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Marina ne va pas mieux


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Les Deux Filles De Marina Petrella, par Gérard Amate, le 8 octobre 2008

Samedi dernier, on a reçu à la Gryffe (excellente librairie libertaire, sise rue Gryphe, Lyon 3e, métro Saxe-Gambetta), une petite parisienne bien sympathique qui est née en taule, et y a passé son enfance. Il s’agissait d’Elisa, la fille de Marina Petrella. Avant de devenir parisienne, Elisa était romaine, à la prison de Rebibbia (où son père habitait aussi, côté garçons).

Marina, sa mère, a fait dans cette prison un maximum de préventive, huit ans. Après quoi on l’a libérée sous contrôle judiciaire en attendant le procès. Elle y a été condamnée en 1992, pour complicité, à perpète. Sans qu’on pense, sur le moment, à la remettre en taule (un oubli). Marina n’a pas demandé son reste. Elle a pris sa fille et la tanjente, direction Paris. La France offrait à l’époque un asile politique aux fugitifs italiens des années de plomb.

Le temps passa, tranquillement au début, puis un peu moins à partir de 2002. Car la droite, revenue alors avec les pleins pouvoirs (et les voix de la gauche plébiscitant Chirac) désirait à tout prix se faire enfin aimer. Et particulièrement par la frange haineuse de son électorat potentiel.

Parfois, quand l’époque s’y prétait, elle choisissait un réfugié parmi les quelques centaines qui sont en France, et le jetait par-dessus la frontière à la police italienne. Un peu au hasard, suivant l’inspiration du moment. Sous les applaudissements de la foule.

Rien ne prédisposait particulièrement Marina à être choisie, mais un beau jour (c’était en août 2007), elle était allée au commissariat de son quartier pour une histoire de bagnole. Et c’est tombé sur elle. Quelques heures heures plus tard, on l’enfermait à Fresnes. En attendant d’examiner son cas.

Au début, elle avait plutôt le moral. A part sa co-détenue qui se plaignait constamment d’avoir mal à la tête. Marina, qui est assistante sociale dans le civil, s’est occupée d’elle. Elle a réclamé qu’on la soigne. On a fini par apporter du Doliprane à la souffrante. Et quelques jours plus tard, elle est morte.

Marina s’est mise à broyer du noir. Puisqu’il était prévu (perpète) qu’elle aussi mourrait en taule. Elle commençait à dire que le plus tôt serait le mieux. Surtout pour ses filles (Elisa a une petite soeur, Emma, née en France). La grande en avait déjà suffisemment bavé. Et ce n’était pas la peine d’en faire autant à la petite. Avec la tristesse des jours de parloir, lorsqu’elles venaient la voir.

Tant et si bien qu’à la prison de Fresnes, on est devenu très inquiet. Extrêmement inquiet qu’elle se suicide. (Je rappelle que Marina est en taule pour soigner la popularité de Nicolas Sarkozy, et pas pour qu’on le traite plus ou moins d’assassin).

Afin d’éviter tout incident tragique, on a transféré Marina à Villejuif, le 5 avril 2008. Dans une chambre de l’hôpital pénitentiaire sécurisée au maximum. Sans aucun meuble. Juste un matelas par terre. Sans toilettes et sans eau. Juste un seau. Sans objet qu’elle pourrait retourner contre elle.

On lui a donc enlevé ses lunettes. Ses livres, ses journaux. Et l’on a attendu qu’elle se porte mieux.

C’est paradoxalement le contraire qui s’est passé. Elle y a perdu l’appétit. Elle ne voulait plus qu’on lui amène Emma, la petite. Les psys l’ont examinée. Ils ne l’ont pas trouvée à proprement parler dépressive mais "en état de désespoir existentiel, émaillé de symptômes mélancoliques".

Début juin, on l’a rapatriée à Fresnes. Une atmosphère un peu plus riante, selon elle. C’était en réalité pour lui notifier dans les formes légales la décision d’extradition qui venait d’être prise à son encontre. Après quoi, elle a tout de suite été ramenée à Villejuif.

C’est alors que Marina s’est vraiment laissée mourir.

Elle ne s’habillait plus. Elle ne mangeait plus. Elle ne se lavait plus. Elle a fini par peser 30 kgs. Aucun hôpital pénitentiaire ne voulait plus la garder. On se l’est refilée de Villejuif à Fresnes, de Fresnes à Villejuif, de Villejuif à Fleury-Mérogis.

En désespoir de cause, elle a été transférée à Ste-Anne, afin d’être alimentée par sonde nasogastrique. Elle y est libre. Pour que l’hôpital l’admette, il a fallu procéder à sa levée d’écrou.

Marina ne va pas mieux. Elle ne peut plus se lever. Elle perd encore du poids, très lentement. Son foie se nécrose. Elle ne voit plus du tout ses filles, ni personne de ceux qu’elle aime. Elle ne veut plus.

Les médecins demandent qu’on abroge son décret d’extradition, pour la faire réagir. Car il est probable, en effet, qu’on ne l’extradera jamais. Sarkozy lui-même, gêné par cette affaire, a demandé au président italien de gracier Marina. Ce qui arrangerait bien tout le monde, et surtout lui. Mais le président italien n’avait aucune envie de se mouiller pour les beaux yeux de Nicolas. Il ne lui a pas répondu grand chose. Il préfère lui laisser l’intégralité de ses responsabilités dans cette affaire.

Et tandis que le prèz se demande quel effet ça ferait sur sa cote d’amour, si l’on annulait maintenant le décret d’extradition de Marina, celle-ci meurt. Petit à petit.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 10 octobre 2008



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