Lusaka - Nerbert Mulenga - IPS - 12 Juillet 2010 - Diana Banda [1] est vite à court d’arguments pour expliquer à son fils de six ans pourquoi il doit prendre une liste de médicaments tous les jours.
Son fils David* est séropositif et est sous traitement anti-rétroviral (TAR) depuis deux ans. Mais il ne saura pas de si tôt la vérité sur son statut sérologique puisque sa mère pense à un argument après un autre pour lui expliquer pourquoi il doit scrupuleusement prendre les médicaments.
"Il me demande presque tous les jours pourquoi il doit prendre ces mêmes médicaments tout le temps. Au début, je lui ai dit qu’il avait des maux de tête persistants, mais lorsque j’ai été absente pendant une semaine, il n’a pas pris (les médicaments) pendant deux jours puis a protesté qu’il n’avait pas eu de maux de tête", a déclaré Banda,
une ménagère à Lusaka, la capitale zambienne.
"Alors, en tant que famille, nous sommes maintenant obligés de le convaincre que selon le médecin, sa tête commencera à s’élargir si jamais il arrête de prendre le médicament ; mais il semble mettre en cause tout ce que nous disons et faisons", a-t-elle affirmé.
Banda n’est nullement pas le seul parent à empêcher son enfant de connaître son statut sérologique. Il y a des milliers d’autres parents et tuteurs en Zambie qui ont trop peur de révéler le statut sérologique de leurs enfants à ces derniers - pour des raisons allant de l’incertitude de la réaction de l’enfant à la crainte de la stigmatisation, et même de la peur d’être jugés comme étant de mœurs légères par leurs enfants.
Mais, les experts en santé estiment que les familles et les communautés, qui empêchent les enfants qu’elles surveillent de connaître leur statut sérologique, sont en train de saper les efforts du pays de promouvoir l’intérêt et l’adhésion au traitement anti-rétroviral (ARV ) chez les enfants.
"L’intérêt pour le traitement anti-rétroviral chez les enfants est encore très faible par rapport aux adultes, et ceci est dû surtout au fait que certains parents ne sont pas très enthousiastes à amener leurs enfants pour le dépistage. (Mais) même ceux qui font le test et sont mis sous traitement, dans la plupart des cas, ne cherchent pas la coopération de l’enfant dans le processus de traitement, ce qui affecte l’adhésion",
a expliqué Dr Mutinta Nalubamba, un coordinateur du TAR pédiatrique au ministère de la Santé.
Il a dit qu’à la fin de 2009, un peu plus de 30.000 enfants ont fait le test du VIH , quand bien même plus de 70.000 avaient besoin de faire le test, étant donné le nombre de mères séropositives qui ont accouché.
"Nous demandons à toutes les familles ayant des enfants séropositifs d’être plus ouvertes sur le problème, parce que cacher la vérité met la vie d’un enfant à un risque plus élevé", a déclaré Nalubamba.
Environ 40.000 enfants sont nés séropositifs chaque année en Zambie, mais seulement 21.000 sont actuellement sous traitement ARV .
"Plus de 90 pour cent des enfants séropositifs contractent le virus par la transmission de la mère à l’enfant et ce qui est malheureux, c’est que plus de 50 pour cent meurent avant l’âge de deux ans à cause de l’absence de traitement ou de non-adhésion", a confié Nalubamba à IPS.
Mais, ce n’est pas une chose aussi facile à faire. Banda affirme qu’elle ne peut pas supporter l’idée que son fils découvre qu’il est séropositif.
"Cela me fera tellement mal en tant qu’adulte parce qu’il y a des jours où j’ai l’impression que je mourrai à chaque instant - mais qu’en est-il d’un enfant ?", demande Banda, dont le mari est mort d’une maladie liée au SIDA en 2007.
Matildah Mwamba, une accoucheuse traditionnelle et conseillère en mariage, dit que la plupart des familles zambiennes refusent de parler à leurs enfants du statut sérologique de ces derniers à cause des normes culturelles qui encouragent les aînés à filtrer les informations transmises aux enfants.
"Le plus gros problème est que le VIH /SIDA est encore stigmatisé comme étant la pandémie mortelle ou incurable, ce qui est comme une condamnation à mort. Avant d’annoncer la nouvelle à un enfant,
nous devons tous nous demander comment l’enfant la prendrait...
et c’est pourquoi les gens préfèrent dire des mensonges à l’enfant ou privent l’enfant de tout accès possible aux informations sur la maladie", a indiqué Mwamba.
Banda a tellement peur que son fils puisse découvrir accidentellement que ses médicaments sont des ARV qu’elle ne lui permet pas de regarder la télévision seul ou même d’assister à des rencontres publiques où les gens peuvent être en train de parler du VIH .
"(C’est) justement au cas où il tomberait sur un programme qui pourrait l’amener à soupçonner que les médicaments (qu’il prend) pourraient être des médicaments pour le traitement du SIDA . Nous changeons toujours de chaîne chaque fois que nous voyons une annonce publicitaire sur le VIH ou n’importe quel programme sur le VIH /SIDA ",
a expliqué Banda.
Le ministère de la Santé élabore actuellement des lignes directrices sur les conseils en pédiatrie. Et un nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) ont lancé des programmes d’intervention visant à sensibiliser sur le VIH /SIDA et à lutter contre l’approche de non-divulgation adoptée par plusieurs familles qui ont des enfants séropositifs à charge.
Félix Mwanza, un porte-parole de l’ONG ’Treatment and Advocacy Literacy Campaign’ (Campagne d’alphabétisation sur le traitement et le plaidoyer), déclare à IPS : "Nous voulons que les enfants développent un vif intérêt à connaître leur sérologie, afin qu’ils puissent entretenir des relations avec leurs pairs, afin qu’ils puissent s’ouvrir sur les questions du VIH et du SIDA . C’est juste qu’ils (les enfants) connaissent la vérité afin qu’ils puissent même aider les parents à se rappeler l’aspect des médicaments".