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Loin des projecteurs, la violence en Côte d’Ivoire



Colette Braeckman - 23 février 2011 - Depuis décembre, deux présidents se font face à Abidjan : Alassane Ouattara, reconnu comme vainqueur des élections par la communauté internationale, et Laurent Gbagbo, le président sortant, qui a dénoncé des fraudes dans le fief de son adversaire et qui, reconnu vainqueur par la Cour constitutionnelle, refuse de s’effacer.

Durant deux mois, la crise ivoirienne, fortement médiatisée, a réussi à éviter de se terminer dans la violence. Aujourd’hui que projecteurs et caméras sont tournés vers les convulsions du monde arabe et en particulier de la Libye, la Côte d’Ivoire paiera-t-elle le prix de ce détournement d’attention ? En effet, des combats meurtriers ont eu lieu à Abidjan, dans le quartier populaire d’Abobo : les FDS (Forces de défense et de sécurité) loyales au régime Gbagbo se sont affrontés à l’arme lourde avec des « combattants non identifiés » et une unité d’élite, le centre de commandement des des opérations de sécurité, a perdu une dizaine d’éléments dans de très violents combats survenus après une embuscade. Le camp Gbagbo a accusé des rebelles favorables à son rival Ouattara mais les Forces nouvelles, présentes dans le Nord du pays, ont nié être impliquées et la presse locale parle de « commandos invisibles ».

Par ailleurs, une dizaine de partisans pro Ouattara ont été tués par les forces de sécurité depuis le week end dernier.

Alors que plusieurs appels à la grève générale étaient demeurés lettre morte jusqu’à présent, les observateurs relèvent que, s’inspirant égyptien et tunisien, les partisans de M. Ouattara ont fait monter la pression, tandis que certains témoignages font état de renforcement des troupes des Forces nouvelles dans le nord du pays.

Cette escalade se produit alors que la médiation africaine, composée de quatre présidents en exercice (Idriss Deby Itno, (Tchad), Jikaya Kikwete (Tanzanie) Jacob Zuma (Afrique du Sud) et Mohamed Abdel Aziz (Mauritanie) s’est engagée à trouver, d’ici le 28 février, des solutions « contraignantes » pour les deux camps.

En réalité, la délégation de l’Union africaine se montre beaucoup moins radicale que la médiation précédente, qui était composée de représentants de la communauté économique ouest africaine (CEDEAO). Cette dernière, prenant pour argent comptant le verdict des nations unies qui avait donné Alassane Ouattara pour vainqueur du scrutin, avait clairement envisagé de recourir à la force pour obliger M. Gbagbo à céder le pouvoir à son rival…

Mais les semaines passant, force a été de constater que, malgré lé détérioration de la situation économique du pays, le temps jouait en faveur de M. Gbagbo et que l’action militaire cependant fortement soutenue par le Nigeria et le premier ministre kényan Odinga, devenait de plus en plus improbable.

C’est qu’un interlocuteur de poids avait entre temps changé d’avis : alors que, dans un premier temps l’Afrique du Sud avait avalisé la thèse d’une victoire incontestable de M. Ouattara, le président Jacob Zuma a par la suite émis de sérieux bémols et la ministre sud africaine des affaires étrangères, refusant de trancher entre les deux adversaires, a déclaré que les élections ne permettaient pas de conclusion définitive. Ce revirement sud africain s’explique probablement par l’influence du président angolais dos Santos : ce dernier, très proche de M. Gbagbo, qui avait en son temps expulsé d’Abidjan les représentants de Jonas Savimbi, avait sérieusement mis en cause la victoire électorale d’Ouattara, soulignant que des irrégularités s’étaient produites dans le Nord et que la communauté internationale, influencée par la France, avait sans doute conclu trop vite…

Sous l’influence de Jacob Zuma, un poids lourd sur la scène africaine, d’autres solutions ont été envisagées par la médiation, un partage du pouvoir (très improbable étant donné l’obstination des deux adversaires que tout oppose…) ou de nouvelles élections (hypothèse tout aussi improbable car elle impliquerait que les Nations unies, qui avaient certifié le résultat des élections, acceptent de se déjuger…).

L’Afrique du Sud n’essaie pas seulement de modifier la donne sur le plan diplomatique : alors qu’une intervention militaire régionale contre Gbagbo aurait pu se faire aussi par voie maritime, le vaisseau de guerre sud africain SAS Drakensberg est très ostensiblement demeuré stationné dans les eaux territoriales ghanéennes, au large d’Abidjan…


Publié sur OSI Bouaké le lundi 28 février 2011

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