Accueil >>  VIH/Sida >>  Actualités

Circoncision ou pas, le préservatif est non négociable


Rue89 - Par Camille | Mauvais genre | 13/03/2011 |

L’article sur la circoncision a occasionné une levée de boucliers. Je réfute l’idée que cet article initial était une « charge hygiéniste pro-circoncision ». Il reflète ce que les témoins que j’ai interviewés ont dit, et on ne peut pas réfuter leur ressenti sous prétexte qu’il ne nous arrange pas.

Je dois admettre que je n’avais pas perçu que certains vivaient une réelle pression à la circoncision, comme j’ai pu lire sur Twitter : « Je confirme la mode, plusieurs potes se sont faits circoncire il y a peu », je me dis qu’il y avait là un effet de mode que je n’imaginais pas.

Les hygiénistes forcenés contre les pervers du prépuce ?

Cela dit, à la recherche d’un témoignage d’homme circoncis tardivement et l’ayant regretté, je ne l’ai toujours pas trouvé. Et les témoignages initiaux sont toujours aussi valables : on a le droit de préférer des sexes circoncis sans être taxé(e) d’hygiénisme forcené. Les hommes ou les femmes qui préfèrent « la souplesse des sexes avec prépuces » ne sont pas non plus des pervers, chacun a le droit d’avoir ses goûts.

Pour le reste, si je ne cautionne pas certaines réactions qui relèvent du « touche pas à la bite, c’est sacré », j’aimerais ici remettre les choses au point sur la circoncision et transmission du sida  , avec l’aide de (trop rares en l’occurrence) riverains qui y ont contribué. En particulier Mathieu, circoncis et séropositif, dépisté il y a près de deux ans, qui a accepté de répondre a quelques questions

Et pour cause, depuis son dépistage, il s’est beaucoup renseigné sur les « bienfaits » qu’offrirait la circoncision (et qu’elle ne lui pas offert). Que l’on soit circoncis ou non, il n’y a qu’une solution (pour le sida   et toutes les IST) : le préservatif. « Si je l’avais utilisé je n’en serais pas là. » Interview.

Camille : Quelles populations sont concernées par la circoncision comme moyen de prévention du sida   ?

Mathieu : Plus de 40 études se sont intéressées à l’incidence de la circoncision sur le sida  . Il en ressort que la circoncision réduirait le risque de transmission du VIH   de 48% à 60% mais uniquement pour le partenaire masculin et uniquement lors des rapports vaginaux. Donc, il n’y a aucune incidence sur les rapports anaux et les femmes et les homosexuels sont exclus de cette protection.

Forte de ces résultats, l’OMS   a indiqué en 2007 que, avec la prévention et l’utilisation du préservatif, la circoncision pouvait réduire les risques de transmission du virus dans les régions du monde où sa prévalence est extrêmement élevée, comme en Afrique subsaharienne. Les recommandations de l’organisation n’ont d’ailleurs été appliquées que dans cette région du monde.

En effet, en France dès 2007, le Conseil national du sida   a estimé que la circoncision est « une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH   » qui souffre d’une « communication confuse » et qui « nécessite des recherches complémentaires en sciences sociales », concluant que « la circoncision comme moyen de réduction des risques s’adresse uniquement aux pays à haute prévalence » et qu’elle n’est donc « pas applicable dans les pays du Nord ».

Et la position française est similaire à celle de l’ensemble des pays du monde développé. La circoncision comme moyen de réduction des risques n’est ainsi appliquée par aucun pays du Nord.

Parler de ce sujet, c’est risquer de voir baisser l’utilisation du préservatif ?

Absolument. Le sida   est empreint de toutes sortes de légendes urbaines, dont la croyance que les circoncis seraient, de facto, « vaccinés ». Lors du grand battage médiatique de 2007, Sida   Info Service a même reçu des appels demandant si le port du préservatif était toujours nécessaire pour les circoncis.

La communication autour de ce sujet a été et reste totalement désastreuse. Et le problème ne vient pas de l’OMS   qui a toujours été clair, mais des médias qui se sont emparés du sujet et qui ont raconté n’importe quoi, brouillant totalement les messages de prévention.

Donc que les choses soient claires : circoncis ou pas, il n’y a qu’un moyen de se protéger et de protéger sa ou son partenaire, c’est l’utilisation du préservatif. Et ce n’est pas négociable.

Les bénéfices de la circoncision ne sont donc pas assez avérés pour la recommander d’office ?

Dans nos sociétés développées et médicalisées, les bénéfices de la circoncision ne l’emportent clairement pas sur les risques. Car l’ablation médicale du prépuce comporte des complications immédiates et postérieures.

De plus, bon nombre de ces bénéfices ne font pas consensus au sein de la communauté scientifique, il y sont même l’objet de vifs débats. Par exemple, l’American Cancer Society indique que la circoncision permet de faire diminuer les risques de cancer du pénis alors qu’une étude menée en 1985 conclut que la prévalence de ce cancer est la même au Japon ou au Danemark (deux pays qui présentent des taux de circoncision parmi les plus bas du monde) qu’aux Etats-Unis (où 79% des hommes sont circoncis).

Pourtant, des hommes qui ont été circoncis à l’âge adulte pour des raisons thérapeutiques indiquent qu’ils auraient aimé l’être préventivement pendant l’enfance ?

La Société canadienne de pédiatrie indique que sur 1 000 hommes non-circoncis, 10 se feront circoncire pour des raisons médicales au cours de leur vie. Mais elle indique également que sur 1 000 hommes circoncis, 10 seront obligés d’à nouveau se faire circoncire en raison « des mauvais résultats de la première circoncision ». Procéder en une ablation systématique du prépuce pour prévenir les affections du pénis, c’est donc remplacer un mal par un autre.

Si les bénéfices ne l’emportent pas sur les risques, pourquoi la circoncision est-elle encore pratiquée dans les pays anglo-saxons ?

Pour des raisons essentiellement culturelles que l’on peut comprendre grâce à un bref rappel historique. A la fin du XIXe siècle, la circoncision prit de l’ampleur dans le monde anglo-saxon pour des motifs puritains (croyance infondée que la circoncision empêcherait la masturbation) et hygiénistes (l’ablation du prépuce était censée soigner toute sorte de maladies). Donc, contrairement à ce qu’affirment certains sites antisémites, les juifs n’y sont strictement pour rien dans cette affaire.

Cependant, à partir des années 1970, l’utilité de la circoncision systématique fut remise en cause par les autorités médicales qui petit à petit arrêtèrent de promouvoir l’opération et adoptèrent une position « neutre ». La circoncision entama alors une inexorable baisse.

Par exemple, en Australie, 66% des 50-59 ans sont circoncis contre seulement 32% des 16-19 ans. Aux Etats-Unis, la baisse est moins marquée, en 2006 la circoncision néonatale était encore pratiquée sur 56% des nouveaux-nés.

Cependant, l’été dernier, le New York Times à indiqué qu’en 2009, le taux de circoncision se serait effondré à 32%. Il se pourrait donc, qu’à l’instar des autres pays anglo-saxons, les Etats-Unis abandonnent eux-aussi la pratique massive de la circoncision.

► Merci Mathieu.


VOIR EN LIGNE : Rue89
Publié sur OSI Bouaké le lundi 14 mars 2011

 

DANS LA MEME RUBRIQUE