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Où trouver un million d’infirmiers ou infirmières ?


Kristin Palitza, IPS, Le Cap, 23 juillet - Si les pays en développement veulent réussir dans l’amélioration de leurs systèmes de santé, ils ont instamment besoin de les décentraliser et de transférer les tâches des médecins aux infirmiers ou infirmières et aux agents de santé communautaires.

Cette affirmation a été faite par des experts à la cinquième Conférence de la société internationale de lutte contre le SIDA   (IAS) sur la pathogenèse, le traitement et la prévention du VIH   au Cap, en Afrique du Sud.

Le professeur Alan Whiteside, directeur de la Division de l’économie de santé et de la recherche sur le VIH  /SIDA   (HEARD) de l’Université de KwaZulu-Natal, a admis : "Nous avons probablement autant d’argent que nous allons en obtenir, alors, nous devons dépenser plus judicieusement".

Il croit que tenir pour responsables les organisations internationales ainsi que les gouvernements nationaux de leurs dépenses sur la santé est "absolument critique" afin de surveiller les zones dans lesquelles l’argent a été dépensé et s’assurer d’une mise en œuvre efficace. Whiteside a insisté sur le fait que "l’argent du VIH   a doit être utilisé pour construire des systèmes de santé", pas simplement sur le traitement.

"Il existe de graves insuffisances dans nos systèmes de santé et sans avoir corrigé ces faiblesses, nous ne pouvons pas avancer", a averti Jacqueline Bataringaya, la conseillère principale en politique de l’IAS. "Toutefois, nous avons besoin d’un million de médecins, d’infirmiers ou infirmières, et de sages-femmes supplémentaires en Afrique".

Elle a proposé qu’en raison du financement limité dû à la crise financière mondiale, les pays en développement avaient besoin d’identifier les priorités de politique pour avancer. "Nous avons besoin de voir ce que nous pouvons faire avec l’argent que nous avons obtenu", a souligné Bataringaya.

L’augmentation du nombre d’agents de santé est essentiel pour améliorer les systèmes de santé, a indiqué Whiteside. Le manque de compétences et de ressources humaines a été déploré en Afrique pendant plusieurs années, notamment parce que le personnel de santé qualifié est en train de partir en grands nombres vers les pays développés pour une meilleure rémunération. Mais peu de choses ont été faites pour améliorer la situation.

"Malheureusement, l’Afrique du Sud est toujours en train de faire des affaires comme d’habitude, en dépit des chiffres", a indiqué Whiteside.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ), 37 pour cent des médecins formés en Afrique du Sud travaillent dans le monde développé. Les infirmiers ou infirmières formés en Afrique du Sud constituent presque un dixième de la main-d’œuvre en Australie, au Canada, en Finlande, en France, en Allemagne, au Portugal, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Whiteside a suggéré la levée d’une taxe pour les gouvernements ou entreprises dans les pays développés, qui emploient des agents de santé venus des pays en développement pour compenser la perte de compétences se produisant dans ces pays.

S’opposant au point de vue de Whiteside, Michel Kazatchkine, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le SIDA  , la tuberculose (TB) et le paludisme, a défendu la façon dont l’aide financière a été dépensée, affirmant que d’importants budgets ont été rendus disponibles pour augmenter les nombres d’agents de santé, notamment dans les pays en développement.

"Un quart de toutes les ressources du Fonds mondial va en appui au personnel de santé, par exemple vers la formation, le transfert de tâches, etc. Nous avons investi quatre milliards de dollars au cours des six dernières années", a-t-il affirmé.

Kazatchkine a toutefois reconnu que le fossé entre la norme du traitement et de la prise en charge du VIH  , entre les pays en développement et les pays développés, s’agrandit toujours : "C’est une grande préoccupation. Nous sommes confrontés à des dilemmes impossibles avec des normes de prise en charge pas assez élevées et l’insuffisance de salles pour l’inscription des patients".

Il était optimiste qu’on pouvait trouver plus d’argent pour le VIH  . Kazatchkine a plaidé pour l’identification de nouvelles sources de financement, telles que le projet ’Debt2Health’ (Dette à la santé) récemment lancé par le Fonds mondial, qui efface une partie de la dette d’un pays en développement, à condition que la moitié de cet argent soit réinvesti dans le système de santé de ce pays.

"Cela constitue une façon novatrice visant à transformer une dette en argent proactif", a déclaré Kazatchkine. En mai, l’Australie était le premier pays à annuler environ 60 millions de dollars de la dette commerciale indonésienne comme faisant partie du projet. Au lieu de rembourser sa dette à l’Australie, l’Indonésie investira la moitié du total dans son système de santé national, avec un accent particulier sur le renforcement des programmes de lutte contre la tuberculose.

Une autre manière d’amener les systèmes de santé à réaliser davantage avec des ressources financières limitées est le transfert de tâches, ont convenu les experts de la santé, ce qui veut dire que les infirmiers ou infirmières et les agents de santé non-initiés se chargent des tâches traditionnellement exécutées par des médecins, telles que les conseils, la gestion du traitement et la prise en charge du VIH  . Cela libère le temps "coûteux" des médecins pour qu’ils se concentrent sur des problèmes médicaux plus graves, tout en s’assurant que des nombres plus grands de patients sont traités tous les jours.

"Le transfert de tâches et l’implication des communautés sont essentiels pour combler le vide en matière des compétences et du personnel", a expliqué Whiteside, indiquant l’exemple du Malawi, où des agents de santé communautaires bien formés assument avec succès des responsabilités d’infirmiers dans les foyers et les centres de santé afin de réduire la quantité de travail des infirmiers ou infirmières et des médecins.

"Ils sont essentiels parce qu’ils atteignent directement les foyers et les communautés", a ajouté Wafaa El-Sadr, directeur du Centre international pour les programmes de prise en charge et du traitement du SIDA   (ICAP). "Le défi ici est comment institutionnaliser et rémunérer ces nouveaux agents et comment faire d’eux une partie intégrale du système de santé".

Cela a été fait avec succès au Lesotho, où l’hôpital Scott a commencé un programme d’anti-rétroviraux (ARV  ) et de prise en charge du VIH  , initié et géré par des infirmiers ou infirmières pour les adultes et les enfants du district de santé. L’hôpital Scott, qui est situé sur les plaines dans l’ouest du Lesotho, dispose de 14 centres de santé associés, qui desservent plus de 900 villages.

Alors qu’un médecin avait l’habitude de desservir tout le district de santé – le Lesotho souffre d’un manque grave d’agents de santé avec une moyenne de cinq médecins et 63 infirmiers ou infirmières pour 100.000 patients – maintenant, environ cent infirmiers ou infirmières et agents de santé non-initiés s’occupent des patients.

"C’était une tâche colossale. Nous avons une infection à VIH   élevée à cause de 23,2 pour cent de prévalence du VIH   associée aux ressources humaines limitées. Nous devrions être novateurs et décentraliser la prise en charge du VIH  ", a expliqué Dr Lipontso Makakole, le directeur de l’hôpital Scott.

L’équipe de l’hôpital Scott a développé des conseils assimilables aux infirmiers ou infirmières sur la prise en charge du VIH   et a mis en application le transfert de tâches : pendant que les infirmiers ou infirmières bénéficiaient des compétences de gestion clinique pour reprendre les tâches des médecins, les conseillers non-initiés étaient formés pour donner des conseils, la préparation de la formation pour l’adhésion et le traitement par les ARV   en vue de libérer les infirmiers ou infirmières. Ils ont également formé une nouvelle équipe de conseillers spécialisés en VIH  /TB.

"Par conséquent, nous avons initié 37 pour cent de malades supplémentaires aux ARV   en 2008", a indiqué Makakole. "Quelque 80 pour cent des adultes et 89 pour cent des enfants sont restés dans la prise en charge du VIH  . Ce sont des rendements très favorables qui montrent que la prise en charge du VIH   dirigée par des infirmiers ou infirmières marche".


Publié sur OSI Bouaké le mardi 28 juillet 2009

 

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