Accueil >>  VIH/Sida >>  Conférences >>  AIDS 2012 à Washington

Les femmes, fers de lance de la lutte contre le sida


La Croix, Pierre Bienvault - 22 Juillet 2012 - De nombreuses femmes, vivant avec le VIH  , comptent bien se faire entendre lors de la conférence internationale sur le sida  , qui s’est ouverte dimanche 22 juillet à Washington.

En Afrique, les femmes sont aujourd’hui davantage touchées que les hommes par l’épidémie. Elles sont aussi souvent les plus mobilisées pour accéder aux soins et témoigner publiquement contre la maladie.

« Il est temps maintenant que, face au sida  , les femmes prennent le pouvoir ! » Elva Marina Soto Calderon n’a pas attendu l’ouverture officielle de la conférence de Washington pour s’enflammer. Samedi 21 juillet au soir, dans le village des associations du Convention Center, presque désert, cette militante associative péruvienne est plus que prolixe pour parler de la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH  /sida   (ICW) dont elle est membre. « Ce mouvement regroupe plus de 15 000 femmes dans le monde », précise sa voisine de stand, Maureeen Brenson Rivas, venue d’Uruguay.

Les femmes face au sida  . Voilà désormais un thème majeur dans les conférences internationales. « Aujourd’hui, dans beaucoup de pays, notamment en Afrique, les femmes sont davantage touchées que les hommes. Et ce sont elles, aussi, qui sont les plus mobilisées face au VIH  . Dans bien des endroits, elles sont les forces vives de la lutte contre l’épidémie », constate Jeanne Gapiya, la très charismatique cofondatrice de l’association nationale de soutien aux séropositifs et malades du sida   au Burundi. Une des premières femmes à avoir témoigné publiquement de sa séropositivité en Afrique.

En Afrique 60% des personnes infectées sont des femmes

C’est en 1982 qu’a été diagnostiqué le premier cas de sida   chez une femme en Afrique. À la fin des années 1980, quelques études ont montré, en Afrique centrale, que les femmes étaient aussi nombreuses à être infectées que les hommes (1).

Mais à l’époque, l’attention était très centrée sur le Nord où les hommes étaient, de loin, les plus touchés. Il aura fallu attendre les années 1990 pour que l’on prenne conscience de l’émergence, au Sud, d’une épidémie galopante et largement féminisée.

Aujourd’hui, parmi les 34 millions de personnes vivant avec le virus dans le monde, on recense autant d’hommes que de femmes. Mais, en Afrique subsaharienne, région la plus touchée, ce sont les femmes qui sont les plus exposées : elles représentent 60 % des personnes infectées. « Dans certains pays, les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans ont huit fois plus de risques que les jeunes hommes d’être séropositives », souligne même l’Onusida  .

Plus exposées physiquement et socialement

Longtemps ignorée, la vulnérabilité des femmes face au VIH   est devenue un sujet de réflexion majeur. Cette vulnérabilité est d’abord d’ordre biologique. Lors d’un rapport sexuel, on estime que le risque de transmission du virus est environ deux fois plus élevé de l’homme à la femme que dans le sens inverse.

L’appareil génital féminin présente en effet une plus grande surface de muqueuses exposées aux sécrétions sexuelles et aux microdéchirures, pouvant faciliter la transmission du virus.

D’autres facteurs fragilisent les femmes, en particulier leur difficulté à se protéger elles-mêmes contre l’infection. « La vérité est que, dans la grande majorité des cas, les femmes sont contaminées dans le cadre du mariage. Leurs maris ont souvent plusieurs partenaires mais elles n’ont pas le moyen d’imposer l’abstinence ou de négocier l’usage du préservatif », constate Jeanne Gapiya.

En première ligne pour affronter le virus

Le plus souvent, les femmes sont les premières, au sein du couple, à apprendre leur séropositivité, en général à la suite d’un test réalisé lors de la grossesse. « Et leurs maris, dans bien des cas, se refusent à aller faire le test et les rejettent, affirmant qu’elles sont responsables de cette contamination », explique Martine Somda, présidente fondatrice de l’association REVS +, au Burkina Faso.

Ces discriminations sont particulièrement fortes contre les « veuves du sida   » selon Alice Desclaux, anthropologue de la santé à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), à Dakar, au Sénégal. « Il s’agit des femmes dont le mari est mort de la maladie, explique-t-elle. Souvent, elles sont mises à l’écart de façon très brutale par leur famille et se retrouvent dans des situations de très profonde détresse. »

Les femmes africaines sont, en général, loin de rester passives face au VIH  . Dans bien de cas, elles sont même en première ligne pour affronter le virus. Aujourd’hui, en Afrique, elles sont souvent plus nombreuses que les hommes dans les programmes d’accès aux traitements.

Protéger les enfants

Une des explications est liée au fait que, dans l’immense majorité des cas, elles accèdent aux soins par le biais des programmes « mère-enfant », visant à éviter la transmission du virus à la naissance.

« C’est une motivation extraordinaire pour les femmes pour aller faire un test de dépistage puis accéder aux traitements , explique Jeanne Gapiya. Leur priorité, c’est de tout faire pour que leur bébé ne soit pas infecté. Ensuite, elles se battent pour continuer à se soigner en disant : il faut que je vive car je dois élever mes enfants. »

Si leurs bébés sont contaminés, là encore, ce sont les mères qui sont là pour faire face. « Les soins et l’accompagnement des enfants vivant avec le VIH   sont essentiellement une affaire de femme », constate l’anthropologue Fabienne Hejoaka (1). « Lorsque les enfants sont orphelins ou lorsque l’état de santé de la mère ne lui permet pas de s’occuper de ses enfants, ce sont alors principalement leurs grands-mères, tantes, belles-mères ou sœurs qui assurent leur accompagnement et leurs soins », ajoute cette chercheuse, qui a conduit une étude ethnographique sur le VIH   au Burkina Faso entre 2005 et 2008.

Des femmes très mobilisées pour leurs proches mais aussi pour la collectivité. Dans beaucoup de pays africains, ce sont des femmes qui ont créé les associations de lutte contre le sida   et qui sont les plus nombreuses pour les animer. « Dans mon association, on compte ainsi deux tiers de femmes », souligne Jeanne Gapiya. Témoigner pour inciter les gens à se soigner

Quand elle a appris sa contamination, en 1993, Martine Somda a très vite créé un « groupe d’auto-support » pour réunir des femmes confrontées à la même épreuve. « C’était important pour moi d’avoir un lieu où on puisse se parler, s’entraider. Mais ce groupe restait confidentiel car ses membres ne voulaient pas apparaître au grand jour. À un moment, je me suis dit que cela n’était plus possible de lutter dans le secret », raconte cette femme agent de santé, qui, en 1997, a fondé REVS +, la première association de personnes vivant avec le VIH   au Burkina Faso.

« Comme présidente, j’ai alors témoigné publiquement de ma séropositivité , explique Martine Somda. J’ai fait des émissions de radio. Cela n’a pas été simple. Même si elle s’y était préparée, ma famille en a un peu souffert et moi aussi. Mais témoigner, c’était la seule façon de montrer que l’on peut être une femme vivant avec le VIH   et bien portante. C’est ainsi qu’on peut inciter les gens à aller se faire dépister et accéder aux traitements. »

Un cas loin d’être isolé. « Très souvent, ce sont les femmes qui, en Afrique, sont les premières à témoigner publiquement », reconnaît Sandra Giraudeau, responsable des programmes internationaux à l’association Aides.

« Chez moi, ce sont elles qui prennent la parole, font des manifestations ou écrivent des lettres aux responsables politiques », ajoute Thérèse Omari, membre de l’association Femme Plus en RDC. « Le problème est que ces politiques que nous interpellons sur le sida   sont quasiment toujours des hommes », ajoute Jeanne Gapiya, bien décidée, elle aussi, à se faire entendre cette semaine à Washington.

(1) « Les femmes à l’épreuve du VIH   dans les pays du sud », sous la direction d’Alice Desclaux, Philippe Msellati, Khoudia Sow, édité par l’Agence nationale de recherche sur le sida   (ANRS)


VOIR EN LIGNE : La Croix
Publié sur OSI Bouaké le jeudi 26 juillet 2012

 

DANS LA MEME RUBRIQUE