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"Le psychique et le social sont indissolublement liés"



Le Monde | 10.10.11 | Propos de Jean Furtos [1] recueillis par Catherine Vincent

"Effets psychosociaux de la mondialisation sur la santé mentale" : le colloque qui se tiendra sur ce thème, du 19 au 22 octobre à Lyon, est une première en France. Prévu pour accueillir près de deux cents intervenants, économistes, sociologues et psychiatres, venus pour certains des Etats-Unis, de Chine, d’Inde ou d’Afrique, il a pour objectif de replacer "l’écologie du lien social" au coeur du débat.

Le psychiatre Jean Furtos, chef de service à l’hôpital du Vinatier, à Bron (Rhône), et principal organisateur de ce congrès, en précise les enjeux.

Mondialisation et santé mentale, quel rapport ?

La mondialisation associe deux processus différents et intriqués : un processus de très longue période, résultant des flux migratoires, des échanges humains et commerciaux, d’où émerge, avec la révolution numérique, une véritable conscience mondiale ; et un processus beaucoup plus récent, constitué par la prédominance de l’économie de marché soumise au seul profit. Ces deux niveaux ont des effets psychosociaux, et donc des conséquences en termes de santé mentale.

Mais la plupart du temps, les choses restent dissociées. D’une part la crise financière, qui doit être résolue par les économistes et les politiques, de l’autre les problèmes psychologiques. Comme si le psychique et le social n’étaient pas indissolublement liés ! Or, ils le sont. Et notre société hyperindividualiste, en cassant le lien humain, tend à atomiser les individus et à détruire le collectif. Ce qui produit de nouvelles pathologies mentales.

Vous donnez au mot "précarité" un sens positif. Pourquoi ?

Le mot "précarité" n’est pas seulement synonyme d’incertitude, de risque de catastrophe, de pauvreté. Le terme vient du latin precari, qui signifie "dépendre de la volonté de l’autre, obtenir par la prière". L’état de précarité, dans ce sens, est antagoniste et complémentaire de l’autonomie. Il signifie une dépendance à respecter, le besoin, à tous les âges de la vie, d’un support social, dans la réciprocité de l’échange. Mais l’idéologie actuelle tend à faire admettre que la précarité est toujours négative, et qu’on ne doit faire qu’avec des gens qui sont autonomes.

Vous appelez à signer une déclaration en faveur de l’écologie du lien social. De quoi s’agit-il ?

L’écologie du lien social, c’est se souvenir que, sans autrui, on n’existe pas correctement. Un exemple : si l’on ne tient pas compte, lors d’une opération de renouvellement urbain, de l’importance qu’avait le voisinage pour ceux que l’on reloge, on fragilise ceux qui sont déjà les plus vulnérables. Quand on procède ainsi, on oublie qu’on n’est pas une série d’individus, mais un collectif. Sur un lieu de travail, dans un même immeuble, les règles d’écologie sociale sont aussi importantes que la qualité de l’air qu’on respire, ou que l’interdiction de la torture.

Depuis Aristote, l’homme est décrit comme un animal social. Si on touche à l’animal social, on touche à sa nature profonde.


[1] psychiatre, chef de service à l’hôpital du Vinatier, à Bron (Rhône)


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 14 octobre 2011