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Medecine Man, figure de l’identité lakota



Libération - 22 février 2010 - Regard sur la folie - Laure Gruel et Stéphane Moiroux

Certains Lakotas disent qu’il n’y aurait plus de “vrai” medecine man, que le dernier serait décédé il y a une vingtaine, une trentaine d’années.

Ils dénoncent les guérisseurs qui manquent d’humilité, mais non d’argent. Quelques-uns monnayent les cérémonies aux touristes, ce qui est contraire aux valeurs lakotas d’humilité et de compassion.

On ne choisit pas de devenir medecine man. C’est un souhait des puissances spirituelles. Elles l’annoncent aux personnes concernées par des rêves, des visions, ou des maladies particulières. Souvent, le premier contact a lieu très jeune et l’enfant ne peut encore le comprendre. Il se renouvellera quelques années plus tard et les esprits enseigneront alors au futur guérisseur les cérémonies à mener, les plantes et chants à utiliser et quels seront ses alliés surnaturels (esprits particuliers, animaux sacrés).

S’il peut être très puissant, et doté de pouvoirs peu naturels, le medecine man n’en tire aucun narcissisme. Il n’est qu’un intermédiaire entre le monde invisible et les hommes. Il se doit d’utiliser cette facilité pour soigner les personnes en demande. Les esprits le guide quotidiennement.

« Auparavant, indique l’un des medecine men rencontrés, les cérémonies de guérison étaient surtout destinées à soigner les maladies du corps. Aujourd’hui, même si j’interviens beaucoup pour des gens qui souffrent de cancer, on m’appelle régulièrement pour des maladies de l’esprit ». Ce medecine man propose des inipis (voir article « inipi, sudation et purification spirituelle ») aux jeunes revenant de la guerre en Irak. « Quatre inipis sont nécessaires. Le premier, tu es comme fou, le deuxième, tu parles de ce que tu as fait, tu penses à toutes les personnes que tu as tuées et à leur famille, le troisième, tu penses que tu n’avais pas le choix. Le quatrième, les âmes de ceux que tu as tués viennent te voir. Tu récupères ton esprit. Ton esprit et ton corps sont à nouveau connectés. »

Un autre guérisseur pratique des cérémonies tous les vendredis soirs car c’est le jour privilégié des fêtes et des excès pour les jeunes. Et tous les vendredis soirs certains jeunes sont là. Ils partagent honnêtement leurs difficultés (toxicomanie, envies suicidaires, délinquance...). D’ailleurs, certains medecine men ont connu ces mêmes problèmes. Ils n’en sont qu’un exemple plus fort. Une figure identitaire puissante. Les traditions ancestrales seraient-elles une réponse aux nombreux problèmes psycho-sociaux ?

Les Blancs s’intéressent de plus en plus à ces pratiques. Ils peuplent par saison la réserve. Certains recherchent une nouvelle technique de développement personnel quand d’autres sont dans une réelle quête spirituelle que le mode de vie occidental ne semble pouvoir leur offrir.

Les medecine men et les chamans ont toujours attiré et fasciné l’occident fantasmant sur un paradis perdu, possiblement accessible chez ces sociétés dites “primitives”. Elles détiendraient le secret des origines. C’est la théorie d’Eliade, le mythe de l’éternel retour.

Les Lakotas paraissent parfois, eux aussi, souhaiter un retour à leurs origines culturelles. Les pratiques traditionnelles leur permettent de récupérer une identité collective, mise à mal par la politique d’assimilation menée par le gouvernement des USA. Cette appartenance culturelle, longtemps autodépréciée, ces natifs la revendiquent aujourd’hui avec fierté. Le medecine man semble être un symbole et un pilier de cette réaffirmation identitaire.


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 31 mars 2010