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« Open See » : le photographe et les migrants racontent l’histoire



Par Louis Mesplé | Rue89 | 31/05/2009

« Open See », projet multiforme du photographe Jim Goldberg sur les flux migratoires en Europe extrait d’un ensemble plus vaste intitulé « The New Europeans », est exposé à la Fondation Henri Cartier-Bresson. Comme le sujet qu’il couvre, l’errance des populations d’immigrés, la narration photographique a-t-elle atteint un point de non-retour ?

La Grèce, point d’arrivée des routes de l’exode. Jim Goldberg, photographe nord-américain de l’Agence Magnum (depuis 2006), boursier du prix HCB en 07, a choisi en 2004 la Grèce pour relater les détresses et les errances de plusieurs courants d’immigrations.

La Grèce, certes parce que « berceau de l’Europe » mais plus objectivement parce que le nombre d’immigrés est estimé entre 1,5 et 2 millions d’immigrés, pour la plupart clandestins. En 2007, sur 20 692 demandes d’asiles déposées, 140 furent acceptées. On imagine sans peine les conditions de vie des refusés.

Ce que confirme une dépêche AFP à propos des manifestations de vendredi dernier à Athènes : « Les problèmes d’immigration sont récurrents en Grèce, pays confronté à des arrivées quotidiennes de migrants venus d’Asie via la Turquie, qui veulent rejoindre l’Europe de l’ouest. Les ONG grecques dénoncent régulièrement des brutalités policières à l’encontre des migrants » .

Une partie d’immigrants viennent de pays musulmans, Afghanistan, Bangladesh, du Pakistan, de Syrie et de Somalie, d’autres de pays ex-URSS, dont l’Ukraine, du Libéria, de la République démocratique du Congo, de Sénégal, de Mauritanie,…

On le sait, cette massive fuite en Europe a de multiples raisons traditionnelles (économiques, politiques), et de nouvelles, d’ordres sanitaire, alimentaire, d’esclavage sexuel et de violence en tout genres ; en attendant les réfugiés climatiques.

La photographie, plaque tournante et sensible des exils

Comment représenter ce tout en son puzzle, ces trajectoires multiples et ces vies déracinées en suspens, en « stand by » ?

Pour ce faire, Jim Goldberg, dans « Open See » (oui, « dans », comme on dit « dans un film » : il y a une cinétique dans ce travail), abandonne le caractère univoque de la photographie, fixé sur l’instant (particulièrement dans le reportage) pour lui redonner son sens littéral de plaque sensible.

Ce dépassement, cet enseignant du California College of Art l’explique par une présence et attention constante auprès des immigrés :

« J’ai le privilège d’être à la fois le narrateur et de témoin. L’intimité, la confiance et l’intuition guident mon travail. »

Plusieurs sortes de narrations s’entrecroisent dans l’exposition « Open see » grâce aux multiples utilisations du support papier ou plastique photographique.

L’essentiel est fait d’annotations sur les photographies, des Polaroids, par ces hommes et ces femmes en attente quelque part en Grèce.

Ils dessinent, écrivent, évoquent leur passé et par quelques mots la vie meilleure qu’ils souhaiteraient avoir en Europe. D’autres désignent sans commentaires les traces corporelles de sévices subis, « avant ».

Cliquez ici pour voir le diaporama en plein écran et les légendes

Et puis il y a les images des cadres de vies sommaires dans lesquels survivent ces immigrés. Des vidéos.

Ces surfaces réceptacles de tous ces itinéraires désespérés sont mises en regard avec le travail plus conventionnel, classique, de Jim Golberg, réalisé dans des pays d’origine des migrants, comme s’il était besoin de preuves « en plus » pour justifier les départs.

Enfin, il a rassemblé, recueilli et consigné manuscrits, notes, et longues histoires.

Cette exposition, sur deux étages, à la fondation Henri Cartier-Bresson, dont la scénographie est due à Jim Goldberg, est complexe par la disparité et la transversalité de tous ces documents. Il ne suffit pas de voir, il faut relier les séquences, décrypter.

S’il y a une intention à un accrochage artistique, suggérée, et c’est dommageable à la lisibilité de cette fresque, par le manque de traductions de textes, on l’oubliera devant ces parcelles d’images, de mots denses et émouvants comme autant de messages à la mer. Pour beaucoup, d’ailleurs, ils en sont rescapés.

Open See exposition à la fondation Henri Cartier-Bresson, 2, impasse Lebouis, Paris XIVe - 3€/6€ - Rens. : 01-56-80-27-00 - 13h-18h du mar. au dim., le sam. 11h-18h45, le mer. jusqu’à 20h30 - le catalogue regroupe, dans un coffret, quatre volumes, un par nationalités photographiée (Steidl, 35€).

► En logo de cette brève : Extraits de « Open See » : au Bangladesh ; « Demba’s Map », République démocratique du Congo, 2007 (Jim Goldberg/Magnum Photo).

Ailleurs sur le Web"Open see" à la Fondation Henri Cartier-Bresson"Rich and Poor" l’autre exposition de J.Goldberg à l’agence Magnum


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 31 mai 2009



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