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Situation de la Lutte contre le sida


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Le Monde - Eric Fleutelot - 23 Juillet 2012 - Près de 8 millions de personnes vivant avec le virus du sida   (VIH  ) dans le monde ont besoin d’une trithérapie pour ne pas mourir et n’y ont pas accès : vont-elles être abandonnées sans traitements et sans soins ? Après une décennie de progrès considérables, l’élan est stoppé. Alors que vient de s’ouvrir la 19e conférence internationale sur le sida  , le 22 juillet à Washington (Etats-Unis), une revue des difficultés s’impose.

Dans les pays à ressources limitées, les malades du sida   ayant accès aux trithérapies sont aujourd’hui plus de 7 millions. Cela a été rendu possible grâce à une alliance inédite entre scientifiques, personnels soignants, responsables politiques des pays donateurs et des pays à ressources limitées et organisations de la société civile, au premier rang desquelles les associations de personnes vivant avec le VIH  .

Les conséquences ont été spectaculaires : une baisse significative de la mortalité et, en Afrique subsaharienne, région la plus durement touchée par le virus, une chute de 26 % du nombre de nouvelles infections par rapport à 1997. Fort de ces résultats, en juin 2011 aux Nations-unies, l’objectif d’atteindre 15 millions de personnes sous traitement a été pris pour 2015. Il engage toutes les nations.

Mais le coup de frein le plus brutal est tout d’abord venu des pays donateurs qui ont décidé, les uns après les autres, de réduire leur investissement dans la lutte contre l’épidémie. Non pas parce que les résultats ne sont pas bons car, en réalité, c’est l’Objectif du millénaire pour le développement le plus dynamique et le plus performant. Mais une vision à court terme semble prendre le pas sur l’investissement à long terme dans un système garantissant un bon état de santé des plus pauvres. Elle prend le pas également, ça va sans dire, sur l’obligation morale de porter secours aux malades.

Difficile pour les acteurs de terrain d’expliquer à une malade congolaise qu’elle ne pourra pas recevoir le traitement dont elle a besoin : qu’a-t-elle à faire du contexte économique actuel, utilisé comme excuse pour sous-financer les programmes qui permettent l’achat des médicaments et le fonctionnement des programmes hospitaliers et associatifs ? Pourquoi devrait-elle être sanctionnée parce que, dans certains pays, sur certains programmes, une portion infime de l’argent consacré à la lutte contre le sida   n’a pas été utilisée correctement ? Enfin, elle aura du mal à comprendre l’engagement de certaines organisations humanitaires ou de solidarité jalousant les fonds de la lutte contre le sida  , au prétexte qu’il existe d’autres maladies, d’autres causes, d’autres besoins.

A l’assèchement des financements voués à la lutte contre le sida   (il est estimé que moins de 40 % des besoins de financement sont couverts pour cette année), il faut ajouter l’incohérence des politiques des pays riches. Les Etats-Unis et l’Europe poursuivent leurs attaques contre la production de médicaments génériques, principalement en Inde. Or, c’est justement parce que les malades ont eu accès à des médicaments de qualité et peu chers que les progrès de l’accès aux traitements ont pu être réalisés.

Le coût des soins ne pourra pas baisser si perdure une défense obsessionnelle du droit de propriété intellectuelle. En France, le ministère des affaires étrangères est fortement engagé dans la lutte contre le sida   dans les pays pauvres ; et le ministère de l’industrie est fortement engagé dans la protection des brevets de l’industrie pharmaceutique.

Dans le même temps, à ce tableau déjà fort sombre, il faut signaler qu’il existe encore bien d’autres freins au développement d’une lutte efficace contre le sida  . Les droits des personnes vivant avec le VIH   ou exposées au virus sont bafoués, partout sur la planète. En France, un dentiste refuse de traiter une personne séropositive. En Grèce, des femmes étrangères prostituées et séropositives voient leurs photos publiées à la une de journaux. Aux Etats-Unis, les malades sont sur liste d’attente dans l’espoir que des fonds suffisants viennent un jour prendre en charge des médicaments qu’ils ne peuvent se payer. En Ouganda, l’homophobie des Eglises et du gouvernement rend plus difficile que jamais l’accès à la prévention, au dépistage et aux soins pour ces hommes très stigmatisés. En Namibie, des femmes séropositives ont été stérilisées de manière autoritaire. Partout où les droits humains fondamentaux sont bafoués, la lutte contre le sida   recule.

Enfin, comment ne rien dire de la disparition du leadership politique ? Guidée auparavant par des chefs d’Etat ou d’anciens chefs d’Etat, comme Nelson Mandela, la lutte contre le sida   ne se trouve plus aujourd’hui dirigée que par des hommes et des femmes, certes engagés, mais ayant un mandat clair : réduire les coûts. Technocrates compétents et experts réputés ne pourront jamais remplacer les dirigeants politiques pour montrer le chemin et donner l’inspiration nécessaire pour avancer dans la lutte.

Les acteurs de la lutte contre le sida   avancent avec des solutions : l’épidémie peut reculer partout dans le monde parce que les traitements ne sont pas seulement bénéfiques pour ceux qui les prennent, mais contribuent aussi à réduire le nombre de nouvelles infections.

La mise en place d’une taxe sur les transactions financières donnera les moyens nécessaires à la lutte contre le sida  . L’assouplissement des règles relatives aux brevets pour les produits de santé conduira à un meilleur accès aux traitements. Tout cela est faisable. Ce n’est pas utopique, c’est à portée de main.

Eric Fleutelot, directeur général adjoint international et et porte-parole de Sidaction


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 24 juillet 2012

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