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Haïti : Une ONG remporte un prix, mais il reste « tant à faire »

Le Groupe haïtien d’étude du sarcome de Kaposi et des infections opportunistes (GHESKIO) a reçu le prix Gates 2010


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Nairobi, 25 mai 2010 (PLUSNEWS) - Lorsque le séisme a secoué Port-au-Prince, le 12 janvier, Jean-William Pape et le reste du personnel de GHESKIO, la plus grande organisation non gouvernementale (ONG) dédiée au VIH   dans le pays, n’étaient pas préparés.

« Nous étions prêts à faire face à l’instabilité politique, aux ouragans, aux types de crises que nous avions l’habitude de voir en Haïti ; nous n’étions pas du tout prêts pour un tremblement de terre », a raconté à IRIN/PlusNews M. Pape, médecin et fondateur du Groupe haïtien d’étude du sarcome de Kaposi et des infections opportunistes (GHESKIO).

« Parce que nous sommes toujours prêts à faire face à n’importe quelle catastrophe, tous nos patients atteints de tuberculose et de VIH   reçoivent une réserve de médicaments qui leur permet de tenir deux semaines de plus, au cas où ils ne pourraient pas se présenter pour leur consultation habituelle », a-t-il néanmoins ajouté.

Fondé en 1982, le GHESKIO est une des premières ONG spécialisées dans le domaine du VIH   dans le monde ; c’est elle qui fournit leurs médicaments antirétroviraux, qui permettent aux patients de vivre plus longtemps, à 55 pour cent (soit quelque 13 500 personnes) des Haïtiens qui suivent un traitement contre le VIH  .

« Après le tremblement de terre, nous avons pu contacter nos patients par téléphone, nous leur avons envoyé du personnel de terrain et avons diffusé des annonces radio pour indiquer aux gens où ils pouvaient se procurer des médicaments », a dit M. Pape. « En trois semaines, nous avons pu localiser 94 pour cent de nos patients ; 211 décès ont été confirmés, dus au séisme ».

Le prix Gates

Cette portée considérable a convaincu le jury du Prix Gates 2010 de la santé dans le monde d’accorder au GHESKIO une récompense d’un million de dollars, en reconnaissance de ses années de recherches, de service clinique et de formation dans le domaine du VIH  .

« Ce prix est décerné aux organismes qui réussissent, à long terme, à sauver des vies dans les pays en développement ; aux organismes qui sont un exemple à suivre pour les autres », a déclaré à IRIN/PlusNews Jeffrey Sturchio, président du Global Health Council, une alliance d’organismes de santé publique qui supervise le Prix Gates. « Bien qu’il se trouve dans un pays en développement, le GHESKIO est un leader mondial dans le secteur du VIH   : il a joué un rôle essentiel dans le ralentissement de la propagation du VIH   en Haïti ».

« Cet organisme montre ce qu’il est possible de faire dans les circonstances les plus difficiles ; le GHESKIO est une institution de classe internationale qui est restée ancrée dans la communauté », a-t-il ajouté.

Ce prix décerné sous forme pécuniaire sera très utile au docteur Pape et à son personnel : l’organisme a en effet subi des dommages structurels estimés à 10 millions de dollars ; son laboratoire et son centre de traitement de la tuberculose ont notamment subi d’importants dégâts.

La cité des tentes

A la suite du séisme, des milliers de blessés sont venus chercher refuge au siège du GHESKIO, qui s’est temporairement converti en hôpital de terrain et pratiquement en « cité des tentes ».

« Il y avait des cas de fractures et de lésions extrêmement graves, comme j’en ai rarement vus dans ma carrière », a dit M. Pape. « Nous avons immédiatement commencé à distribuer de l’eau et des vivres, et à offrir des services de vaccination et d’assainissement ».

Plus de 7 000 personnes ont par la suite été réinstallées sur un autre site, situé plus en hauteur, avec l’aide des gouvernements haïtien et américain, des Nations Unies et des ONG, mais on craint que les besoins en moyens d’hébergement permanents ne deviennent plus pressants, à l’approche de la saison des ouragans et alors que la saison des pluies se poursuit.

« Le gouvernement haïtien a besoin de davantage d’aide pour réinstaller les populations et de reconstruire les infrastructures, les écoles, etc. Les besoins sont énormes », a-t-il ajouté.

« Tant à faire »

« Les bailleurs deviennent moins généreux face à la crise économique et parce qu’ils ont un peu l’impression de gaspiller leur argent en le consacrant à la lutte contre le VIH   - nous savons, par exemple, qu’il y a deux nouveaux cas d’infection pour chaque personne placée sous traitement... on comprend facilement que les bailleurs puissent être découragés », a noté M. Pape.

« Notre objectif sera de trouver des moyens de prévenir plus efficacement le VIH  , de nous occuper davantage des maladies liées au VIH  , telles que le HPV [papillomavirus humain], très courant en Haïti, et de nous intéresser de plus près à la tuberculose - le diagnostic reste peu fiable et le traitement est encore très toxique et cher », a-t-il ajouté. « Il reste tant à faire ».


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 26 mai 2010

 

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