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Six pays africains s’engagent à mettre fin au recrutement des enfants soldats


Le Monde | 11.06.10 | par Brigitte Perucca

A défaut de signer la paix, protéger les enfants. Dans une déclaration signée mercredi 9 juin, au terme de deux jours de conférence à N’Djamena, au Tchad, six pays africains – le Cameroun, la Centrafrique, le Niger, le Nigeria, le Soudan et le Tchad – se sont engagés à ce qu’"aucun enfant de moins de 18 ans ne prenne part, directement ou indirectement, à des hostilités et, le cas échéant, de prévenir toute forme de recrutement".

Les signataires ont également promis de ratifier le protocole additionnel à la Convention des droits de l’enfant de l’ONU   concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Tchad et le Soudan ont d’ores et déjà signé et ratifié ce texte. Le Cameroun et le Nigeria l’ont signé mais pas ratifié. La République centrafricaine et le Niger ne l’ont ni signé ni ratifié.

EXTRAIRE LES ENFANTS ENRÔLÉS

Alors que la dernière conférence concernant les enfants-soldats sur le territoire africain remonte à 1997 à Captown (Afrique du Sud), cet "accord" en treize points – dont une stratégie transfrontalière contre la prolifération et le trafic d’armes légères – représente un pas en avant non négligeable. C’est aussi et surtout, estime Marzio Babille, représentant de l’Unicef au Tchad, "un point d’appui" important notamment pour les organisations humanitaires qui tentent d’extraire les enfants enrôlés dans les armées nationales et dans les milices des groupes rebelles.

Parmi les points de l’accord, les pays ont acté le fait que "le crime que constitue le recrutement d’enfants par les forces et les groupes armés ne sera pas intégré aux lois d’amnistie" éventuellement adoptées par les pays.

Selon le dernier rapport annuel des Nations unies "sur les enfants et les conflits armés", entre 250000 et 300000 enfants sont impliqués dans les conflits sur l’ensemble de la planète. Le chiffre ne varie guère d’année en année.

Ce recrutement massif d’enfants-soldats n’est pas l’apanage exclusif de l’Afrique : le Népal, le Myanmar, l’Afghanistan, la Colombie et d’autres comptent nombre d’enfants enrôlés dans les troupes "rebelles"… Mais il atteint une dimension inquiétante sur le continent noir, où serait recruté un tiers des enfants-soldats. Au Tchad, par exemple, on estime que "5 à 7% des forces rebelles sont constituées de mineurs", assure Marzio Babille. En Centrafrique, 1230 enfants ont été démobilisés ces trois dernières années, ce qui donne, par défaut, une mesure de l’ampleur de leur présence.

Combattants souvent, ils sont aussi cuisiniers, chasseurs, intendants. Les filles ne se sont pas épargnées, "utilisées" en plus du reste au titre d’esclaves sexuelles. Chaque nouvel épisode d’insécurité se solde par une recrudescence du recrutement d’enfants soldats. Un phénomène qui a encore été observé récemment par l’Unicef en Guinée après le putsch de Conakry, et notamment en Guinée forestière, témoigne Joachim Theiss, conseiller régional pour la protection des enfants de l’Unicef en Afrique de l’Ouest et du Centre. Car les enfants des zones les plus isolées, de même que les plus démunis, sont les cibles privilégiés des rebelles en quête de bras.

BATAILLE SUR LES MENTALITÉS

Ces dernières années, les organisations humanitaires, parfois aidées par les autorités, ont entrepris un travail de prévention sur le terrain, dans les armées régulières, dans la police, dans les groupes rebelles et, surtout, dans les communautés mais aussi des actions de réinsertion, particulièrement difficiles dans des pays où l’offre d’éducation et de formation est insuffisante.

Au Tchad, qui est aussi le pays où 800 enfants soldats ont été retirés des griffes des milices depuis 2007, cette prévention passe par une "sensibilisation" régulière délivrée aux militaires du rang, rappelle Madame Ngarmbatina Odjimbeye Soukate , ministre des affaires sociales. "Nous leur rappelons les engagements internationaux et ceux du pays et abordons toutes les questions, y compris celle des abus sexuels", explique M. Theiss, dont l’organisation collabore avec Save the Children sur ce type de "formations".

Une même démarche a été entreprise auprès des groupes rebelles. "Nous négocions directement avec les groupes armés au Tchad et au Soudan. Nos contacts nous permettent d’inspecter des sites", raconte M. Babille. Dans ces zones, la notion de frontière "n’existe pas", le recrutement étant "un élément tribal, ethnique", poursuit-il. D’où la nécessité d’utiliser aussi le relais des chefs traditionnels, comme le note Madame Ngarmbatina Odjimbeye Soukate.

Mais la prévention la plus payante à moyen terme est sans doute celle qui s’effectue auprès des familles qui, outre le fait qu’elles perçoivent souvent de l’argent quand un enfant est enrôlé, sont encore trop souvent persuadées que "pour devenir un homme, il faut avoir été un combattant". L’Unicef a entrepris depuis deux ans une telle campagne avec Care international, Jesuit Refugee Service et la Croix-Rouge internationale, essentiellement sur les fonds des ONG. La bataille sur les mentalités, qui est la plus importante, sera sans doute la plus difficile à remporter.


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 13 juin 2010

 

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