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Circoncision masculine, quel avantage pour les femmes ?

Les femmes s’interrogent sur les avantages ou inconvénients que pourrait avoir pour elles une campagne massive de circoncision masculine


27 juillet 2007 - La voix des femmes dans le débat portant sur la circoncision masculine en tant que moyen de prévention contre le VIH   a largement été passée sous silence, mais des discussions informelles avec elles révèlent un certain nombre de leurs préoccupations, préférences et opinions que les chercheurs et les gouvernements devraient prendre en compte avant d’élaborer des plans pour la continuation du programme national de circoncision.

Les épouses, les amies et les mères sont partagées sur les implications d’une campagne pour une circoncision massive masculine des hommes, d’après un sondage -sans valeur scientifique- réalisé par IRIN/PlusNews auprès de nombreuses femmes.

« Ceci va être un avantage pour les femmes mariées qui sont trompées par leur mari », a estimé Carol Masombuka, 19 ans, une femme Sesotho de la province du Mpumalanga en Afrique du Sud, insistant sur le fait que même si la circoncision ne procurait qu’une protection partielle, ceci aiderait les femmes qui n’ont pas le pouvoir d’exiger le port du préservatif.

D’autres femmes ont dit se méfier d’une initiative qui pourrait donner aux hommes une nouvelle excuse pour ne pas utiliser de préservatifs.

« La plupart des femmes deviennent timides lorsque l’on arrive aux choses qui concernent le sexe - c’est toujours l’homme qui sait mieux, c’est donc lui qui décidera quand nous ferons l’amour et s’il utilisera un préservatif ou non ; ce qu’il dira sera suivi, alors il pourra dominer encore plus de femmes », a dit Kgaulelo Khotu, 20 ans, une étudiante de la province sud-africaine du Limpopo.

Pour Mme Masombuka, « les femmes devraient être informées afin qu’elles ne se fassent pas tromper par les hommes, car certaines filles peuvent se voir dire qu’elles ne risquent pas d’être contaminées parce que l’homme est circoncis ».

Gloria Mphekgwana, 44 ans, réceptionniste et mère célibataire de deux enfants, qui vit dans une banlieue de Johannesbourg et qui a vu nombre de personnes de son entourage familial succomber au VIH  /SIDA   et aux infections qui y sont liées, s’est prononcée en faveur de la circoncision des hommes.

« Les femmes devraient se battre pour cela », a-t-elle dit. « Elles peuvent refuser une relation sexuelle tant que leur homme n’est pas circoncis ».

Des preuves, ou un manque de preuve ?

Des études ont même montré un niveau d’acceptabilité en faveur de la circoncision masculine encore plus élevé chez les femmes que chez les hommes, en dépit du fait que l’on ne sache pas dans quelle mesure une campagne de grande envergure sur la circoncision masculine toucherait les femmes.

Trois tests cliniques ont démontré que la circoncision réduisait de 60 pour cent les risques pour un homme d’être infecté par le VIH  , dans le cadre de relations hétérosexuelles. Le nombre d’infections par le VIH   évitées grâce à une campagne massive de circoncision masculine pourrait éventuellement se traduire par une diminution du taux d’infection chez les femmes.

Il existe aussi des preuves selon lesquelles les hommes circoncis sont moins enclins à héberger le virus du papillome humain (HPV) qui cause le cancer du col de l’utérus, une des principales causes de mortalité chez les femmes en Afrique subsaharienne.

Cependant, des directives issues de l’Organisation mondiale de la santé et du Programme commun des Nations Unies sur le sida  , publiées en mars 2007, soulignent qu’il n’y a pas de preuves que la circoncision masculine réduise la transmission du VIH   de l’homme à la femme.

Des résultats préliminaires d’une étude en cours en Ouganda suggèrent que les hommes infectés par le VIH   qui reprennent une activité sexuelle avant que leur cicatrice de circoncision ne soit guérie ont largement plus de chance de contaminer leur partenaire féminine.

Les résultats sont encore trop restreints pour être concluants, mais ils ont au moins attiré l’attention sur la nécessité d’informer les deux sexes sur les risques potentiels et conséquences de cette pratique.

Le risque le plus important est que les hommes circoncis pourraient mal interpréter ou surestimer leur degré de protection face à l’infection du VIH   et ainsi arrêter d’utiliser des préservatifs ; or, personne ne peut évaluer ce risque ou dans quelle mesure il pourrait être compensé par des campagnes d’éducation ou des consultations individuelles.

Une plus grande « masculinité » ?

L’expérience qu’ont les femmes africaines de la circoncision masculine est le passage rituel de leurs fils, frères et amis masculins faisant partie d’un certain groupe ethnique.

’’Ce serait une erreur de considérer la circoncision uniquement comme une intervention médicale ; c’est une intervention sociale.’’ Non seulement les femmes ne sont pas autorisées à assister à de tels rituels, mais qui plus est, les hommes « ne sont pas censés en parler avec elles - ils leurs disent qu’elles peuvent devenir folles s’ils en parlent », a indiqué Mme Masombuka.

Plusieurs femmes qui ont parlé à IRIN/PlusNews ont dit avoir observé un changement positif chez les hommes qui ont fréquenté les « écoles » traditionnelles de circoncision.

« La plupart des hommes qui ont intégré cette école savent respecter les femmes et les aînées ; les personnes qui ne viennent pas de l’école de circoncision sont très grossières et utilisent la force », a dit Mme Mphekgwana, qui vient de la province du Limpopo où la circoncision traditionnelle est une pratique courante.

Selon Mme Masombuka, « ils leur apprennent à être fidèle à une fille, à se marier avec elle et à ne pas ‘aller voir ailleurs’ ».

Rachel Jewkes, qui dirige l’unité de genre et de santé du Conseil de recherche d’Afrique du Sud, a estimé que les efforts afin d’introduire la circoncision masculine en tant que moyen de prévention du HIV devraient emprunter à l’approche traditionnelle la perspective selon laquelle cette procédure fait partie « d’un processus de changement ».

« Ce serait une erreur de considérer la circoncision uniquement comme une intervention médicale ; c’est une intervention sociale », a indiqué Mme Jewkes. « Je pense que la culture est très flexible et dans la mesure où la circoncision a été associée à la virilité, je pense que cela lui donne un énorme potentiel d’être assimilée à une meilleure maturité masculine ».

Par « maturité masculine », Mme Jewkes entend que les hommes soient plus responsables sexuellement et désireux de voir les femmes comme leurs égales. Elle considère les programmes de circoncision masculine comme une opportunité pour les hommes d’engager des discussions, tant sur des relations sexuelles plus sûres que sur le sujet d’une égalité plus grande entre les genres.

« La seule critique que nous pourrions émettre serait que l’engagement des hommes concernant la prévention du VIH   ne doit pas s’arrêter au seul coup de scalpel, mais que les programmes de circoncision devraient accompagner une transformation de l’approche entre genres jusqu’à la prévention du VIH   », a-t-elle indiqué.

Quel rôle pour les femmes ?

Alors que les experts en santé publique ont affiché leur intention d’impliquer les femmes dans leurs efforts pour étendre les programmes nationaux de circoncision masculine, la forme que devrait prendre cet engagement reste imprécise.

Le docteur Yassa Piere, un virologue qui soigne les personnes infectées par le VIH   à l’hôpital universitaire de Lusaka, la capitale zambienne, a estimé que les femmes pourraient jouer un plus grand rôle dans la motivation de leur mari à se faire circoncire.

Il a évoqué le fait que les hommes circoncis puissent ressentir moins de sensation pendant les rapports sexuels, un effet secondaire que les femmes pourraient considérer comme un avantage. Les dernières recherches contredisent cette affirmation, mais selon M. Piere, « certaines femmes préfèrent les hommes circoncis car ils durent plus longtemps ».

Les femmes qui ont parlé à IRIN/PlusNews ont plus largement indiqué que c’était l’hygiène qui leur faisait préférer les hommes circoncis.

« Je préfère un homme qui est circoncis. Je crois que c’est plus sûr et plus propre », a dit Kgaugelo Khuto, l’étudiante de Limpopo. « Mais je n’oserais pas lui demander de le faire ».

Les mères ont également marqué leur nette préférence pour la circoncision médicalisée. Gloria Mphekgwana subit la pression de son mari qui veut envoyer leur fils dans une école traditionnelle de circoncision. Mais elle a lu des reportages sur des interventions bâclées et même des cas mortels, et refuse d’y envoyer son fils.

« Plus personne ne veut envoyer son fils là-bas maintenant, parce qu’ils n’utilisent pas d’ustensiles propres, ils n’utilisent qu’une seule et unique lame. Je veux l’emmener se faire circoncire à l’hôpital », a-t-elle dit.

A la clinique de circoncision masculine de l’hôpital universitaire de Lusaka, dans lequel ont lieu chaque mois à peu près 80 interventions, presque la moitié des patients circoncis sont des jeunes garçons amenés par leurs mères.

« Les études montrent une grande acceptation de la part des femmes pour ces interventions », a dit le docteur Kasonde Bowa, le directeur de la clinique. « Je pense qu’elles sont très enthousiastes à propos de tout ce qui est sain pour leurs fils et leurs maris ».


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 28 juillet 2007

 

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