Sidanet, 2007, 4(5) : 996 - Mardi 22 mai 2007
Les habitants indigènes des régions forestières de l’Afrique centrale ont longtemps été isolés du reste du monde, mais à mesure qu’ils s’insèrent dans la société, ils sont de plus en plus menacés par l’exploitation sexuelle et le VIH /SIDA .
Entre 300 000 et 500 000 Pygmées vivent de chasse et de cueillette dans les forêts du Burundi, du Cameroun, de la République démocratique du Congo (RDC) et de la République du Congo, depuis la nuit des temps.
Cependant, la déforestation progressive, l’agriculture, les projets d’infrastructures ainsi que la création de zones protégées ont contraint la population indigène à abandonner son mode de vie traditionnel et à s’intégrer dans le système économique formel en travaillant comme ouvriers saisonniers ou comme paysans dans des fermes commerciales.
Tous ces changements ont amené les Pygmées à côtoyer davantage les ethnies voisines qui affichent généralement des taux de prévalence du VIH plus élevés que ceux enregistrés au sein des populations indigènes.
« Les Pygmées doivent être sensibilisés au VIH /SIDA de toute urgence », a déclaré Sorel Eta, un ethnologue et chercheur de la République du Congo, lors d’une conférence qui s’est tenue dernièrement à Impfondo, à 800 kilomètres au nord de Brazzaville, la capitale congolaise.
Les résultats d’études menées au Cameroun et en République du Congo pendant les années 1980 et 1990 ont confirmé que le taux de prévalence du VIH parmi les Pygmées était inférieur à ceux répertoriés chez les populations voisines, mais qu’une augmentation avait été enregistrée au cours des dernières années.
Une enquête a par exemple révélé que le taux de prévalence du VIH parmi les pygmées Baka de l’est du Cameroun était passé de 0,7 pour cent en 1993 à quatre pour cent en 2003.
Les participants à la conférence d’Impfondo ont souligné que les femmes Twa indigentes du Burundi, de RDC, du Rwanda et d’autres pays d’Afrique étaient contraintes à se prostituer afin de joindre les deux bouts, mais n’ayant aucune connaissance de la pandémie, ces femmes ignoraient les dangers des relations sexuelles non protégées.
« Au Burundi, presque toutes les femmes indigènes sont illettrées . et ne savent pas qu’elles peuvent être infectées au VIH /SIDA », a déclaré Léonard Habimana, le premier journaliste Twa du Burundi et fondateur d’une station de radio privée, Radio Isanganiro, qui sensibilise les auditeurs aux dangers des infections sexuellement transmissibles, à la violence sexuelle et au VIH /SIDA au sein des communautés pygmées.
Kapupu Diwa, qui dirige un réseau créé par les populations indigènes et locales afin de promouvoir la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, a souligné qu’ « à cause de la pauvreté, l’exploitation sexuelles des femmes indigènes [est] devenue une chose courante ».
« C’est dans un tel contexte que les femmes vendent leur corps pour à peine 0,20 dollar ou parfois même pour des biscuits », a-t-il dit.
La prostitution a également été encouragée par la déforestation et les projets d’infrastructures qui amènent souvent de grands groupes d’ouvriers de passage dans des camps situés à proximité des communautés pygmées.
Par ailleurs, nombreux croient à tort qu’avoir des relations sexuelles avec une femme Twa permet de guérir les hommes porteurs du virus. Ainsi, les femmes Twa sont confrontées à un risque supplémentaire de contracter le VIH .
Les groupes de défense des droits de l’homme ont également souligné que de nombreux abus sexuels avaient été commis sur les femmes indigènes, lors du conflit qui a déchiré l’est de la RDC.
Malgré tous ces risques, les populations pygmées ont généralement peu accès aux services de santé et aux informations sur le virus.
En 2006, le journal médical britannique, The Lancet, a publié les résultats d’une étude qui révélait que la population Twa avait systématiquement plus de difficultés à accéder aux soins de santé que les communautés voisines.
« Même dans les endroits où les installations sanitaires sont en place, beaucoup de personnes ne peuvent en bénéficier car elle n’ont pas les moyens de payer les consultations ou les médicaments, ne possèdent pas les documents et cartes d’identité requis pour se déplacer ou pour suivre un traitement à l’hôpital, ou sont victimes de traitement humiliant et discriminatoire », a constaté cette étude.
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Date de publication : Mardi 22 mai 2007