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Corne de l’Afrique : le casse-tête des humanitaires


LeMonde.fr | 06.08.11 | Hugo Domenach

La Corne de l’Afrique est frappée par une sécheresse qui touche plus de 12 millions de personnes. L’aide humanitaire, suspendue à la situation politique des pays et à la mobilisation internationale peine à atteindre les zones les plus sévèrement frappées.

Une crise humanitaire de grande ampleur

"La plus sévère crise humanitaire dans le monde aujourd’hui." C’est ainsi que l’ONU   a qualifié, mercredi, le drame qui se déroule actuellement dans la Corne de l’Afrique. Cette péninsule, qui s’étend depuis la côte sud de la mer Rouge jusqu’à la côte ouest de la mer d’Oman, est frappée par une sécheresse de grande ampleur qui, en affectant la production locale, touche près de 12 millions de personnes. L’ONU   a fait état jeudi d’une propagation de la famine à trois nouvelles zones de Somalie, dont Mogadiscio, la capitale. Cette crise alimentaire peut potentiellement dépasser par son ampleur celle qu’avait connue l’Ethiopie en 1984. A l’époque, un million de personnes étaient mortes, malgré un important élan de solidarité. "La situation risque de durer des semaines, voire des mois", a prévenu jeudi le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé. Selon l’ONU  , la famine devrait persister au moins jusqu’en décembre 2011.

Le sud de la Somalie, épicentre inaccessible de la crise

L’épicentre de la crise se trouve au sud de la Somalie."Plus de 29 000 enfants de moins de 5 ans sont morts dans les quatre-vingt-dix derniers jours dans le sud du pays", a expliqué mercredi Nancy Lindborg, une responsable de l’agence américaine d’aide au développement, USAid, au cours d’une audition au Congrès, à Washington. Au moins 2,8 millions de personnes, dont 1,25 million d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence pour le seul Sud somalien, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU   (OCHA).

Mais les organisations humanitaires n’ont accès qu’à 20 % d’entre elles. Le sud du pays est contrôlé par les milices chababs. Ces insurgés islamistes y ont interdit, depuis 2009, l’accès aux agences humanitaires de l’ONU   et à de nombreuses ONG internationales, comme ce fut le cas pour Acted (Agence d’aide à la coopération technique et au développement), revenue depuis travailler dans ces territoires : "Il faut être discret, ne pas être trop revendicatif et travailler avec des organisations locales", explique Sébastien Lambroschini, directeur de l’organisation pour la Corne de l’Afrique.

Guilhem Soutou, chef de mission pour le secours islamique, "réfléchit à une stratégie d’implantation dans le Sud". Mais pour l’instant, il considère que ces zones sont inaccessibles.

Les difficultés d’intervention au Kenya

Au Kenya, les territoires classés en "état d’urgence" par l’ONU   focalisent moins l’attention de la communauté internationale que la Somalie, déclarée en situation de famine, cinquième et plus haute classification sur l’échelle des crises alimentaires de la Food and Agriculture Organization (FAO). Pourtant, dans ce pays, les ONG alertent sur la gravité de la situation. "Il y a eu un doublement des admissions dans les centres nutritionnels d’Action contre la faim [ACF] au Kenya", souligne Christina Lionnet, porte-parole de la mission d’urgence de l’ONG sur la famine en Afrique pour ACF.

"Nous pouvons opérer dans ces zones et faire parvenir une aide alimentaire car il est possible d’acheter de la nourriture. Les marchés fonctionnent", explique Sébastien Lambroschini. "Par contre, c’est plus compliqué d’intervenir dans d’autres endroits comme les régions pastorales du nord-est du Kenya. Il n’y a pas d’eau, donc les gens ne peuvent pas cuisiner la nourriture que nous leur fournissons."

Des problèmes de sécurité dans la Corne de l’Afrique

Minées par des guerres civiles, certaines zones sont difficiles d’accès car la sécurité ne peut être garantie. Selon les ONG sur place, le banditisme empire en période de sécheresse et il faut des moyens logistiques coûteux et importants pour permettre aux organisations d’intervenir. ACF est présente dans la région depuis près de vingt ans. Pour éviter les risques en Somalie, l’organisation a mis en place une logistique adaptée. "Nous utilisons la méthode du ’remote control’. Une partie des effectifs se situe à l’étranger pour diriger les opérations, l’autre, des locaux qui connaissent mieux le terrain, sont envoyés sur place", explique Christina Lionnet.

Une mobilisation internationale insuffisante et tardive

Pour le moment, la communauté internationale tarde à réagir : l’OCHA estime qu’il faudrait réunir encore 1,4 milliard de dollars de fonds "pour apporter une assistance humanitaire à plus de 12 millions de personnes" réparties dans quatre pays de la Corne de l’Afrique.

Pour renforcer le ravitaillement des populations, le programme alimentaire mondial (PAM), agence spécialisée de l’ONU  , a mis en place un pont aérien, mercredi. Une aide d’urgence nécessaire mais loin d’être suffisante, selon Sébastien Lambroschini : "On ne parle pas de quantités de nourriture astronomiques. Il s’agit d’une pâte à base de cacahuète pour remédier à la malnutrition. Mais ça n’a pas d’effet sur la sécurité alimentaire."

Jeudi, l’Union africaine a annoncé le report au 25 août d’une conférence, initialement prévue le 9 août, destinée à lever des fonds d’urgence. Ses représentants se sont abstenus d’apporter des justifications. Un premier rendez-vous avait eu lieu la semaine dernière à Rome mais les ONG ont critiqué les donateurs pour la faiblesse de leur engagement.

Outre la faible ampleur de l’aide alimentaire, l’intervention de la communauté internationale est tardive. Sébastien Lambroschini : "La réponse n’a pas eu lieu au bon moment. On savait depuis janvier qu’il y allait avoir une grande sécheresse. Maintenant, c’est beaucoup plus compliqué et plus cher d’intervenir."

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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 7 août 2011

 

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