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Afrique du sud : les enfants se font entendre


Un groupe d’écoliers de la province sud-africaine du KwaZulu-Natal contribue à briser le silence qui entoure le VIH  /SIDA   en enregistrant leur ‘autobiographie’, qui est ensuite diffusée par une radio locale.

Ce projet est une initiative du Children’s Institute de l’université de la ville du Cap, d’une ONG locale Zisize Educational Trust et de l’école primaire Okhayeni d’Ingwavuma.

Pour sensibiliser le public à la manière dont les plus jeunes sont affectés par la maladie, les enfants s’entretiennent avec des adultes sur le VIH  /SIDA   et leur posent des questions sur la manière dont le sida   a touché leur famille, sur l’origine du virus et la manière dont ils peuvent se protéger.

La province du KwaZulu-Natal affiche un taux de prévalence du VIH   de 35 pour cent, soit l’un des taux les plus élevés du pays. Pourtant, le VIH  /SIDA   reste un sujet tabou, notamment avec les plus jeunes.

En confrontant les adultes à des microphones et à des questions relatives au virus, les initiateurs du projet espèrent voir les mentalités changer.

Selon Helen Meintjes, chercheur auprès du Children’s Institute, les études sur les enfants et le sida   ont souvent tendance à présenter les enfants comme des victimes.

Les enfants qui ont participé au projet ont commencé par faire le point sur ce qui était important à leurs yeux.

« Lorsqu’on leur demandait ce qui les rendait tristes ou bien quand ils parlaient des gens qu’ils avaient perdus et des enterrements auxquels ils avaient assisté, le VIH   revenait de façon indirecte », a expliqué Bridget Walters, qui travaille pour l’ONG Zisize Educational Trust.

Au mois d’avril dernier, un groupe de dix écoliers âgés entre neuf et 13 ans a participé à des ateliers qui lui ont permis de se familiariser avec les principes de la radio. Ils ont appris à enregistrer des entretiens, à les combiner avec des histoires de famille et avec des descriptions hautes en couleurs de leur quotidien.

Tout ce travail permet la production d’autobiographies radiodiffusées en langue zulu et en anglais, qui donnent un aperçu de la vie des enfants dans les communautés rurales pauvres : elle se résume le plus souvent à aller chercher de l’eau et du bois, à jouer au football et à regarder passer les voitures.

Prettygirl, une jeune fille âgée de 11 ans, a consacré les six minutes de son enregistrement à sa mère. Elle a parlé de sa séropositivité et de la promesse qu’elle lui a faite de s’occuper de sa sœur cadette. « Jouer le rôle de mère, ce n’est pas bien, car il y a des choses que l’on ne peut pas faire comme une vraie mère », a-t-elle confié.

La plupart des enfants mentionnent le décès de leurs parents ou des membres de leur famille sans en connaître la cause.

Par exemple, Lindo, un garçon de 11 ans, qui a perdu sa mère un an avant la mise en place du projet, a questionné sa grand-mère qui lui a donné pour seule réponse : « Elle était malade, elle toussait, elle avait mal à la poitrine, elle avait de la diarrhée et vomissait, puis elle est morte. »

Un micro à la main, les questions sont plus faciles à poser

« J’avais peur de demander à mon père de quoi maman souffrait, et de quoi elle était morte », a témoigné Lindo dans son enregistrement.

Plusieurs enfants ont exprimé leur frustration face au refus des adultes de parler du VIH  /SIDA  .

« Avoir un microphone entre les mains leur a permis de poser des questions qu’ils n’auraient pas osé poser en temps normal », a souligné Helen Meintjes, qui a rappelé que les enfants étaient souvent vus mais rarement entendus.

Ingwavuma est une ville reculée, par conséquent la radio constitue le moyen le plus adapté pour sensibiliser la population.

« C’est une région pauvre, où la plupart des habitants est sans emploi et dépend des aides [sociales] », a déclaré Helen Meintjes. « Rares sont les enfants qui sont allés jusqu’à Jozini [la ville la plus proche], la majorité n’a pas d’électricité, peu ont une télévision et encore moins un accès à Internet. »

Après la diffusion des programmes sur les ondes de la radio locale Maputaland Community, les enfants ont joui d’une certaine célébrité. En outre, une radio nationale a également diffusé ces autobiographies et enfin, la communauté internationale pourra écouter les témoignages de ces enfants lors du Symposium ‘Envisager l’avenir’, une rencontre organisée en marge du Congrès international du sida  , qui se déroulera à Toronto, au mois d’août prochain.

Du coup, ce qui n’était au début qu’une expérience a eu des retombées inattendues. Le projet va devenir un véritable programme, dont l’objectif sera d’aborder d’autres sujets qui touchent les enfants de la région : cette année, de nouveaux jeunes ont commencé à travailler sur leur autobiographie, alors que le groupe de l’année dernière fait désormais des reportages.

« Nous avons pensé à plein de sujets, mais selon nous le VIH  /SIDA   était le plus important », a expliqué Sandile, âgé de seulement douze ans, « parce que les gens de notre communauté néglige l’importance du virus, et la plupart cache leur séropositivité jusqu’à leur mort. »

Les enfants ont interrogé une infirmière qui s’occupe de patients séropositifs, une personne qui dispense des soins à domicile, une femme porteuse du virus, un enfant orphelin du sida   et des camarades d’école.

« Nous avons demandé [à nos camarades d’école] ce que c’était de grandir dans une communauté touchée par le VIH  /SIDA   », a déclaré Sandile. « Certains ont déclaré qu’ils ne voulait pas s’asseoir à côté de quelqu’un séropositif. »

En interrogeant ces personnes, les enfants ont pris conscience qu’une grande partie de ce qu’ils pensaient savoir sur le VIH   était erronée.

« Je croyais que les familles devaient chasser les personnes séropositives, mais j’ai appris qu’en fait les familles pouvaient s’en occuper », a confié Sandile.

« J’ai appris qu’une personne qui vit avec le VIH   peut vivre longtemps et que les gens qui prennent des ARV   [antirétroviraux] ressemblent à des personnes en bonne santé », a ajouté Prettygirl.

Avec le financement de Open Society Foundation et Stop AIDS Now !, un regroupement d’ONG néerlandaises, l’accent est désormais mis sur le renforcement des capacités des partenaires locaux, comme la radio Maputaland Community et Zisize Educational Trust.

Selon des estimations du Programme commun des Nations unies sur le VIH  /SIDA   (Onusida  ), près de 22 pour cent de la population adulte sud-africaine vit avec le virus. Sur les 840 000 personnes qui ont besoin d’urgence d’un traitement, seules 140 000 d’entre elles en reçoivent un gratuitement de la part du gouvernement.

NGWAVUMA, 18 juillet, plusnews


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 18 juillet 2006

 

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