Royaume-Uni qui finance en grande partie ce projet. Les pays développés, comme ils s’y sont engagés à plusieurs reprises notamment dans le cadre du G8, doivent désormais soutenir concrètement ces États qui font le pari d’un système de santé plus équitable. C’est dans cette logique que nous invitons la France à soutenir les pays d’Afrique subsaharienne, tels que le Burkina Faso et le Niger, qui ont décidé d’adopter des politiques de gratuité pour une partie importante de leur population, afin que ce principe d’accès gratuit puisse se traduire au plus vite par des plans efficaces et réalistes et par des services de santé de base enfin à disposition des plus pauvres.


[1] Luc Lamprière, d’Oxfam France ; Pierre Salignon, de Médecins du monde ; Annick Jeantet, pour Avocats pour la santé dans le monde et Action for Global Health, pour la campagne « Non-assistance à mère en danger » ; Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty international France pour les campagnes « Donner la vie sans risquer la mort au Burkina Faso » et « Inabordable : le coût de la santé maternelle en Sierra Leone ».


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 5 mai 2010

 

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