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Les premiers pas en France des enfants adoptés d’Haïti



La Croix - 10/02/2010 - Marine Lamoureux

Si la plupart des enfants rapatriés depuis le séisme mangent bien et jouent « normalement », leurs nuits sont souvent agitées, troublées de cauchemars et de réveils successifs, que les parents adoptifs doivent apaiser

La petite fille de 4 ans est arrivée à Roissy il y a deux semaines, le visage marqué par la fatigue après un voyage éprouvant depuis Port-au-Prince. « Elle m’a d’abord fait un immense sourire, c’était magique, et puis d’un coup, elle s’est fermée. Plus personne ne pouvait l’approcher », se souvient Carole, la mère adoptive de Gladys (1), qui fait partie des quelque 400 enfants haïtiens à avoir été rapatriés en France depuis le tremblement de terre.

La jeune femme et l’enfant se rencontraient pour la première fois, à l’issue d’une procédure d’adoption d’un an et demi. « Nous avions des photos l’une de l’autre et les échanges que j’avais avec la crèche par Internet étaient réguliers ; là-bas, les nounous avaient bien préparé Gladys à sa venue en France, raconte Carole. Mais ce qui aurait dû être une rencontre dans son univers à elle s’est fait dans le hall froid et impersonnel d’un aéroport. » Sans parler du traumatisme du séisme, même si aucun enfant de la crèche de Gladys n’a été blessé.

« L’arrivée a vraiment été un moment très dur, poursuit la maman adoptante. Gladys était dans un rejet complet, je ne savais pas comment réagir. » À force de douceur, de patience, et grâce aux conseils des psychologues présents à Roissy, la fillette a fini par se laisser apprivoiser. « Je l’ai prise dans mes bras. Elle ne m’a plus lâchée jusqu’à Reims ! »

« Il y a des moments ardus » Depuis, mère et fille apprennent à se connaître. Gladys a pris possession de sa chambre, de ses jouets, et mange de bon appétit. « Mais il ne faut pas mettre le plat sur la table parce qu’alors elle pense qu’il faut tout finir : pour elle, on ne sait pas de quoi demain est fait. » Parfois, la petite fille va ouvrir l’album qui contient des photos de la crèche de Port-au-Prince, parle des copains restés là-bas ou adoptés dans d’autres « pays blancs », comme elle dit.

Les nuits, souvent, sont agitées. « Tout d’un coup je l’entends parler fort, elle s’agite dans son sommeil. Et le matin, elle vient se blottir dans mon lit. »

Pour Carole, qui a adopté la fillette en célibataire, pas facile de tout assumer. « Il y a des moments ardus. Gladys me teste, se braque, je dois tenir bon. Il faut aussi digérer toute la pression accumulée avant son arrivée. » La maman trouve un soutien dans les échanges qu’elle a avec une autre mère, dont l’enfant haïtien est arrivé par le même avion. « C’est primordial », dit Carole.

« On se pose beaucoup de questions » À plusieurs centaines de kilomètres de là, en Haute-Savoie, les liens entre Chloé, 2 ans, et ses parents se tissent aussi doucement. « Elle m’impressionne, dit sa mère. Arriver dans un nouveau pays, dans une nouvelle famille… Je trouve qu’elle a une grande capacité d’adaptation. »

Prudente, consciente qu’il peut y avoir à l’avenir des moments difficiles, Alice préfère se concentrer sur un présent déjà dense. « Pour la petite, tout est une découverte depuis deux semaines ! Le siège auto, la neige, faire les courses avec nous… Hier, nous sommes allés au supermarché ; elle a bien compris ce que nous faisions là : elle a désigné un paquet de viande et l’a mis dans le caddie, bien décidée à le manger ! »

Comme Gladys, Chloé mange bien, joue beaucoup, mais dort difficilement. « Le moment du coucher est délicat, confie Alice. Et une fois endormie, il lui arrive de se réveiller plusieurs fois par nuit. » Choc du séisme, de l’abandon… « On se pose beaucoup de questions, tous ces enfants ont une histoire douloureuse sans qu’on ait toutes les clés… »

Gladys, elle, demande déjà à aller à l’école Les parents adoptifs font leur possible pour rassurer la petite fille, et tentent depuis son arrivée de former un cocon autour d’elle. « Pour le moment, nous sortons peu, nous évitons de multiplier les rencontres : afin que Chloé n’ait pas de doute sur qui sont ses parents, sur le fait qu’on sera toujours là, pour qu’elle ait un sentiment de sécurité. » À l’extérieur de la maison, elle refuse encore de quitter les bras d’Alice. « Tout ce qui a trait à la séparation s’avère très compliqué. »

Le couple réfléchit déjà à l’avenir. Dans deux mois, à l’issue de son congé d’adoption, Alice devra retourner travailler. « J’essaierai d’être là le plus possible et je prévois déjà une période de transition avec ma mère, avant, si tout se passe bien, de confier Chloé à une assistante maternelle. » Gladys, elle, demande déjà à aller à l’école.

(1) Les prénoms ont été modifiés.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 12 février 2010

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