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Pourquoi le général congolais Bosco Ntaganda se livre à la justice



Le Monde.fr | 20.03.2013 - Par Adrien Auxent -

L’ex-général congolais Bosco Ntaganda, surnommé "le Terminator", s’est rendu, lundi 18 mars, à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali, au Rwanda. Il a demandé à comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI  ) et sera transféré à La Haye "dans les deux jours", a déclaré mercredi la procureure de la CPI  , Fatou Bensouda.

La Cour pénale internationale souhaite le juger pour des crimes contre l’humanité commis dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003 et qui font l’objet de deux mandats d’arrêts depuis 2006 au sujet de meurtres, viols, pillages et enrôlements d’enfants-soldats. En novembre, la procureure de la CPI   avait estimé que Bosco Ntaganda était l’un des "principaux instigateurs de l’instabilité qui prévaut sur l’ensemble de la région des Grands Lacs" et qu’il fallait l’arrêter "impérativement".

POURSUIVI POUR CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Né au Rwanda, Bosco Ntaganda a rejoint en 1990, alors qu’il avait 17 ans, le Front patriotique rwandais de l’actuel président Paul Kagame. En 1996, alors que l’armée rwandaise envahit le Congo, le rôle tenu par M. Ntaganda au sein des milices locales ne cesse de grandir. Il rejoint en 2002 l’Union des patriotes congolais (UPC), un groupe rebelle congolais dirigé par Thomas Lubanga, dans le district de l’Ituri. Pendant trois ans, il sera le chef des opérations militaires de la branche militaire de l’UPC, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).

Selon le procureur de la CPI  , cité dans le mandat d’arrêt délivré contre M. Ntaganda, il a "planifié et commandé de nombreuses attaques militaires coordonnées contre les populations Lendu et autres tribus non-Hema" dans le but de les exclure du territoire de l’Ituri et de les "éliminer".

Le mode opératoire des FPLC consistait à encercler un village et à le bombarder à l’artillerie lourde avant de l’attaquer, tuer "ceux perçus comme des ennemis" à l’aide de machettes, armes à feu et couteaux, piller puis brûler le village en question et enlever les femmes pour les violer, selon le document de la CPI  . Au moins 800 civils ont été tués et plus de 140 000 autres déplacés.

D’autres plaintes pour viols, assassinats et persécution pour motifs ethniques et ciblage délibéré de civils ont été ajoutées en mai 2012, fondées sur des preuves présentées pendant le procès de son co-accusé et ancien patron, Thomas Lubanga. Ce dernier a été condamné, le 10 mars 2012, par la CPI   – qui prononçait sa première condamnation depuis son entrée en fonction à La Haye en 2003 –, à quatorze ans de prison pour l’enrôlement d’enfants soldats.

Des rebelles tutsis de RDC passent un poste de contrôle, le 20 janvier 2009. Ils ont rejoint l’armée nationale congolaise, qui mène des opérations conjointes avec les forces rwandaises contre les rebelles hutus rawandais.

Bosco Ntaganda a été intégré comme général dans l’armée congolaise, après un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Mais il a fait défection au printemps 2012 et est depuis accusé par de nombreux experts de jouer un rôle de premier plan au sein de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23). Le M23, qui a toujours réfuté l’implication de Bosco Ntaganda au sein du mouvement, s’est scindé fin février en deux factions rivales qui se sont affrontées dans l’est de la RDC.

LÂCHÉ PAR LE RWANDA

Les raisons pour lesquelles Bosco Ntaganda s’est soudain rendu à l’ambassade des Etats-Unis et a demandé à être déféré devant la CPI   ne sont pas claires. Sa reddition pourrait avoir un lien avec les récents affrontements armés, dans l’est de la RDC, entre les factions du M23.

La situation de Bosco Ntanga pourrait aussi être le résultat de la perte du soutien de la part des autorités rwandaises. Kigali a récemment été accusé par des experts de l’ONU  , malgré ses dénégations, de soutenir le M23. Mais le Rwanda, comme dix autres pays de la région, a paraphé fin février un accord-cadre régional destiné à ramener la paix dans l’est de la RDC, dont les signataires s’engagent à ne pas accueillir d’individus recherchés par la justice internationale.

Kinshasa a affirmé dimanche 17 mars que Bosco Ntaganda a franchi la frontière entre l’est de la RDC et le Rwanda, dans la foulée de centaines de combattants de la faction mise en déroute qu’il est accusé de diriger. Selon Tony Gambino, ancien président du programme américain Usaid   au Congo "la meilleure supposition est que ses solutions se sont réduites à [choisir entre] La Haye ou se faire tuer".

Comme le rappelle l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué, "les Etats-Unis ont depuis plusieurs années appelé à l’arrestation de Ntaganda et son transfert à la CPI  ". Mais un responsable de l’ambassade des Etats-Unis disait, mardi 20 mars : "Je ne crois pas que nous ayons la moindre idée précise de la suite des événements. On cherche encore à savoir comment ça va se passer."

QUELLES SUITES ?

Bosco Ntaganda est accusé d’avoir participé à de nombreuses rébellions soutenues par le Rwanda dans l’est de la RDC et sa comparution devant la CPI   pourrait se révéler embarrassante pour le président rwandais, Paul Kagamé, proche allié de Washington. Ni le Rwanda ni les Etats-Unis ne sont signataires du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI  . En conséquence, aucun de ces deux pays n’a obligation de transférer Bosco Ntaganda à la CPI  , basée à La Haye (Pays-Bas).

Fadi El-Abdallah, porte-parole de la CPI  , a déclaré lundi soir à La Haye que "rien n’empêche un Etat qui n’est pas partie au Statut de Rome de coopérer avec la Cour sur une base volontaire" et que "la Cour prendra les dispositions nécessaires en vue du transfert de M. Ntaganda à La Haye". La ministre des affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, a assuré mardi ne pas avoir à se mêler de l’éventuel transfert de M. Ntaganda à la CPI  , estimant que "cette affaire est entre les Etats-Unis qui détiennent le suspect, la RDC – pays de nationalité du suspect – et la CPI   qui recherche le suspect".


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 21 mars 2013

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