Lemonde.fr - 09.11.10 - Dix mois après le séisme du 12 janvier 2010 qui occasionna la mort de plus de 300 000 Haïtiens, un foyer de choléra s’est déclaré dans deux départements du pays entraînant environ 300 morts et plus de 4 000 hospitalisations. Faute d’infrastructures de santé, dans les zones touchées, la plupart de ces hospitalisations se font sous des installations provisoires. Une fois de plus, les caméras du monde se sont retournées vers Haïti pour constater la tragédie et la vulnérabilité sous toutes ses formes. Impuissant devant le séisme, démuni face à l’arrivée du nouveau cyclone Tomas annoncé comme dévastateur, le gouvernement n’a pu que décréter un "nouvel" état d’urgence s’ajoutant à toutes les autres situations d’urgence survenues récemment et qui attendent encore de vraies réponses.
Ainsi, en 2004, le village de Fonds Verettes situé à 70 kilomètres au
Sud-est de Port-au-Prince disparait sous une inondation qui a causé plus de 2 000 morts. Pourtant, plusieurs alertes avaient précédé cette catastrophe, due au déboisement de la "Forêt des pins",
un bosquet voisin, faisant partie des rares "aires protégées" du pays. Aujourd’hui, les habitants vivent majoritairement encore à proximité du lit de la rivière, dans des maisons de fortune et la forêt fait toujours l’objet de coupes sauvages.
En 2006, c’est la crise alimentaire qui provoque la chute du premier ministre de l’époque. Un désastre qui menace le gouvernement qui sera désigné par les élections présidentielles et législatives de cette fin d’année 2010. La chute continue de la production agricole en l’absence d’une réelle politique nationale, l’importation massive des produits de base principalement des Etats-Unis et de la République dominicaine,
le flot d’aide alimentaire fragilisent une agriculture déjà moribonde.
Le paysan haïtien, pilier d’un pays de 9 millions d’habitants - dont 8 sur 10 vivent avec moins de 1,5 euros par jour – est condamné à vivre dans une extrême pauvreté ou à migrer vers des bidonvilles insalubres.
En 2008, les cyclones Fay, Gustav, Hanna et Ike, se succèdent dans un intervalle de deux mois et affectent près de 850 000 personnes,
faisant près de 130 000 sans-abris. Les réseaux d’eau potable déjà insuffisants ont été totalement détruits par les tonnes de boue et ne permettent toujours pas de couvrir les besoins de la population exposée aux maladies hydriques. Aujourd’hui, seul un haïtien sur deux a accès à l’eau potable et 70% des systèmes d’approvisionnement ne fonctionnement pas à pleine capacité.
Cette liste n’est pas exhaustive mais illustre l’inefficacité de cet état d’urgence permanent qui mobilise depuis plusieurs décennies, gouvernements, bailleurs de fonds et ONG. Il est important de se rappeler que dans le cas d’Haïti, ce n’est pas tant les désastres naturels qui tuent, mais le peu d’Etat et la pauvreté des citoyens qui rendent le pays plus vulnérable, catastrophe après catastrophe.
Le budget national devient année après année plus dépendant de l’aide internationale tandis que les investissements étrangers fuient le pays. En 2007, Haïti recevait 10 fois plus d’aide (700 millions de dollars) que d’investissement.
Rien n’est fait pour développer un potentiel économique, notamment touristique, réel, avec ses plages caribéennes de sable blanc, son soleil et sa richesse culturelle. Ce modèle d’intervention a atteint ses limites.
Il est urgent de permettre à l’économie haïtienne de créer des emplois durables et de générer des revenus pour la population. Rien de tout cela ne sera possible sans un investissement massif dans l’éducation à tous les niveaux, particulièrement la formation professionnelle qui pourrait immédiatement offrir des opportunités à des milliers de jeunes en situation de chômage.
Nesmy Manigat, directeur Amérique Latine-Caraïbes de l’ONG Aide et Action