BBC - 22 juillet 2016 - En Afrique du Sud, la 21e conférence internationale sur le VIH /SIDA s’est déroulée à Durban. Le pays reste celui qui compte le taux de contamination le plus élevé au monde. La BBC s’est rendue à Vulindlela, un village du Kwazulu-Natal, à 65 km de Durban, où la quasi-totalité de la population est infectée par le virus.
La beauté du village de Vulindlela, blotti au pied des montagnes du Drakensberg, ne fait rien oublier du drame qui se joue dans la localité. Au loin, on n’aperçoit que les vertes collines, parsemées de huttes aux murs colorés.
- Le village de Vulindlela, à 65 km de Durban en Afrique du Sud, ravagé par le sida.
Ici, le virus du sida fait des ravages. D’après les spécialistes, Vulindlela détient le triste record d’avoir l’un des taux les plus élevés de personnes vivant avec le VIH /sida au monde. Une jeune femme enceinte sur trois, âgée de moins de 20 ans, est séropositive.
Au cimetière, sur les croix en bois, sont inscrits les noms de plusieurs jeunes décédés faute de traitement. Le week-end précédent, tous ceux qui ont été enterrés avaient à peine entre 20 et 30 ans. Ils sont morts car séropositifs ou atteints de tuberculose. "Le sida fait toujours des victimes, mais pas autant qu’auparavant. Dans les années 2000, on pouvait assister à dix enterrements par jour ou même plus", explique Bonginkosi Ndlovu, l’un des responsables de la communauté. L’accès aux traitements anti-rétroviraux a été généralisé en Afrique du Sud et permet aux malades de vivre bien plus longtemps avec le sida .
Nolwazi, 17 ans, a depuis bien longtemps quitté le monde de l’insouciance. Son regard noir d’adolescente est voilé d’un reflet de tristesse.
Après la mort de sa tante, elle a dû prendre en charge quatre frères et sœurs. "J’ai l’impression d’être une adulte, confie-t-elle. Je m’occupe de tant d’enfants, toute seule." La lycéenne, vêtue de son élégant uniforme bleu, parvient à nourrir la famille grâce aux distributions alimentaires de l’état et à l’aide de quelques voisins. Nolwazi n’est pas séropositive et affirme se concentrer sur ses études au lycée. Mais elle a peur "des garçons qui prennent des drogues".
Un peu plus loin se trouve la petite maison de Florence. Grand-mère, Florence a perdu huit enfants et n’a pas eu le temps de porter son deuil. Elle veille maintenant sur huit de ses petits-enfants et un arrière petit-enfant. "Mes enfants sont tous morts du sida car ayant été diagnostiqués trop tard, quand ils étaient déjà vraiment malades, raconte-t-elle.
Certains disaient qu’on leur avait jeté un mauvais sort." La vieille dame inquiète explique qu’avec sa modeste retraite, elle n’a pas les ressources nécessaires pour élever tant d’enfants. A Vulindlela, les grands-mères doivent souvent remplacer les parents disparus, fauchés par la maladie.
- Cimetière de Vulindlela où de nombreuses victimes du virus du sida sont enterrées.
Mais pourquoi le taux d’infection du VIH est-il si élevé ? Au bar du village, une fois la nuit tombée, une discussion avec quelques hommes apporte des éléments de réponse. L’un d’entre eux confie à la BBC que lorsqu’il boit, il oublie de porter un préservatif et au réveil le matin, il dit avoir oublié ce qu’il a fait. "En toute honnêteté, je préfère ne pas utiliser de protection", affirme-t-il.
Quarraisha Abdool Karim, épidémiologiste, a consacré ces 25 dernières années à la recherche sur le VIH . "Vous voyez toutes ces maisons, il n’y en a pas une qui ne possède un membre de la famille atteint par le virus", précise la spécialiste. Elle cherche à découvrir les causes de la propagation de l’épidémie : "les jeunes filles sont infectées lorsqu’elles ont entre 15 et 24 ans. Elles sont contaminées par des hommes plus âgés, qui ont 25 ans ou plus." De nombreux facteurs expliquent la prévalence du sida , notamment le niveau élevé d’autres maladies sexuellement transmissibles, des comportements à risques mais aussi la vulnérabilité des femmes.
Selon les Nations-Unies, plus de 400 personnes meurent du sida chaque jour en Afrique du Sud et 1000 autres sont infectées.
Toutefois les progrès réalisés ces dernières années donnent de l’espoir. Désormais, la transmission du sida de la mère à l’enfant est cinq fois moins importante qu’en 2008 en Afrique du Sud. Pourtant à Vulindlela, le rêve d’une nouvelle génération sans sida semble désespérément hors de portée.