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Unitaid : A quoi sert la taxe sur les billets d’avion ?

Bilan après un an : A quoi sert l’argent de la taxe sur les billets d’avion ?


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2 juillet 2007

Jugée irréalisable par beaucoup, la taxe sur les billets d’avion est en place depuis un an en France. De 1 euro pour un Paris-Nice en classe éco à 40 euros pour un Paris New York en première, nous payons une contribution de solidarité qui alimente Unitaid  , un nouveau programme de financement de la lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme. A quoi sert cet argent ? Premier bilan.

Négocier les prix

Quand a commencé à circuler l’idée de prélever une taxe sur les billets d’avion pour financer la lutte contre le sida  , ses promoteurs passaient, au mieux, pour de doux rêveurs. Depuis un an, les Français paient pourtant cette taxe que beaucoup jugeaient impossible à mettre en place et les médicaments que les sommes récoltées permettent d’acheter commencent à arriver dans les pays qui en ont besoin.

De 1 euro pour le vacancier parisien qui part à Nice à 40 pour le businessman, cette contribution est en place depuis le 1er juillet 2006. Les compagnies aériennes craignaient alors le pire. Un an après, lors du salon du Bourget, Jean-Cyril Spinetta le patron d’Air France avouait : "Bien sûr, au départ, nous avons constaté une incidence négative sur le transport, mais rapidement cela s’est estompé, le niveau de taxes fixés étant raisonnable". Sur les vols de moyenne distance, les passagers en classe éco paient un euro de plus, ceux en affaires et première, 10 euros, des sommes quadruplées sur les longs courriers. Paris prévoit alors de récolter environ 200 millions d’euros par an en année pleine. Des sommes qui alimentent Unitaid  .

Cette facilité internationale d’achat de médicaments a été lancée officiellement le 19 septembre 2006, au siège de l’Onu   à New York. Financé essentiellement mais pas seulement par la contribution sur les billets d’avion, ce dispositif fonctionne en fait comme une centrale d’achat de médicaments, le principe étant de faire baisser les prix en augmentant et en pérénisant la demande, pour des traitements contre le Sida   mais aussi contre deux autres pandémies : la tuberculose et le paludisme. "L’idée explique Philippe Douste-Blazy, directeur du conseil d’administration d’Unitaid  , c’est de demander aux laboratoires pharmaceutiques de diminuer le prix des médicaments pour qu’enfin les pays les plus pauvres puissent payer des médicaments aux malades". Cette taxe assure un financement sur la durée, qui ne dépend pas de la bonne volonté de tels ou tels pays donateurs.

Les 5 pays pilotes - France, Brésil, Chili, Norvège, Royaume Uni - ont été suivi par une trentaine d’autres - ils sont aujourd’hui 34. "On est assez loin du compte" regrette Khalil Elouardighi, qui représente Act Up au conseil d’administration d’Unitaid  . Il rappelle que la taxe était censée être vraiment internationale et que des pays comme les Etats-Unis n’y participent pas. Le budget 2007 dépassent quand même les 300 millions de dollars - Unitaid   espère 500 millions d’ici 2009. De quoi négocier avec les laboratoires pharmaceutiques, notamment les fabricants de génériques. Et Unitaid   qui travaille avec la Fondation Clinton a effectivement obtenu des baisses de prix. Des progrès que reconnaissent les associations de lutte contre le Sida  , dont Act Up France.

Priorité aux enfants

Le fonctionnement d’Unitaid   est fondé sur l’association avec des partenaires déjà impliqués dans la lutte contre le Sida  , la Fondation Clinton, Unicef, OMS  , Fonds mondial.. Unitaid   a défini des "niches" prioritaires, par exemple pour le VIH   Sida  , les médicaments pédiatriques qui ont déjà commencé à être livrés sur le terrain et les médicaments de seconde ligne, utilisés quand les malades deviennent résistants aux traitements premières générations et qui doivent arriver à partir de juillet.

Une des actions les plus avancées est le programme sur les médicaments pédiatriques. Sur les plus de 2 millions d’enfants qui vivent dans le monde avec le Sida  , 600.000 auraient besoin d’un traitement anti-rétroviral. Seuls 15 à 20.000 en bénéficient. Les traitements spécifiques pour les enfants sont peu nombreux, souvent mal adaptés et chers. En octobre 2006, UNITAID   a engagé un partenariat avec la Fondation Clinton pour mettre plus de 100.000 nouveaux enfants sous traitement avant la fin 2007, dans 34 pays d’Afrique et d’Asie, des objectifs que certains acteurs de terrain jugent très ambitieux. En 2006, plus de 4.000 nouveaux enfants ont reçu des traitements dans une douzaine de pays.

Des stocks de médicaments et après ?

"Les négociations et les livraisons des médicaments, c’est la partie la plus simple" confie un membre d’Unitaid  , après, il faut veiller à ce que les médicaments arrivent quand il faut et soient bien distribués".

Julien Cavagnou est bien placé pour mesurer les difficultés logistiques : il est pharmacien chez Solthis au Niger. Une fois que les médicaments sont accessibles détaille-t-il, il faut d’abord quantifier les besoins, les estimer, ensuite, les stocker - pas facile dans un pays comme le Niger où il fait plus de 45 degrés - enfin, les distribuer. C’est encore plus compliqué, explique ce pharmacien, avec les médicaments pédiatriques. Un exemple : les sirops prennent plus de place que les formes comprimés des adultes. Quand pour un enfant de 10 kilos, il faut 10 flacons pour un mois, on imagine les difficultés pour une mère qui va devoir sortir de l’hôpital avec son sac de médicaments, parfois le cacher au père qui ne sait pas que son enfant est malade et le garder au frais après ouverture.

"Le problème est le même qu’avec le Fonds mondial, explique le docteur Gilles Raguin, membre d’Esther (2), il ne suffit pas de remplir les hangars de médicaments, il faut des gens et un système pour les distribuer"". "Personne n’a envie de critiquer ce système qui apporte un financement pérenne, des produits disponibles, des traitements pour les enfants ou pour la tuberculose résistante", précise ce médecin mais pour qu’Unitaid   fonctionne vraiment, il faut que les systèmes de santé fonctionnent. Ce qui n’est pas le cas dans des pays qui manquent dramatiquement de médecins et d’infirmières, où les hôpitaux et les labos à part les grands CHU, manquent de matériels, où le dépistage des enfants reste anecdotique.

"Ces médicaments sont les bienvenus, on applaudit des deux mains, c’est une bouffée d’oxygène !", s’enthousiasme Alain Acondé, médecin béninois qui travaille pour Solthis à Ségou au Mali, un des pays bénéficiaires, mais il estime qu’il faudrait aller plus loin : fournir un soutien pour la distribution, la gestion des stocks, la distribution en dehors des capitales régionales, mais aussi pour la formation : "dans les pays en voie de développement, les pédiatres ne courent pas les rues ! Donc il va falloir former le personnel à la prise en charge spécifique des enfants". Et puis il faut aussi élargir le dépistage : "il ne sert à rien d’avoir des médicaments si on ne dépiste pas".

"Unitaid   a réussi à prendre une place dans le panorama international, résume Louis Pizarro, le directeur général de Solthis, la taxe marche, cette idée qui paraissait un peu utopique c’est concrétisé financièrement. L’argent est disponible et les médicaments sont en train d’arriver. Ce qu’on attend de voir maintenant, c’est de voir quelle collaboration les acteurs de terrain vont avoir avec Unitaid   à Genève. Actuellement, c’est assez faible. Les médicaments sont là, il faut qu’on franchisse un cap maintenant et qu’on aille vers la mise en place des actions. L’idée est que les programmes que nous appuyons aujourd’hui puissent bénéficier des médicaments. Nous sommes prêts à continuer à jouer ce rôle de passeurs".

En quelques mois, le programme Unitaid   a prouvé qu’il était capable de remplir les hangars de médicaments. Etape suivante : faire en sorte qu’ils arrivent effectivement jusqu’aux malades qui en ont besoin.

Frédérique Prabonnaud

Voir également en ligne sur le site de RTL 3 reportages et interviews audio sur Unitaid  

*(1) Créée en juillet 2003 à l’initiative des professeurs Christine Katlama et Gilles Brücker avec l’appui de Madame Liliane Bettencourt et grâce au soutien déterminant de la Fondation Bettencourt Schueller, Solthis est une Organisation de Solidarité Internationale totalement indépendante et dont les fonds sont entièrement consacrés à la lutte contre le VIH  /Sida  . www.solthis.org/

*(2) Initiative du gouvernement français, ESTHER (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau) est un programme qui, avec d’autres partenaires a pour objectif de favoriser l’accès aux soins des personnes vivant avec le VIH  /SIDA   dans les pays en développement, par des partenariats et des jumelages. www.esther.fr/home.php


VOIR EN LIGNE : RTL Info
Publié sur OSI Bouaké le jeudi 5 juillet 2007

 

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