Dans une lettre ouverte à Daniel Vasella, président et CEO de Novartis, rendue publique aujourd’hui, 22 organisations et personnalités de la santé demandent à Novartis de retirer ses actions en justice contre la loi indienne sur les brevets et contre la décision rejetant sa demande de brevet sur un anticancéreux vital (Glivec®/Gleevec® - Imatinib Mesylate). Parmi les soutiens de la lettre de la Déclaration de Berne, on compte la Ligue suisse contre le cancer, l’Aide suisse contre le sida , Médecins Sans Frontières Suisse, Mme Ruth Dreifuss, l’association des Ligues européennes contre le cancer.
Suite au rejet de sa demande de brevet sur un anticancéreux vital (imatinib mesylate - Glivec®/Gleevec®) [1] par le Bureau indien des brevets, Novartis a intenté des actions en justice qui contestent non seulement le rejet de sa demande mais aussi la section 3(d) de la loi indienne sur les brevets sur laquelle se base la décision (exclusion de la brevetabilité de nouvelles formes ou de nouveaux usages de substances connues). Novartis prétend que cette section 3(d) n’est pas conforme à l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC - anglais TRIPS) de l’OMC. Pourtant cette disposition est reconnue comme une des flexibilités dont disposent les Etats pour adapter l’Accord sur les ADPIC à leurs besoins de santé publique. La première audience a eu lieu en septembre.
Les ONG et personnalités sont extrêmement inquiètes des larges conséquences possibles de l’action de Novartis sur l’accès aux versions génériques de médicaments essentiels et vitaux (contre le sida ou le cancer par exemple) non seulement en Inde, mais dans les autres pays en développement. L’Inde est aujourd’hui le principal fournisseur de génériques contre le VIH /sida dans les pays en développement. Les ONG et personnalités sont « choquées que, cinq ans après la fin du procès que Novartis avait intenté avec d’autres laboratoires pharmaceutiques contre le gouvernement sud-africain, elle souhaite à nouveau restreindre la flexibilité dont dispose un pays en développement pour adapter l’Accord sur les ADPIC de l’OMC à ses besoins en matière de santé publique. » Elles demandent à Novartis de retirer ses actions en justice contre la loi indienne sur les brevets et contre la décision du bureau des brevets sur le Glivec®/Gleevec®.
Plus d’informations :
Julien Reinhard,
Déclaration de Berne : 021 620 03 06
La lettre ouverte est disponible sur :
www.evb.ch/fr/p25011412.html
Pour l’historique du cas :
www.evb.ch/fr/p25011390.html
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Lettre ouverte à Novartis
(10.10.06)
Novartis attaque la loi indienne sur les brevets
Cher Monsieur Vasella,
Alertés par plusieurs organisations indiennes de patients, de santé et de défense de l’intérêt général, nous vous écrivons pour vous faire part de notre préoccupation concernant les actions en justice intentées par Novartis en mai 2006 pour contester le rejet de sa demande de brevet indien sur l’imatinib mesylate (Glivec®/Gleevec®) et la conformité de la loi indienne sur les brevets par rapport à l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle qui touche au Commerce (ADPIC) de l’Organisation Mondiale du Commerce. Nous nous associons à la demande des organisations indiennes pour demander que Novartis retire ses actions.
Nous sommes extrêmement inquiets des conséquences de l’action que Novartis a intentée afin d’invalider en particulier la section 3(d) de la loi indienne en contestant sa conformité avec l’Accord sur les ADPIC.
La section 3(d), qui prévoit l’exclusion de la brevetabilité pour de nouvelles formes ou de nouveaux usages de substances connues, constitue une des flexibilités reconnues de l’Accord sur les ADPIC que les Etats sont souverainement libres d’adopter dans leur législation. Cette flexibilité a été soulignée en plusieurs occasions, notamment par la Commission britannique sur les droits de propriété intellectuelle dans son rapport de 2002 [2] et par la Commission sur les Droits de la Propriété intellectuelle, l’Innovation et la Santé publique de l’Organisation mondiale de la Santé dans son rapport de 2006 [3] .
Une telle remise en question est contraire à l’esprit et à la lettre de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique.
Celle-ci reconnaît que l’Accord sur les ADPIC « devrait être interprété et mis en ouvre d’une manière qui appuie le droit des Membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments » [4] Par son action, Novartis veut limiter la capacité du gouvernement indien à prendre des mesures pour protéger la santé publique de sa population et à adapter au mieux son système de brevets à sa situation socio-économique.
Nous sommes inquiets des conséquences des changements dans la loi indienne recherchés par Novartis sur l’accès aux médicaments génériques essentiels et vitaux (en particulier les médicaments contre le VIH /SIDA ) non seulement en Inde, mais dans tous les pays en développement qui importent des médicaments indiens.
Novartis vend un médicament vital comme le Glivec®/Gleevec® à des prix prohibitifs en Inde (Rs. 1.44 million par patient par année soit environ 25’000 dollars US) et dans les autres pays en développement. Ce prix va bien au-delà des capacités financières de la majorité de la population des pays en développement. D’ailleurs, Novartis reconnaît que seul un nombre très restreint de patients en Inde paie le Glivec®/Gleevec®.
L’accès aux soins et aux médicaments des patients dans les pays en développement dépend de différents facteurs et nécessite des réponses de plusieurs ordres. Pourtant il est de notre tâche à chacun de lever les obstacles qui sont en notre pouvoir.
Aussi nous sommes choqués que, cinq ans après la fin du procès que Novartis avait intenté avec d’autres laboratoires pharmaceutiques contre le gouvernement sud-africain, elle souhaite à nouveau restreindre la flexibilité dont dispose un pays en développement pour adapter l’Accord sur les ADPIC de l’OMC à ses besoins en matière de santé publique.
C’est pourquoi les organisations soussignées demandent que Novartis retire ses actions en justice en Inde contre la loi sur les brevets et contre la décision du bureau des brevets sur le Glivec®/Gleevec®.
Dans l’attente d’une réponse, je vous prie de recevoir, Monsieur Vasella, nos respectueuses salutations.
Julien Reinhard
Directeur de campagne
Déclaration de Berne
Les organisations et les personnalités suivantes soutiennent la lettre
Organisations
Aide Suisse contre le Sida , M. Franz Walter, Directeur Aide Sida Berne, M. Kurt Pärli, Président & Mme Béatrice Aebersold Krähenbühl, Directrice Aids-Hilfe beider Basel, M. Stefan Moser, Directeur Association des Ligues européennes contre le cancer, M. Bruno Meili, Président Bethleem Mission Immensee, M. Stefan Siebenhaar, Directeur de campagne CO-OPERAID, Dr. Rao Satapati, Directeur Déclaration de Berne, M. Julien Reinhard, Directeur de campagne Groupe sida Genève, M. David Perrot, Directeur Ligue suisse contre le cancer, Prof. Dr med. Thomas Cerny, Président Médecins Sans Frontières - Suisse, M. Christian Captier, Directeur général medicuba, Dr. med. Christian Jordi, Président MIVA Schweiz, M. Marco Medici, Directeur Pharmaciens Sans Frontières - Suisse, Mme M.-J. Barbalat, Présidente SID’Action (Lausanne), Mme Patricia Grigolin, Directrice SolidarMed Suisse, Dr. med. Pepo Frick, Vice-président Swiss Aids Care International, Mme Susann Mäusli, Directrice terre des hommes schweiz, M. Michael Herzka, Directeur terre des hommes suisse, M. Jean-Luc Pittet, Secrétaire général
A titre personnel
- Mme Ruth Dreifuss, Présidente de la Commission sur les droits de propriété intellectuelle, l’innovation et la santé publique, mandatée par l’Organisation Mondiale de la Santé
- Dr Claudia Kessler Bodiang, Membre d’aidsfocus.ch
- M. Thomas Schwarz, Co-Directeur de Medicus Mundi Suisse
- Mme Helena Zweifel, Coordinatrice de aidsfocus.ch