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Au Cambodge, 10 000 manifestants contre la négation des crimes des Khmers rouges



Libération - 9 juin 2013 -

Un député de l’opposition est accusé d’avoir publiquement remis en cause l’existence d’une prison du régime de Pol Pot.

Environ 10 000 personnes ont manifesté dimanche à Phnom Penh contre un député de l’opposition accusé d’avoir remis en cause l’existence d’une sinistre prison du régime des Khmers rouges alors que le parlement cambodgien vient de voter une loi punissant la négation de leurs crimes.

Les manifestants se sont rassemblés dans un parc de la capitale pour écouter des rescapés de la prison de Tuol Sleng ou S21, à Phnom Penh, dans laquelle 15.000 personnes ont été torturées avant d’être exécutées.

Des milliers de Cambodgiens seraient par ailleurs descendus dans la rue dimanche à travers le pays. « Ses propos m’ont profondément blessée et mise en colère », a réagi Nov Sorn, 61 ans, qui a perdu son mari, son père et un frère sous le régime des Khmers rouges.

Chum Mey, un célèbre détenu aujourd’hui âgé de 83 ans, a juré de ne « laisser personne contrefaire l’histoire » tant qu’il vivrait.

Les manifestants ont ensuite défilé vers le siège du principal parti d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), dont le député incriminé est le numéro deux.

Un enregistrement

Dans un enregistrement publié le mois dernier sur un site du gouvernement, Kem Sokha affirmerait que la prison de Tuol Sleng a été mise en scène par les soldats vietnamiens après qu’ils eurent chassé les Khmers rouges du pouvoir.

Il prétend que ses propos ont été délibérément coupés et tronqués et le CNRP a accusé le pouvoir de vouloir « créer des problèmes politiques » avant les législatives du 28 juillet.

« La manifestation a été orchestrée par le Parti populaire du Cambodge (PPC) » du Premier ministre qui dispose d’une écrasante majorité au parlement, a déclaré à l’AFP Yim Sovann, porte-parole du CNRP, en accusant le PPC d’avoir payé des Cambodgiens pour qu’ils manifestent.

Le parlement cambodgien a voté vendredi une loi controversée qui punit de deux ans de prison la négation des crimes des Khmers rouges, un dossier qui s’est imposé au coeur de la campagne électorale à moins de deux mois du scrutin.

« Kem Sokha est la première personne qui ose insulter l’âme de toutes les victimes du régime de Pol Pot », proclamait une banderole dans la manifestation.

Passible de deux ans de prison

Selon le texte voté vendredi, « tout individu qui ne reconnaît pas, qui minimise ou qui nie » les crimes des Khmers rouges (1975-79) sera passible de deux ans de prison.

Certains observateurs estiment que la législation risque de saper le processus de réconciliation dans un pays qui peine à tourner la page.

« Vous n’avez pas besoin d’une loi pour protéger la vérité », a commenté Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge, spécialiste de cette période.

Le texte a été adopté à l’unanimité après l’expulsion du parlement des 28 députés de l’opposition en raison de la fusion de leurs partis.

L’ancien dirigeant de Tuol Sleng, Kaing Guek Eav, alias Douch, 70 ans, a été condamné à la prison à perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Jusqu’à deux millions de personnes sont mortes d’épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions sous le régime marxiste totalitaire, qui a tenté de mettre en place une utopie agraire en abolissant les villes, la médecine, la monnaie, l’éducation.


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 10 juin 2013

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