Sida, la discrimination des malades reste une urgence

Publié le 11 août 2008 sur OSIBouaké.org

C’est fini. Vendredi soir s’est achevée la Conférence internationale sur le sida  , qui se tenait à Mexico. Ce fut un congrès fort, surprenant. Inattendu aussi. Qui, à la veille de cette conférence, pouvait imaginer qu’un des thèmes récurrents serait celui des droits de l’homme, de la lutte pour la libre circulation et pour la fin des politiques discriminatoires contre les séropositifs ? Qui pouvait imaginer, pour la 17e édition de cette immense messe à laquelle plus de 20 000 personnes participaient, qu’il y ait toujours autant de colère et de vigueur dans le monde de la lutte contre le virus ?

Premier bilan.

Mexico, ce fut d’abord un tournant épidémique : la pandémie mondiale de VIH   - 33 millions de personnes infectées aujourd’hui sur la planète - a changé. Et changera. Pour la première fois donc, depuis des années, on a assisté en 2007 à une baisse des contaminations dans le monde. Une baisse faible (10 % de moins), mais réelle. Est-on arrivé à un pic ? Ou bien n’est-ce qu’un plateau ? Quelle forme prendra le visage de l’épidémie demain ?

Message

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Mexico, ce fut ensuite une éclatante confirmation : plus le temps passe et plus les traitements antirétroviraux (ARV  ), apparus en 1996, se révèlent efficaces. Toutes les études présentées à Mexico le confirment : que ce soit chez des patients suivis dans des villages africains ou parmi ceux des grandes villes européennes, les effets sont spectaculaires. Certes, on ne parle plus d’éradication du virus, mais les ARV   réduisent drastiquement le virus dans le corps. Et ils arrivent à stopper sa reproduction. Le sida   est devenu une maladie chronique dans les pays riches. Reste à ce qu’il le devienne aussi dans les pays en voie de développement.

Mais cette conférence fut aussi marquée par l’incertitude. Le très imposant effort financier initié il y a cinq ans pour arriver à « l’accès universel aux traitements », voulu par l’ONU  , sera-t-il poursuivi, voire amplifié ? Les pays riches vont-ils se détourner de la lutte contre le sida   pour privilégier d’autres causes - aussi essentielles -, comme la crise alimentaire ou le réchauffement climatique ? Sur ce point, rien n’est assuré. D’autant que la montée en puissance des traitements pointe l’urgence de changements profonds des systèmes de santé dans les pays du Sud. Autre inquiétude : les grandes firmes pharmaceutiques vont-elles rester mobilisées ? A Mexico, elles étaient peu présentes. Et certains évoquent même un éventuel retrait de GSK, la firme pharmaceutique historique dans la recherche anti-VIH  .

Mexico, ce fut surtout un bouleversement. Les traitements antisida et les nouveaux outils de prévention forment désormais un couple inédit. Les deux sont désormais indissociables. A l’image des traitements qui permettent de rendre le séropositif non-contaminant, et que certains suggèrent même de prendre « en préventif ». Va-t-on ainsi vers une situation où l’on prend des ARV   pour ne pas être contaminé, ou encore pour ne pas contaminer ? En tout cas, à Mexico, un message est massivement passé. De même que les traitements sont une combinaison de molécules, la prévention ne peut se résumer à une mesure : elle doit être une combinaison - port du préservatif, circoncision, échange de seringues…

Homosexuels.

La conférence de Mexico, ce fut enfin une urgence qui demeure. La discrimination reste au cœur de l’épidémie. Un exemple : jeudi soir, l’association française Aides a présenté la création d’Africagay  , un réseau d’associations africaines de lutte contre le sida   et pour les droits des homosexuels. Une nécessité car le sida   chez les homosexuels, en Afrique, est une épidémie ignorée, silencieuse. Peu de chiffres et un contexte terrible : les relations homosexuelles sont « criminalisées dans plus de 35 pays africains », expliquait Aides. Quelques données éparses indiquent, par exemple, qu’au Sénégal, les « hommes ayant des relations avec les hommes » sont trente fois plus touchés par le sida   que le reste de la population. « Dans mon pays, si dans le titre de mon association j’avais mis le mot "gay", je serais en prison », a raconté un jeune militant venu du Cameroun. « Comment, dans ces conditions, avoir accès aux soins ou à la prévention ? »

Fini Mexico donc, en attendant Vienne, où se tiendra, en 2010, la 18e Conférence internationale sur le sida  . Dans deux ans, c’est-à-dire 5 millions de morts du sida   plus tard… si rien ne change.

Eric Favereau / Libération

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