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Washington 2012 : Une conférence bicéphale

Par Gilles Pialoux


VIH  .org - 27/08/12 - par Gilles Pialoux -

Cette XIXe conférence internationale sur le sida  , localisée à Washington DC, aux Etats-Unis, avec ses 25 000 congressistes venus du monde entier, a été, au bout du compte, une conférence à deux visages. Quasi schizophrénique parfois, même.

D’une part la conférence triomphaliste telle que lancée par une Amérique en pleine campagne électorale. « Vers la fin du sida   ? », comme questionnait la une de Libération du 21 Juillet.

Certes le modèle « cure » est attractif et cette conférence était aussi la conférence des traitements hautement actifs et de mieux en mieux tolérés, notamment avec les Combo (3 ou 4 principes actifs dans un seul comprimé), la conférence de l’explosion des modèles de prévention, du traitement comme outil de prévention (TasP) ou « y a plus qu’à les mettre en place », la conférence du « cure » -le programme de recherche d’un traitement d’éradication du Vih  - et de la aids free generation avec ses objectifs « zéro » qui sont aussi ceux de l’OMS   : zéro transmission mère-enfant, comme l’a annonçait pour 2015 Hillary Clinton, zéro nouvelle contamination, zéro discrimination, etc.

Un monde idéal ou la lutte contre le sida   garderait son triple A, en quelque sorte. Même si le regard de l’Amérique passe au-dessus de ses exclus du système de soins et ses 26 % seulement de personnes VIH   dont le virus est contrôlé par les traitements, pour regarder vers les pays du sud. En donnant par exemple à l’aide multilatéral 80 millions de dollars supplémentaires sur les programmes de prévention mère-enfant et 40 millions pour la circoncision.

Une conférence triomphaliste qui veut nous fait croire aussi que les problèmes de droit de propriétés intellectuelles sont réglés alors que même dans le pays pionnier des génériques, le Brésil, comme le soulignait Jean-Paul Moatti, 11 des 30 molécules anti-vih   sont désormais à l’abri de toute possibilité de passage au générique. Bref une image mi-futuriste mi-falsifiée de l’état de la lutte contre le sida   dans le monde.

Le réalisme, après le triomphalisme

D’autre part, la conférence du réalisme politique et scientifique. La modération scientifique puisque déjà on ne parle plus d’un modèle de « cure » mais de deux : celui de « l’éradication » sans retro planning fixable et celui, plus modeste, de la « rémission » ou de « guerison fonctionnelle », guère plus datable. Par ailleurs, côté politique, Bill Gates, le nouveau ministre de la santé mondiale, a laissé entendre que les 7 millions de traitements antirétroviraux d’urgence qui manquent cruellement dans les pays du sud à d’ici 2015 ne seraient jamais disponibles. Peut-être parce que d’autres priorités verront le jour plutôt du côté de l’accès au dépistage, de la prévention et du traitement plus précoce afin d’utiliser au mieux les vertus préventives des traitements antirétroviraux (TasP).

Et puis, si ce n’est pas le cas en France, des désengagent sont à craindre dans une économie contrainte à d’autres priorités, en compétition avec le VIH   à l’instar des maladies cardio-vasculaires et du cancer. Nos collègues canadiens, dont l’expérience de prévention tout azimut de la Colombie Britannique est un exemple pour le monde entier ici à Washington, ont appris qu’il n’y aurait pas de campagnes de Prévention VIH   en 2013 dans leur pays.

Et puis il y la réalité de terrain. Des images fortes comme cette colonne de poupées multicolores qui figurent les orphelins du sida   en Afrique. Nouvelle génération, si l’on peut écrire. Ces orphelins dont les mères ont eu accès au traitement antirétroviral uniquement dans le but de protéger l’enfant mais pas pour elle-même après la grossesse. Laissant des orphelins, séronégatifs certes, mais orphelins.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 30 août 2012

 

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