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La pouponnière puis l’adoption



Paris Normandie, le 3 septembre 2009

Elles décident d’abandonner leur enfant

Quelques jours avant les vacances, la maternité du CHU de Rouen vit le passage « éclair » d’une maman. Elle est arrivée juste à temps pour accoucher et deux heures après avoir mis au monde un enfant, elle était déjà repartie sans laisser d’adresse, mais en « oubliant » son bébé ! Ce type d’accouchement express et anonyme est très rare. Mais, bon an, mal an, de huit à dix mamans font le choix, au CHU de Rouen, d’accoucher sous X et donc d’abandonner leur enfant. Au centre hospitalier du Belvédère, le service maternité gère lui aussi de un à trois cas par an.

En 2008, quatorze naissances sous X (ou naissances sous le secret) ont été enregistrées en Seine-Maritime, mais dans trois cas, les mamans sont revenues sur leur souhait initial et sont reparties de la maternité avec leur enfant ! Le département de l’Eure enregistre, lui, trois cas en 2008.

Qui sont ces mamans ? Comment les services hospitaliers gèrent ces situations particulières ? Françoise Javois, psychologue clinicienne au CHU de Rouen, apporte quelques éléments de réponse : « Il n’y a pas de profil type de femmes qui accouchent sous le secret, elles ont de moins de 18 ans à plus de 40 ans, tous les milieux socio-professionnels sont concernés et contrairement à une idée reçue, il ne s’agit qu’exceptionnellement de victimes de viols. »

Ces femmes, marquées par une histoire personnelle délicate ou un environnement compliqué, décident généralement d’abandonner leur enfant vers le 4e ou 5e mois de grossesse. « C’est rarement avant. Car il y a bien souvent un déni de grossesse ou une dénégation de grossesse. Lorsqu’elles commencent à consulter, elles expriment alors le vœu du secret. »

Dès lors, la femme est prise en charge. Françoise Javois explique : « Nous enclenchons la grossesse psychique pour que la grossesse physique suive. Et l’on se rend compte que ces femmes désirent protéger leur enfant mais pour des raisons qui leur sont personnelles, elles ne souhaitent pas le garder. » Dès lors, tout le travail psychologique consiste à transformer l’abandon de l’enfant en un don à l’adoption !

Et les pères de famille ? « Les papas sont totalement absents. Mais à leur décharge, ils ne sont que très rarement au courant de la grossesse ! Ces femmes sont vraiment seules. »

Une formation spécifique, pour gérer au mieux l’accueil de ces femmes, a été dispensée au personnel de la maternité. « Il a été nécessaire de modifier le regard du personnel, souligne Françoise Javois. Les soignantes étaient jugeantes. Ce comportement a disparu mais cela témoigne du fait que ces situations sont dérangeantes, surtout à la maternité, dans une communauté féminine. »

Sans préjuger d’éventuels assouplissements à cette loi du secret, qui constitue une véritable exception culturelle française, Françoise Javois constate avec un certain dépit que des pays comme la Suisse et l’Allemagne remettent en service des « tours », système qui permet d’abandonner anonymement des enfants à l’entrée des hôpitaux. Comme celui qui subsiste, en témoignage d’une époque révolue, rue Germont à Rouen. Il cessa de fonctionner le 1er octobre 1862.

La pouponnière puis l’adoption

Que se passe-t-il pour l’enfant une fois que la mère a accouché sous X ? Une procédure très rigoureuse se met alors en action.

Pascale Lemare, psychologue et chef du service Adoption au sein de la direction de l’Aide sociale à l’enfance de Seine-Maritime, nous précise quelques-unes des étapes. « C’est le correspondant du CNAOP (Conseil national pour l’accès aux origines personnelles) qui établit le document attestant de la remise de l’enfant et de la décision de la mère, explique Pascale qui est l’une des quatre correspondantes du CNAOP en Seine-Maritime. Dès que nous sommes avisés d’une naissance sous X, nous allons rapidement à la maternité avant l’éventuel départ de la maman pour recueillir les informations utiles mais également pour informer la mère sur ses droits. »

En effet, celle-ci bien qu’accouchant sous le secret peut néanmoins laisser des informations à l’intention de son enfant dans son dossier. « La maman peut laisser son identité de manière ouverte. Elle pourra alors être communiquée à l’enfant s’il en fait la demande. Parfois les mamans laissent un foulard, un bijou, un doudou. »

Sous pli fermé Elle peut également mettre son identité sous pli fermé. Dans ce cas, si un jour l’enfant recherche ses origines, le CNAOP après ouverture du pli contactera la mère afin de savoir si elle décide ou pas de lever le secret. En attendant, après l’accouchement, l’enfant devient pupille de l’Etat à titre provisoire pendant deux mois. « Dès le deuxième ou troisième jour, une éducatrice et une psychologue vont suivre l’enfant. Au troisième jour, il sera confié à une assistante familiale pour deux mois, c’est-à-dire le délai de rétractation de la mère. Au-delà de ce délai, l’enfant ne pourra pas être restitué à sa mère ! » Le département de Seine-Maritime compte une dizaine de familles d’accueil (assistantes familiales) mais il arrive que les bébés soient trop nombreux ou que les familles ne soient pas disponibles. Dans ce cas, trois pouponnières prennent le relais (à Rouen, au Havre et à Dieppe). Dès la fin de son deuxième mois, le bébé trouve très rapidement sa place dans une famille adoptante. En Seine-Maritime, plus de 300 familles attendent un bébé à adopter.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 3 septembre 2009

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