Vihiga, 4 janvier 2011 - Plusnews - Quand Yona, 12 ans, est venu vivre avec sa grand-mère après la mort de ses parents il y a plusieurs années, celle-ci a dit aux voisins qu’il était séropositif, en espérant que cela lui attirerait un peu de compassion. Mais le garçon a au contraire été tourné en ridicule et tenu à distance par ses camarades.
« Ma grand-mère le leur a dit parce que j’étais tout le temps malade. Beaucoup parmi les enfants qui sont au courant ont peur de moi et ne veulent pas jouer avec moi, » a t-il dit à IRIN/PlusNews, chez lui dans le district de Vihiga, à l’ouest du Kenya. « Ils pensent que je peux les contaminer, mais je sais que ce n’est pas possible. Je leur dis que je suis comme eux, mais ils ne sont pas d’accord. »
Certains enfants du voisinage refusent encore de passer du temps avec lui, mais il y a trois ans, Yona s’est trouvé un nouveau cercle d’amis :
Un groupe de soutien pour enfants séropositifs lui a donné la chance de rencontrer régulièrement des enfants de son âge et de partager ses expériences personnelles.
« Depuis que j’ai commencé à rencontrer mes copains, je n’ai [plus] peur du VIH , parce que je les vois, je me vois moi-même et nous allons parfaitement bien, » a t-il dit. « Quand je viens ici et que je rencontre mes copains, nous jouons et quelqu’un me demande si j’ai pris mon traitement, et donc je me rappelle que je dois prendre mes médicaments. »
Le groupe de soutien fait partie de Zingatia Maisha (“prends soin de la vie” en swahili), un projet mené par le gouvernement et des organisations non gouvernementales (NGO), dont la Fondation Elizabeth Glaser pour le sida pédiatrique (l’EGPAF) et la Fondation africaine pour la recherche en médecine (l’AMREF). Ce programme a pour but d’impliquer les personnes séropositives et leur entourage dans leur traitement, l’observance du traitement et les mesures de soutien.
Combler un vide
Il existe actuellement à Vahiga 20 groupes de soutien psychosocial pédiatrique, qui s’occupent de quelque 600 enfants séropositifs.
Près de 80 pour cent de ces enfants ne sont pas seulement séropositifs, mais sont également orphelins de père et de mère.
Ils se rencontrent de façon indépendante chaque weekend et une fois par mois, rencontrent un agent de santé qui leur fait des présentations sur des questions de santé.
’’Je sais comment utiliser un préservatif... J’ai accepté mon état et j’essaie de faire en sorte que les autres enfants et les adultes eux aussi acceptent tout simplement notre état.’’
Ce programme contribue à combler un grand manque dans les soins aux enfants séropositifs au niveau national. Selon le Programme national kenyan pour le contrôle du SIDA et des maladies sexuellement transmissibles, il n’y a que 1 800 travailleurs sanitaires formés pour s’occuper des 170 000 enfants kenyans qui sont estimés séropositifs.
Selon Faith Oriwo, coordinatrice de terrain à l’EGPAF, les groupes de soutien ont contribué à répondre aux besoins particuliers des enfants séropositifs. » Les enfants séropositifs ont des besoins de soutien psychosocial différents de ceux des adultes séropositifs : il leur faut une plateforme où ils puissent jouer en toute liberté avec des gens avec qui ils sont à l’aise, surtout quand il s’agit d’enfants dont le statut VIH est connu de beaucoup de gens, ce qui peut créer une forme de stigmatisation, » a t-elle dit.
« Leur donner l’opportunité de partager aide à réduire la stigmatisation parmi eux, parce qu’ils réalisent qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils ne sont pas différents, » a t-elle ajouté.
Mme Oriwo a fait remarquer que les informations communiquées aux enfants sur le changement des comportements leur seraient très utiles quand ils deviendraient adultes et commenceraient à avoir à faire face à des questions sexuelles.
Patience*, une jeune fille de 14 ans, qui reconnaît être déjà sexuellement active, a reçu une éducation sur la santé reproductive et l’utilisation des préservatifs, et est pair-éducatrice dans son école.
« Les conseillers m’ont appris des façons d’éviter de tomber enceinte.. Je sais comment utiliser un préservatif, » a t’elle dit. « J’ai accepté mon état et j’essaie de faire en sorte que les autres enfants et les adultes eux aussi acceptent tout simplement notre état. »
Des bénéfices élargis
Frederick Nyumba, le responsable en charge du centre de santé Mulele, un centre gouvernemental à Vihiga, dit que les bénéfices de ces groupes vont bien au-delà de l’aspect psychologique.
« Quand les enfants sont dans ces groupes de soutien, l’observance du traitement est extrêmement bonne, parce que les enfants se servent mutuellement de gardiens en se rappelant entre eux de prendre leurs médicaments, ou rappellent à leur vieille grand-mère de les leur donner, » a t-il dit. Cet effet de réseau fait qu’il est facile non seulement de dépister les défaillants, mais aussi de garder un œil sur le bien-être de chacun. »
Le groupe a aussi pour objectif d’encourager l’indépendance économique parmi les enfants. A chaque rencontre, les enfants doivent payer un shilling (1,2 cents de dollar) chacun et leurs gardiens donnent ce qu’ils peuvent. L’argent est utilisé pour acheter des chèvres qui sont données aux familles d’accueil des enfants, sur une base tournante.
« Maintenant j’ai une chèvre à la maison et ma grand-mère est contente. Je sais qu’elle fera encore des petits et je pourrai alors [les] vendre et payer mes frais de scolarité quand j’irai à l’école secondaire » a dit Cédric.
Pour garantir que les enfants soient élevés dans un environnement sain, Zingatia Maisha enseigne aussi aux familles d’accueil comment s’occuper des enfants séropositifs : bien observer le traitement, mais aussi quand et comment révéler aux enfants leur statut VIH .
* Nom d’emprunt