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Cambodge : perpétuité requise contre deux hauts responsables khmers rouges


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La voix du nord, 21/10/2013 - Phnom Penh - AFP - L’accusation a requis lundi la perpétuité pour crimes contre l’humanité contre les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants, lors d’un procès symbole du régime qui a causé la mort de près d’un quart de la population du Cambodge entre 1975 et 1979.

L’idéologue du régime Nuon Chea, 87 ans, et le chef de l’Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphan, 82 ans, sont jugés pour leur responsabilité dans une machine totalitaire qui a fait quelque deux millions de morts, d’épuisement, de faim, sous la torture ou dans des exécutions sommaires.

L’emprisonnement à vie —peine maximale prévue par le tribunal qui a exclu dès sa création la peine de mort— est "la seule peine qu’ils méritent", a déclaré Chea Leang, co-procureur du tribunal de Phnom Penh parrainé par l’ONU  , soulignant qu’ils n’avaient exprimé "ni remords ni regrets".

"Aujourd’hui, au nom du peuple cambodgien et de la communauté internationale, nous demandons justice, justice pour les victimes qui ont péri et justice pour les victimes qui ont survécu à un régime cruel et malveillant sous la direction de ces deux accusés et d’autres dirigeants", a-t-elle ajouté.

Lors de trois journées de réquisitoire commencé la semaine dernière, les deux co-procureurs ont décrit implacablement le rôle selon eux "primordial" des deux accusés dans les atrocités du régime de Pol Pot, qui a "déshumanisé" des habitants devenus "esclaves".

Les Khmers rouges ont "transformé le Cambodge en une prison sans mur" où ils "décidaient qui mourraient et qui vivaient", a insisté lundi le co-procureur William Smith.

"Tous les crimes commis sous ce système d’asservissement étaient conçus, organisés et supervisés par Nuon Chea, Khieu Samphan" et leurs complices, a-t-il martelé.

Dans le but d’obtenir au moins un verdict avant la mort des accusés octogénaires, la procédure pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide a été découpée.

"La justice est proche"

Ce premier "mini-procès" se concentre sur les "crimes contre l’humanité" qu’ont constitué les déplacements forcés de population lors de l’évacuation des villes, en application de l’utopie marxiste des Khmers rouges de créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.

Lors de l’une des plus grandes migrations forcées de l’Histoire moderne, la capitale notamment avait été vidée de ses deux millions d’habitants obligés d’aller travailler dans des fermes collectivistes.

Selon les estimations des historiens rappelés par l’accusation, cette évacuation de Phnom Penh avait fait 20.000 morts, la moitié d’épuisement sur les routes, l’autre exécutés, certains juste parce qu’ils ne faisaient pas leur baluchon assez vite.

"C’est un crime contre l’humanité d’envoyer des millions de personnes à la campagne dans la chaleur, marchant pendant des jours, des semaines, parfois des mois sans transport organisé, sans nourriture, eau ou assistance médicale", a insisté William Smith.

Alors que l’âge des accusés fait craindre que ce mini-procès ne soit la seule occasion pour les victimes d’obtenir justice, même partiellement, des survivants se sont réjouis lundi des réquisitions.

"Je suis très heureux de la demande de prison à vie contre eux. C’est ce que je veux. Finalement, on va nous rendre justice", a commenté à l’AFP Norng Chan Phal, survivant de la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh où quelque 15.000 personnes ont été torturées avant d’être exécutées.

"La justice est proche. La cour doit accepter cette requête de perpétuité, parce que j’ai perdu 29 membres de ma famille sous les Khmers rouges", a renchéri Chin Meth, 55 ans.

Le tribunal va désormais donner la parole, jusqu’à fin octobre, aux plaidoiries de la défense, alors que les deux accusés nient toutes les charges retenues contre eux. Le verdict est attendu au premier semestre 2014.

Malgré le découpage de la procédure, le tribunal, très critiqué pour ses lenteurs, a perdu deux des quatre accusés jugés au départ lors ce procès commencé en 2011.

L’ancien ministre des Affaires étrangères Ieng Sary est décédé en mars, à 87 ans, et sa femme, l’ex-ministre des Affaires sociales Ieng Thirith, a été libérée pour démence.

Depuis sa création en 2006, le tribunal, en pleine crise financière, n’a rendu qu’un seul verdict : la perpétuité pour "Douch", chef de la prison de Tuol Sleng, connue également sous le nom de S-21.


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 21 octobre 2013

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