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Ouganda : Des secrets lourds de conséquences


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Kampala, 14 avril 2008 (PLUSNEWS)

Au cours de son enfance, Gordon Turibamwe, 20 ans, était souvent malade, souffrant régulièrement de paludisme et d’infections pulmonaires, mais son père ne lui a révélé qu’il était séropositif que lorsqu’il a atteint l’âge de 16 ans, une annonce que Gordon a vécu comme un traumatisme.

« J’étais très choqué et vraiment en colère contre mon père pendant longtemps », a-t-il dit à IRIN/PlusNews. « J’ai tout de suite pensé que j’allais mourir, j’étais vraiment désespéré ».

Gordon a été diagnostiqué positif au VIH   à l’âge de 10 ans et a été mis sous Septrin, un antibiotique, mais personne ne lui avait dit à l’époque pourquoi il devait prendre ces médicaments. Malgré cela, à mesure qu’il grandissait, ses maladies fréquentes, de même que le décès de sa belle-mère et la mauvaise santé de son père ont commencé à le faire douter de son propre statut.

Son père, sous la pression d’un médecin, a fini par lui dire la vérité. « Si je l’avais su plus tôt, j’aurais pu mieux gérer cela, mais je n’avais plus confiance en [mon père] et je lui en voulais de m’avoir transmis le VIH   », a-t-il dit.

Le père de Gordon est décédé en mars. Le père et le fils commençaient à être en meilleurs termes.

Gordon est l’auteur d’un petit livre, une autobiographie intitulée ’Comment j’ai découvert que j’étais séropositif’. Il a dit espérer que son livre puisse faire comprendre aux parents l’importance de permettre à leurs enfants d’apprendre tôt leur statut sérologique.

Son jeune frère, âgé aujourd’hui de 12 ans, est également séropositif, mais il l’a appris jeune. « On peut voir qu’il le gère bien et il est dans un groupe de soutien - ça ira bien pour lui », a estimé Gordon.

Stigmatisation et déni

D’après Goretti Nakabugo, une conseillère ougandaise qui travaille auprès des jeunes vivant avec le VIH  , la principale raison pour laquelle les parents ne révèlent pas à leurs enfants leur statut sérologique est la crainte que ces derniers soient stigmatisés.

Pourtant, « les enfants prennent très mal les révélations tardives, c’est très soudain et ils tombent souvent très malades quand ils l’apprennent, ce qui rend les choses plus difficiles », a-t-elle noté.

« Ils sont pleins de colère, de culpabilité et ont l’impression qu’on les a empêchés de jouer un rôle important dans leur propre vie », a-t-elle ajouté. « L’annonce [de la séropositivité] est un processus, il devrait être fait par étapes depuis l’âge d’environ huit ou 10 ans, en fonction du développement [maturité] de l’enfant ».

Souvent, a noté Mme Nakabugo, les parents vivent dans le déni de leur propre infection, et donc admettre le statut de leur enfant les forcerait à accepter leur propre condition.

Cela a été le cas pour la petite amie de Gordon, Princess Nuru, âgée de 22 ans, qui a découvert sa séropositivité à l’âge de 18 ans, lorsqu’elle a failli succomber à une maladie. Ses médecins lui ont dit qu’elle était séropositive et lorsqu’elle l’a dit à sa mère, cette dernière l’a accusée d’avoir été infectée lors de relations sexuelles.

« Mais je savais que je n’avais jamais eu de relations sexuelles auparavant, donc il ne pouvait y avoir qu’une seule explication sensée, d’autant plus que j’avais été très souvent malade durant mon enfance », a dit Princess. « C’était un choc de l’apprendre, mais la réaction de ma mère a rendu les choses encore plus terribles ».

Le père de Princess est décédé il y a plusieurs années, et bien que son épouse ait su qu’il était mort de causes liées au VIH  , elle n’est allée se faire dépister que récemment - quatre ans après que Princess eut été diagnostiquée.

« Elle a eu la tuberculose [l’une des principales infections opportunistes liées au VIH  /SIDA  ] l’année dernière et c’est là qu’elle est finalement allée se faire dépister et que sa séropositivité a été confirmée », a dit Princess. « Maintenant, nous nous entendons bien, elle a demandé pardon et elle est sous traitement anti-tuberculeux, mais elle est toujours malade ».

Selon Mme Nakabugo, le plus important pour pouvoir révéler son statut à un enfant est de gérer la question de la stigmatisation en premier lieu.

« Si les parents ont une attitude d’auto-stigmatisation, alors ils la transmettront à leurs enfants », a-t-elle dit. « La stigmatisation mène au déni et l’annonce tardive à son tour mène à la stigmatisation parce que l’enfant pense qu’il ne peut pas parler de son statut puisque cela est resté secret pendant si longtemps -c’est un cercle vicieux ».

D’après l’American academy of pediatrics, des études indiquent que les enfants qui connaissent leur statut sont plus enclins à avoir un plus grand respect envers eux-mêmes que les enfants infectés qui l’ignorent.

« Les parents qui ont révélé leur statut à leurs enfants sont moins sujets à la dépression que ceux qui ne l’ont pas fait », a dit l’académie dans une déclaration de politique en faveur de la révélation de leur statut aux enfants et adolescents vivant avec le VIH  .

« L’annonce [de la séropositivité] ne devrait pas prendre uniquement en considération l’âge de l’enfant, sa maturité et la complexité de la dynamique familiale, mais aussi le contexte clinique », a ajouté le document. « Dans le cas d’enfants très malades, les questions liées à la mort, plutôt que l’annonce [de la séropositivité], peuvent être plus appropriées ».


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 16 avril 2008

 

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