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Yémen : La question du mariage des enfants reléguée au second plan


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Dhamar, 22 décembre 2011 (IRIN) - La pauvreté et le chômage, aggravés par l’instabilité politique actuelle, entraînent une augmentation du nombre de mariages d’enfants dans le gouvernorat de Dhamar et dans le reste du Yémen, dit Asmaa al-Masri, sociologue à l’université de Dhamar.

Plusieurs centaines de filles originaires de Dhamar ont été forcées de se marier à un jeune âge, car leurs familles ont besoin d’argent, a-t-elle dit à IRIN. « Le nombre de victimes de mariages d’enfants est en augmentation mais, en raison de l’instabilité politique, personne ne s’intéresse à ce problème ».

L’avant-projet de loi sur la « maternité sans risque », qui inclut des articles interdisant les mariages d’enfants, n’a pas encore été discuté, car la crise politique a interrompu les travaux du Parlement, a dit le député Mohammed Qowarah, ajoutant : « S’il n’y avait pas eu de manifestations, le Parlement aurait fait de grandes avancées dans la lutte contre ce phénomène ».

Les chiffres sur les mariages d’enfants au Yémen varient, mais tous les indicateurs suggèrent que le problème est répandu. Un rapport rédigé en 2009 par le ministère des Affaires sociales et du Travail indique qu’environ 25 pour cent des femmes se marient avant l’âge de 15 ans.

Selon un rapport de Humans Rights Watch (HRW) publié le 8 décembre, la crise qui secoue le Yémen depuis le début de l’année 2011 a éclipsé le sort des épouses enfants.

« En se mariant jeunes, elles ont interrompu leur scolarité précocement », indique le rapport. « Certaines ont confié avoir été victimes de viols conjugaux et de violences domestiques. Au Yémen, il n’y a pas d’âge minimum légal pour le mariage des jeunes filles. De nombreuses fillettes sont contraintes de se marier, parfois dès l’âge de 8 ans ».

La crise politique au Yémen a relégué des problèmes tels que le mariage des enfants au bas de la liste des priorités politiques, a dit Nadya Khalife, chercheuse sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch.

« Il est temps à présent de faire avancer les choses sur cette question, de fixer l’âge nubile à 18 ans et de veiller à ce que les filles et les femmes qui ont joué un rôle important dans le mouvement de protestation au Yémen puissent désormais contribuer aussi à construire l’avenir du pays », a-t-elle dit.

Selon Widad al-Badwi, une activiste des droits de l’homme, nombres de cas de viols et de mariages d’enfants ne sont pas signalés au Yémen. « Les femmes sont opprimées », a dit Mme. al-Badwi, qui a participé au lancement dans les médias d’unecampagne nationale de sensibilisation du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) qui s’est déroulée du 25 novembre au 10 décembre et qui avait pour objectif de combattre les violences domestiques.

Le rapport de HRW a conclu que les familles forçaient leurs filles à se marier, et les privaient ainsi de la capacité à prendre leurs propres décisions concernant le fait d’avoir ou non des enfants, et à quel moment, ou concernant d’autres aspects importants de leur vie.

« Des unions de courte durée »

« Les mariages d’enfants sont en général de courte durée. L’épouse enfant finit traumatisée, parce qu’elle a été violée par son mari ou qu’elle a été victime de violences », a dit Mme al-Masri, sociologue.

Selon Arwa Omar, un professeur de sciences sociales qui a travaillé dans des écoles de filles de Sana’a, la capitale du pays, pendant plus de 20 ans, les mariages d’enfants sont courants, mais se soldent par des échecs.

« Dans certaines communautés tribales, les fillettes sont promises en mariage dès l’âge de cinq ans, mais la cérémonie n’a lieu que quatre ou cinq ans plus tard », a dit M. Omar. « Les épouses enfants sont contentes, car elles reçoivent de nouveaux vêtements et des bijoux avant la cérémonie. Mais plus tard, le prix à payer sera lourd. Une fillette ne gagne rien lorsqu’elle se marie, elle quitte l’école et finit traumatisée ». Mohammed Ali Nasser, un juge de la Cour pénale du gouvernorat de Dhamar, a dit que des dizaines de contrats de mariage concernant des filles avaient été annulés au cours de ces trois derniers mois.

« Les mariages d’enfants sont des échecs, car les épouses enfants finissent souvent par s’enfuir », a-t-il dit à IRIN. Ces affaires sont présentées devant les tribunaux ; le mari demande en général à ce que les parents de la mariée remboursent les frais engagés à l’occasion du mariage (qui peuvent atteindre l’équivalent de 4 500 dollars), a-t-il ajouté.

Risques médicaux

« Les complications liées à la naissance sont courantes chez les filles-mères au Yémen. Beaucoup de filles de moins de 15 ans meurent pendant l’accouchement », a dit Intesar Ali, spécialiste en obstétrique et en gynécologie à l’hôpital public al-Thawrah de Sana’a.

Le rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) World Population Foundation conclut que les filles âgées de 15 à 19 ans ont deux fois plus de risques de mourir en couches que les femmes âgées de 20 ans et plus, et que les filles de moins de 15 ans ont cinq fois plus de risques de mourir en couches que les femmes de 20 ans et plus.

Selon l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), le risque de décès maternel sur la vie entière est presque quatre fois plus élevé au Yémen que dans la région en moyenne. Le taux de mortalité infantile atteint 60 décès pour 1 000 naissances vivantes, soit l’un des taux les plus élevés au monde.

« Les bailleurs de fonds internationaux investissent des millions de dollars dans des réformes de l’éducation et de la santé au Yémen », a dit Mme Khalife de HRW. « Tant que le mariage d’enfants ne sera pas interdit, l’aide internationale ne pourra pas empêcher les fillettes d’être forcées à quitter l’école, ni les protéger des risques sanitaires liés au mariage précoce ».


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 15 février 2012

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