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Cyrille Canetti, psychiatre et ex-otage


Mots-Clés / Psy / Justice

Républicain Lorrain - 17 juin 2013 -

Chef du service médico-psychologique régional de la Santé, Cyrille Canetti avait été pris en otage par Francis Dorffer en avril 2010 pendant cinq heures. Partie civile, il sera là pour d’abord pour témoigner sur l’inhumanité des prisons.

Non, je vais être pris aux assises pendant une semaine, j’ai des dizaines de dossiers à boucler. Pas le temps pour une interview. Et puis, je réserve mes déclarations à la cour. Sur le fond, c’est simple : je suis partie civile, pas pour demander des comptes à Dorffer, mais témoigner sur la prison, son inhumanité ». À l’autre bout du fil, Cyrille Canetti a déjà replongé dans ses consultations.

« Il m’a respecté »

Le psychiatre, chef du service médico-psychologique régional (SMPR) de la Santé, à Paris, est prêt à être appelé à la barre dans les prochaines heures ou les prochains jours, un peu plus de deux ans après avoir été pris en otage par Francis Dorffer. Et son témoignage pèsera lourd. À coup sûr. Car bien avant d’être l’otage de Dorffer, Canetti était un militant : contre l’incarcération des malades mentaux, contre la détention qui nourrit le désespoir.

Le 7 avril 2010, 11h30. Comme Canetti l’a raconté une semaine plus tard à nos confrères de Libération , le psychiatre a rendez-vous avec Dorffer. C’est à l’issue de l’entretien, dans le réduit du parloir, que le détenu particulièrement surveillé (DPS) exhibe une pique en bois bricolée et lui annonce : « Je vous prends en otage ». « J’ai dit : "non" », raconte Canetti. Dorffer lui répond : « Si ! » Canetti redit « non » et… part bouder dans un coin ! Une fois encore, Dorffer n’a qu’une revendication : être transféré dans un établissement pénitentiaire de l’Est de la France, se rapprocher de sa femme et de leur fils, âgé de quelques mois.

Passées les premières minutes tendues et alors qu’une longue négociation début, Dorffer s’excuse : « Désolé de vous faire subir ça ». Cyrille Canetti envisage tous les scénarios : « Ou il me tue, ou il y a une intervention et il est tué. Ou on est tués tous les deux. On ne peut pas vivre une situation pareille sans penser à la mort ». Un peu plus tard, calmé, il pense : « S’il m’arrive quelque chose, ce sera pour une cause que je défends ».

Au fil des heures, jamais Cyrille Canetti ne se sent menacé. « Il ne m’a pas touché avec son arme, il m’a respecté, il m’a même protégé », insiste le psychiatre.

Peu après 16h, la fin de la prise d’otage approche. « Il m’a dit qu’il m’écrirait car j’aurai sans doute des questions », explique Canetti.

L’arme dans la main

Dehors, les hommes du RAID, l’unité d’élite de la police, attendent que Dorffer se conforme au processus de reddition qu’ils ont négocié. « Dorffer m’a mis son arme dans la main, pas sur la table. C’était symbolique et émouvant » , se souvient Canetti, « propulsé au bout du couloir par des policiers en armes et casqués dans une ambiance de guerre », lors de l’intervention finale.

C’est là que la réalité le rattrape : débriefing des policiers, les coups de fil des proches et même de Michèle Alliot-Marie, la garde des Sceaux. Lui ressasse cette phrase du contrôleur des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue (cité cette semaine devant la cour d’assises de Paris) : « Tant que l’on n’aura pas pris conscience que lorsqu’on est libre, en bonne santé, ce n’est pas une position définitive, les choses ne s’amélioreront jamais ».

Selon Françoise Cotta, un des avocats de Francis Dorffer, « personne mieux que le docteur Canetti ne peut parler de la prison de l’intérieur et du psychisme de Dorffer ».


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 17 juin 2013